Chapitre 5 : Normes Canadiennes pour la lutte antituberculeuse 7e édition – Le traitement de la tuberculose active

Normes Canadiennes pour la lutte antituberculeuse 7e édition

Annexes

La 7e édition des Normes canadiennes pour la lutte antituberculeuse est désormais obsolète.

Veuillez vous référer à l'édition actuelle : Normes canadiennes pour la lutte antituberculeuse, 8e édition

Chapitre 5 - Le traitement de la tuberculose active

Dick Menzies, MD, MSc
Kevin Elwood, MD

Table des matières

Messages et points clés

  • Dans tous les cas, la TB active devrait être traitée au moyen de deux antituberculeux efficaces; dans la phase initiale (les 2 premiers mois), il est recommandé d’utiliser au moins trois antituberculeux efficaces.
  • Le choix des antituberculeux pour le traitement devrait se faire d’après les résultats de l’antibiogramme, qui devrait être effectué pour tous les patients dont la maladie a été confirmée par culture.
  • Tous les patients atteints de TB active au Canada devraient être traités au départ par un schéma composé d’isoniazide (INH), de rifampicine (RMP), de pyrazinamide (PZA) et d’éthambutol (EMB). Si la souche qui cause la maladie est sensible à tous les antituberculeux majeurs, l’EMB peut être arrêté, et le PZA devrait être donné les 2 premiers mois. Par la suite, il est recommandé de ne donner que de l’INH et de la RMP pendant le reste du traitement, habituellement pendant 4 mois.
  • Le traitement est prolongé jusqu’à 9 mois s’il existe des facteurs de risque de rechute. On compte parmi ces facteurs la présence persistante de cavités à la radiographie pulmonaire après 2 mois ou à la fin d’un traitement antituberculeux efficace, le frottis ou la culture qui demeurent positifs après 2 mois de traitement, et la coinfection par le VIH.
  • Les dispensateurs de soins qui mettent en route un traitement antituberculeux devraient offrir des soins complets, centrés sur le patient, et pouvoir s’assurer que toutes les doses prescrites sont prises. La thérapie sous observation directe (TOD) est un moyen de s’assurer de la prise des médicaments et est recommandée à tout le moins pour les patients qui présentent des facteurs de risque de non‑observance et pour les groupes de la population chez lesquels on a observé dans le passé des taux élevés d’échec thérapeutique ou de rechute ou des taux insuffisants d’achèvement du traitement, soit un traitement inachevé chez 5 % ou plus des cas. Il est recommandé de faire en sorte que toutes les provinces et tous les territoires puissent offrir la TOD.
  • Si on a recours à la TOD, le traitement peut être donné cinq fois par semaine les 2 premiers mois, puis trois fois par semaine, ce qui facilitera la supervision du traitement. Dans le cas du traitement auto-administré, les médicaments devraient être pris chaque jour.
  • Les associations à dose fixe (ADF) de plusieurs antituberculeux ne sont pas recommandées.
  • Les femmes enceintes ou allaitantes qui sont atteintes d’une TB active devraient être traitées au moyen du schéma standard.
  • Les mêmes antituberculeux, les mêmes doses et la même durée que dans le schéma standard sont recommandés pour le traitement de la TB active chez les patients en insuffisance rénale. Cependant, des intervalles d’administration plus longs sont recommandés pour le PZA et l’EMB (trois fois par semaine au lieu d’une fois par jour).
  • Le suivi thérapeutique pharmacologique (STP) n’est pas offert au Canada, mais il l’est aux États‑Unis. L’impact du STP sur d’importants résultats n’est pas connu. Néanmoins, le STP devrait être envisagé pour les patients en insuffisance rénale ou hépatique, coinfectés par le VIH ou qui ont un problème connu de malabsorption.
  • Le traitement de la TB pharmacorésistante, de la TB associée au VIH, de la TB extrapulmonaire et de la TB de l’enfant est décrit dans des chapitres distincts.

Fondements du traitement de la TB active

Les fondements du traitement sont abordés dans d’autres documents d’excellente qualité, et les lecteurs que le sujet intéresse sont priés de s’y reporterNote de bas de page 1-6.

Objectifs du traitement de la maladie

Le traitement de la TB active comporte trois objectifs fondamentaux. Il est utile de comprendre ces objectifs, car chacun est atteint par différents antituberculeux ou différentes associations d’antituberculeux. Les objectifs sont les suivants :

  1. tuer rapidement les bacilles tuberculeux afin d’améliorer rapidement l’état clinique du patient et de prévenir ainsi les complications (baisse de la morbidité), les décès (baisse de la mortalité) et la transmission (baisse de la contagiosité);
  2. prévenir l’apparition d’une pharmacorésistance ou l’aggravation d’une pharmacorésistance déjà existante;
  3. prévenir la réapparition de la maladie une fois le traitement terminé et obtenir une guérison de longue durée.

Principes du traitement de la maladie

Le traitement est administré en deux phases : la phase initiale intensive et la phase de continuation.

Lors de la phase initiale, plusieurs antituberculeux efficaces sont utilisés en association pour atteindre le premier et le deuxième objectifs. D’après les résultats des essais randomisés, cette phase devrait durer 2 mois, et les médicaments devraient être administrés chaque jour.

La phase de continuation, pendant laquelle on administre habituellement deux antituberculeux seulement, vise à atteindre le deuxième objectif. Cette phase a une durée variable qui dépend des indicateurs du risque de rechute, des médicaments donnés pendant la phase initiale et des résultats de l’antibiogramme (épreuve de sensibilité aux antituberculeux) réalisé avant le début du traitement. Le traitement peut être donné chaque jour ou par intermittence.

Le traitement optimal pour atteindre les trois objectifs chez les patients de tous âges, quel que soit le siège de la maladie, devrait reposer sur les résultats de l’antibiogramme, ce qui rappelle l’importance de la confirmation microbiologique du diagnostic de TB active. Si l’on soupçonne une TB active chez un patient, on devrait toujours expédier au laboratoire de microbiologie plusieurs échantillons pour analyse avant le début du traitement (se référer au chapitre 3, Le diagnostic de la tuberculose active et de la pharmacorésistance).

Il est recommandé d’administrer en tout temps au moins deux antituberculeux efficaces. Si les résultats de l’antibiogramme ne sont pas encore connus, on peut devoir utiliser plus de médicaments pour s’assurer qu’au moins deux d’entre eux seront probablement efficaces.

Au cours de la phase intensive initiale, en particulier lorsque la charge bacillaire est élevée (se référer ci‑dessous), trois médicaments probablement efficaces devraient être utilisés pour prévenir l’apparition d’une pharmacorésistance.

Une décision de mettre en route un traitement antituberculeux implique un engagement à faire en sorte que le traitement ne soit pas interrompu, ni pris de façon irrégulière, jusqu’à la date d’achèvement prévue. Il est donc recommandé de prendre toutes les mesures nécessaires pour éviter que les patients n’abandonnent le traitement ou ne soient perdus de vue et que l’approvisionnement en antituberculeux ne soit interrompu. Si des événements indésirables surviennent, un traitement de remplacement devrait être mis en route rapidement. Les praticiens qui ne peuvent pas garantir une surveillance et une supervision adéquates du traitement devraient adresser immédiatement leurs patients à un centre qui peut s’en charger.

Prévention de la pharmacorésistance

La pharmacorésistance est abordée en détail au chapitre 8, La tuberculose pharmacorésistante. Cependant, pour comprendre les motifs qui sous-tendent bon nombre des principes mentionnés, il est utile de savoir comment la pharmacorésistance se développe. Brièvement, tous les patients atteints de TB hébergent au moins quelques bacilles qui ont subi des mutations spontanées entraînant une résistance à chacun l’un ou à l’autre des antituberculeuxNote de bas de page 7 Note de bas de page 8. Le taux des mutations visant chaque antituberculeux a été établi au moyen d’expériences in vitroNote de bas de page 7 Note de bas de page 8. Le traitement par un seul antituberculeux n’inhibera pas la multiplication des bacilles qui portent la mutation à l’égard de cet antituberculeux, mais éradiquera les autres bacillesNote de bas de page 9. C’est donc dire que 2 à 3 mois après le début de la monothérapie, toutes les bactéries seront porteuses de la mutation et seront résistantes à cet antituberculeuxNote de bas de page 10. Heureusement, les mutations conférant une résistance aux différents antituberculeux sont indépendantes les unes des autres, de sorte que si l’on traite le patient avec deux médicaments, les bacilles mutants résistants à un médicament seront habituellement tués par l’autre médicament, à moins que le nombre total de bacilles ne soit très élevéNote de bas de page 9.

Les études expérimentales ont établi le nombre total de bacilles présents dans chaque type de lésion tuberculeuse et selon l’étendue de la maladieNote de bas de page 7. À l’aide de ces données, et du taux de mutations spontanées, il est possible de calculer la probabilité que le traitement par un, deux ou trois médicaments se solde par l’apparition d’une pharmacorésistance par suite d’une mutation naturelle ou spontanée, même lorsque le patient prend toutes les doses comme il se doit. Comme le montre le tableau 1, la monothérapie n’entraînera pas de résistance chez un patient atteint d’une infection tuberculeuse latente (ITL), mais le fera très probablement si la TB est le moindrement active. Par contre, deux antituberculeux efficaces conviendront à de nombreux cas de TB active, mais pas à ceux dont la maladie est plus étendue.

Tableau 1. Probabilité d’apparition d’une pharmacorésistance selon la charge
bacillaire et le nombre d’antituberculeuxFootnote 9
Nombre de bacilles tuberculeux
(infection tuberculeuse/état de la maladie)
Probabilité de résistance selon le nombre d’antituberculeux utilisés
Un Deux Trois
10 3 (infection latent) 0 0 0
10 4 (infection latent) 0 0 0
10 6 (frottis négatif, culture positive) 50% 0 0
10 8 (une seule cavité) 100% 50% 0
10 10 (plusieurs cavités) 100% 100% 0
10 12 (maladie très étendue) 100% 100% 1%

Antituberculeux employés dans le traitement

Les antituberculeux sont divisés en deux grands groupes.

Antituberculeux majeurs

Quatre médicaments sont classés comme des antituberculeux majeurs au Canada parce qu’ils sont tous efficaces, peuvent être pris par voie orale et  sont bien tolérés (ou du moins mieux tolérés que les antituberculeux mineurs).

Antituberculeux mineurs

Les antituberculeux mineurs comprennent les fluoroquinolones, tous les antituberculeux injectables et de nombreux « vieux » antituberculeux qui étaient employés dans les années 1950 et 1960, mais qui ont été abandonnés à cause de leur efficacité relativement faible ou de leur plus grande toxicitéNote de bas de page 4.

Les preuves au sujet de l’action des antituberculeux et du rôle de chacun dans le traitement sont issues d’études in vitro, d’études chez les animaux et de multiples essais randomisés. Le tableau 2 résume les doses, prises une fois par jour ou trois fois par semaine, des quatre antituberculeux majeurs et des antituberculeux mineurs les plus courants.

Tableau 2. Doses d’antituberculeux recommandées pour le traitement quotidien et le traitement intermittent chez les adolescents et les adultes Footnote 1 Footnote 6 Table 2 - Footnote A
  Une fois par jour Trois fois par semaine
Par poids Max (mg) Par poids Max (mg)
Antituberculeux majeurs
INH 5 mg/kg 300 10 mg/kg 600
RMP 10 mg/kg 600 10 mg/kg 600
PZA 20-25 mg/kg 2000 30-40 mg/kg 4000
EMB 15-20 mg/kgTable 2 - Footnote B 1600 25-40 mg/kg 2400
Antituberculeux mineurs
Fluoroquinolones Table 2 - Footnote C – moxifloxacine, lévofloxacine   400
750-1000
  Table 2 - Footnote F
Table 2 - Footnote F
Injectables – amikacine Table 2 - Footnote D 15 mg/kg en une seule dose Table 2 - Footnote G   Table 2 - Footnote F
INH = isoniazide, RMP = rifampicine, PZA = pyrazinamide, EMB =  éthambutol
Note
APour connaître les doses chez les enfants, se référer au chapitre 9, La tuberculose de l’enfant.
Note
BLa dose optimale d’EMB n’est pas clairement établie. On sait que la toxicité oculaire dépend de la dose et que le risque d’une telle toxicité est plus élevé avec 25 mg/kg qu’avec 15 mg/kg.
Note
CFluoroquinolones : la gatifloxacine n’est pas recommandée au Canada à cause de problèmes de dysglycémie. Ce médicament a été utilisé dans des essais récents et est toujours en usage dans certains pays.
Note
DAmikacine : parmi les agents injectables, l’amikacine est privilégiée au Canada parce qu’on peut se la procurer facilement, que les cliniciens, les infirmières et les pharmaciens savent bien comment l’utiliser et que de nombreux établissements peuvent mesurer sa concentration sérique. La streptomycine (SM)  n’est pas offerte au Canada, mais peut être préférée dans certains pays à revenu faible ou moyen parce que son taux de toxicité est similaire et que son coût est plus bas.
Note
F Les données issues d’essais randomisés sur l’usage des fluoroquinolones ou des agents injectables dans des schémas intermittents sont insuffisantes. S’il est nécessaire d’administrer ces médicaments en raison d’une intolérance ou d’une résistance aux antituberculeux majeurs, un traitement quotidien est suggéré.
Note
GDose initiale si la fonction rénale est normale. La dose devrait être ajustée en fonction des concentrations sériques maximales et minimales, en consultation avec un pharmacien.
Isoniazide (INH)

Cet agent a fait son apparition sur le marché en 1952 et demeure la pierre angulaire du traitement moderne de la TB. Il a une activité bactéricide très puissante et précoce, ce qui signifie qu’il est très efficace pour tuer les bacilles dès les premiers jours. Il s’agit donc d’un médicament important pour atteindre le 1er objectif du traitement. Il est aussi efficace pour prévenir l’apparition d’une résistance, bien que son rôle dans la prévention de la rechute demeure obscur. Si on ne donne pas d’INH pendant toute la durée du traitement, celui-ci devrait être prolongé. Si on ne donne pas du tout d’INH, le traitement devrait durer au moins 12 mois. De la pyridoxine (vitamine B6) devrait être systématiquement donnée aux patients souffrant de diabète, d’insuffisance rénale, de malnutrition, de toxicomanie ou de troubles épileptiques et aux femmes enceintes ou allaitantes à cause du risque accru de symptômes liés à la carence en pyridoxine chez ces patients. Une dose de pyridoxine de 25 mg suffit; les doses plus fortes peuvent réduire l’activité de l’INH.

Rifampicine (RMP)

Cet antituberculeux, qui est arrivé sur le marché en 1968, est le plus puissant qui existe. Son utilisation permet de réduire à 9 mois la durée du traitement (ou moins si on utilise aussi du PZA). Ce médicament a une bonne activité bactéricide (1er objectif), prévient la pharmacorésistance acquise (2e objectif) et est très important pour prévenir la rechute (3e objectif). Les doses actuellement données ont été déterminées grâce aux études réalisées dans les années 1960, alors qu’on avait recours à la plus faible dose efficace à cause du coût élevé du médicament. Dans des séries de cas, on a signalé de faibles concentrations de RMP chez 40 % à 50 % des patients qui prenaient des doses standardNote de bas de page 11 Note de bas de page 12 et chez des patients dont le résultat du traitement n’était pas satisfaisantNote de bas de page 13 Note de bas de page 14. Ces données ont mené à l’hypothèse, qu’on vérifie actuellement dans le cadre d’essais cliniques, que la RMP administrée à plus fortes doses serait plus efficace. Lorsque les résultats de ces essais seront connus, il est possible que les doses recommandées de RMP soient modifiées.

Si on ne donne pas de RMP pendant toute la durée du traitement, celui‑ci devrait être prolongé. Si on ne donne pas du tout de RMP, le traitement devrait durer au moins 18 mois.

Rifabutine (RBT)

Cette rifamycine a une activité in vitro contre M. tuberculosis similaire à celle de la RMP, mais la régulation à la hausse du métabolisme du cytochrome p450 qu’elle provoque est beaucoup moins forte, ce qui se traduit par un moins grand nombre d’interactions médicamenteuses. Aussi la RBT est-elle employée couramment chez les patients infectés par le VIH ou les greffés, car les schémas auxquels ils sont fréquemment soumis peuvent être profondément altérés par la RMP, mais pas par la RBT. La toxicité hématologique est plus courante avec cet antituberculeux.

Rifapentine (RPT)

Cette rifamycine a une demi‑vie cinq fois plus longue que celle de la RMP, et cette propriété fait en sorte qu’il est possible d’administrer la RPT une fois par semaine seulement. Toutefois, dans des essais randomisés, les sujets infectés par le VIH qui recevaient cet antituberculeux, en plus de l’INH, une fois par semaine pendant la phase de continuation affichaient des taux significativement plus élevés d’échec thérapeutique, de rechute et de pharmacorésistance acquiseNote de bas de page 15. Il n’est donc pas recommandé pour le moment d’utiliser la RPT pour le traitement de la TB active. De plus, la RPT n’est accessible au Canada que par l’entremise du Programme d’accès spécial après une demande visant le traitement d’un patient donné.

Pyrazinamide (PZA)

Ce médicament a aussi une activité bactéricide, mais ne semble procurer des bienfaits que dans les 2 premiers mois du traitement (1er objectif). Dans les essais randomisés, l’utilisation du PZA pendant la phase de continuation ne réduisait pas les taux de rechuteNote de bas de page 5 Note de bas de page 6, et le médicament ne semblait offrir aucune protection contre l’apparition d’une résistanceNote de bas de page 5. Si on ne donne pas le PZA pendant les 2 premiers mois au complet, le traitement devrait durer 9 mois.

Éthambutol (EMB)

L’éthambutol est le moins efficace des quatre antituberculeux majeurs sur les plans de l’activité bactéricide (1er objectif) et de la prévention de la rechute (3e objectif), mais il est efficace pour prévenir l’apparition d’une pharmacorésistance (2e objectif). Si un patient qui n’a jamais été traité présente une résistance non reconnue à l’INH et ne reçoit que de l’INH, de la RMP et du PZA pendant les 2 premiers mois, une résistance à la RMP pourrait se développer vu l’incapacité du PZA à protéger contre l’acquisition d’une résistance. Pour cette raison, dès qu’on soupçonne une pharmacorésistance initiale, on ajoute de l’EMB dans la phase initiale en attendant les résultats de l’antibiogramme. Au Canada, l’EMB est recommandé dans le traitement initial standard si la prévalence de la résistance à l’INH dans le groupe de la population auquel appartient le patient est égale ou supérieure à 4 %.

Si la souche est sensible à tous les antituberculeux, la durée du traitement est la même que l’EMB soit donné ou non.

Fluoroquinolones (FQN)

Actuellement, les fluoroquinolones sont encore considérées comme des antituberculeux mineurs, c’est-à-dire des médicaments de remplacement qui ne font pas partie du traitement antituberculeux standard de première intention, bien qu’elles soient très efficaces contre la TBNote de bas de page 16 Note de bas de page 17, qu’elles soient prises par voie orale et qu’elles sont bien tolérées. Les FQN sont indiquées dans les cas de pharmacorésistance ou d’intolérance aux antituberculeux majeurs. Un certain nombre d’essais en cours évaluent l’utilité des FQN en première intention pour réduire la durée totale du traitement. Lorsque les résultats de ces essais seront connus, les recommandations qui concernent l’usage des FQN en première intention pourraient être modifiées.

Agents injectables

Les antituberculeux injectables sont la streptomycine, l’amikacine, la kanamycine et la capréomycine. La SM est encore administrée en première intention dans quelques pays, mais les inconvénients et la douleur que causent les injections quotidiennes, sans compter les taux de toxicité plus élevée, l’ont reléguée parmi les antituberculeux mineurs. Ce médicament n’est pas offert au Canada. À la lumière de l’opinion d’experts, la Société canadienne de thoracologie (SCT) conclut que, parmi tous les antituberculeux injectables, il est préférable d’avoir recours à l’amikacine au Canada parce qu’elle est disponible dans la plupart des hôpitaux, que les dispensateurs de soins (y compris les pharmaciens) la connaissent bien et que ses concentrations peuvent être facilement connues, ce qui réduit le risque de toxicité.

Schémas thérapeutiques

Ces schémas et les preuves qui les sous‑tendent sont abordés plus en détail dans deux autres excellentes publicationsNote de bas de page 4 Note de bas de page 6.

Schéma standard

Recommandation

Comme l’indique le tableau 3, le traitement standard pour les patients dont la TB est sensible aux antituberculeux ou dont on croit qu’elle est sensible (en attendant les résultats de l’antibiogramme) se compose d’INH, de RMP, de PZA et d’EMB administrés pendant les 2 premiers mois et suivis d’INH et de RMP pendant 4 autres mois.

(Recommandation forte, reposant sur des preuves de qualité élevée)

Il est possible que l’EMB ne soit pas nécessaire si la probabilité de monorésistance à l’INH ou d’autres formes de résistance est inférieure à 4 %. Il existe peu de situations dans lesquelles on peut prédire avec assurance une faible probabilité de résistance, en particulier parce que la prévalence de la résistance a grimpé de façon constante au cours des 40 dernières années dans toutes les populations qui ont accès au traitement. L’EMB pourrait être exclu pour certaines populations autochtones et certains groupes de personnes âgées canadiennes qui ont contracté l’infection tuberculeuse avant l’arrivée des antibiotiques, car la prévalence de la pharmacorésistance est généralement faible dans ces groupes. L’EMB pourra être interrompu dès qu’on recevra les résultats de l’antibiogramme si le bacille s’avère sensible à tous les antituberculeux.

Tableau 3. Schémas thérapeutiques recommandés par la Société canadienne de thoracologie pour les adultes dont la TB est sensible à tous les antituberculeux (ou dont on prévoit qu'elle sera sensible)
  Phase initiale
(2 premiers mois)
Phase de continuation
Standard
Schéma 1 INH RMP PZA EMB Table 3 - Footnote A
1 fois/jour (ou 5 fois/semaine)
INH RMP pendant 4 mois
1 fois/jour (ou 3 fois/semaine)Table 3 - Footnote B
Schéma 2 INH RMP EMB Table 3 - Footnote A
1 fois/jour (ou 5 fois/semaine)
INH RMP pendant 7 mois
1 fois/jour (ou 3 fois/semaine)
Personnes âgées (> 65 ans) ou autres facteurs de risque d'hépatotoxicité
  INH RMP EMB Table 3 - Footnote A
1 fois/jour (ou 5 fois/semaine)
INH RMP pendant 7 mois
1 fois/jour (ou 3 fois/semaine)
Femmes enceintes
  INH RMP PZA EMB Table 3 - FootnoteB ou
INH RMP EMB Table 3 - Footnote A
1 fois/jour (ou 5 fois/semaine)
INH RMP pendant 7 mois
si on n'utilise pas de PZA et pendant
4 mois si on utilise du PZA les 2 premiers mois
1 fois/jour (ou 3 fois/semaine)
Note
ALa prise d' EMB peut cesser dès que les résultats de l'antibiogramme sont connus si le bacille est sensible à tous les antituberculeux. La prise de PZA se poursuit pendant 2 mois.
Note
BUne administration trois fois par semaine est préférable à deux fois par semaine pour des raisons liées au programme. Si un patient omet de prendre une seule dose pendant qu'il est traité trois fois par semaine, il reçoit en fait un traitement deux fois par semaine, ce qui demeure suffisant. S'il omet de prendre une dose alors qu'il est traité deux fois par semaine, il reçoit en fait un traitement une fois par semaine, ce qui est insuffisant. Chez les patients séronégatifs pour le VIH dont la maladie est minime (p. ex. frottis négatif, mais culture positive au départ) ou dont on sait qu'ils se conformeront à la TOD, on peut envisager un traitement deux fois par semaine pendant la phase de continuation.

Voies d’administration

Le traitement de la TB est efficace et est le plus souvent administré par voie orale. Au besoin, toutes les formes orales d’antituberculeux peuvent être administrées au moyen d’une sonde nasogastrique ou d’une sonde d’alimentation. Les comprimés peuvent être écrasés et mélangés avec de l’eau, ou on peut préparer des suspensions des médicaments pour en faciliter l’administration. Seuls l’INH, la RMP, les agents injectables et les FQN sont offerts sous forme de préparations parentérales. Dans le cas des patients qui ont besoin de médicaments par voie parentérale, il est recommandé de consulter un spécialiste de la TB.

Prolongation de la phase de continuation

Dans une méta-analyse récente, parmi les patients dont la souche était initialement sensible à tous les antituberculeux, on a observé un pourcentage de rechute de moins de 1 % après l’administration de schémas contenant de la RMP pendant 8 mois ou plus, comparativement à 4 % après les schémas de 6 moisNote de bas de page 18. La prolongation du traitement chez tous les patients afin d’obtenir une baisse de 3 % des rechutes aurait pour effet d’exposer inutilement pendant plus longtemps de nombreux patients aux antituberculeux. Cependant, des facteurs de risque de rechute ont été identifiés : maladie plus étendue et/ou cavités visibles à la radiographie pulmonaire dans les 2 premiers mois du traitementNote de bas de page 19, culture positive après 2 mois de traitementNote de bas de page 19 ou présence de cavités à la radiographie pulmonaire à la fin du traitementNote de bas de page 20.

Recommandation

Chez les patients qui présentent l’un ou l’autre de ces facteurs de risque, la phase de continuation devrait durer 7 mois au lieu de 4, pour un total de 9 mois de traitement.

(Recommandation forte, reposant sur des preuves de qualité modérée)

Selon les données issues d’une méta-analyse récente menée auprès de sujets infectés par le VIH qui ne prenaient pas de traitement antirétroviral, les taux de rechute sont significativement plus faibles après 9 mois de traitement antituberculeux qu’après 6 moisNote de bas de page 21 (se référer au chapitre 10, La tuberculose et le virus de l’immunodéficience humaine).

Traitement intermittent

De nombreux essais randomisés ont démontré que les schémas intermittents donnent d’excellents résultats chez les patients dont la TB est pharmacosensibleNote de bas de page 5 Note de bas de page 9. Un traitement intermittent ne devrait se faire que sous observation directe, modalité qu’il facilite en réduisant le nombre de fois que le patient doit être observé pendant qu’il prend ses médicaments. Si le traitement est auto-administré, tous les médicaments devraient être pris une fois pas jourNote de bas de page 6.

Les données résultant d’une revue systématique et méta-analyse récente d’essais randomisés portant sur des schémas contenant de la RMPNote de bas de page 18 de même que les recommandations connexes formulées par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS)Note de bas de page 6 sont résumées ci-après.

  1. Aucun essai randomisé n’a évalué l’efficacité des schémas contenant de la RMP administrés deux fois par semaine dès le début du traitement ou après une période initiale de 2 semaines de traitement quotidien.

    Ces schémas ne sont pas recommandés.

    (Recommandation forte, reposant sur des données de qualité élevée)
  2. Dans une méta-analyse des données regroupées d’essais randomisés, les schémas contenant de la RMP administrés trois fois par semaine dès le début du traitement ou après une période initiale de 2 semaines de traitement quotidien étaient associés à des taux d’échec thérapeutique et de rechute un peu plus élevés et à des taux de pharmacorésistance acquise significativement plus élevés. Ces augmentations ont aussi été observées dans les études de cohortesNote de bas de page 22 Note de bas de page 23.
    • Dans la phase intensive initiale, un traitement quotidien est recommandé. Il peut être donné cinq fois par semaine s’il se fait sous observation directe.

      (Recommandation forte, reposant sur des preuves de qualité modérée)
    • Lorsque la TOD quotidienne dans la phase initiale est difficile, les patients peuvent être traités trois fois par semaine s’ils ne sont pas infectés par le VIH, si leur charge bacillaire est faible (pas de cavités, frottis initial négatif) et s’ils se sont très bien conformés à leur TOD les 2 premières semaines.

      (Recommandation conditionnelle, reposant sur des preuves de qualité modérée)
  3. De nombreuses études ont évalué différents calendriers de traitement dans la phase de continuation, après le traitement quotidien des 2 premiers mois : une fois par jour ou encore une, deux ou trois fois par semaine.
    • Les schémas administrés une fois par semaine sont inadéquats et ne devraient pas être utilisés.
      (Recommandation forte, reposant sur des preuves de qualité élevée)

      Le résultat du traitement était similaire avec tous les autres schémas.
    • Si on a recours à la TOD, un traitement trois fois par semaine est préférable pendant la phase de continuation6.
      (Recommandation conditionnelle, reposant sur des preuves de qualité modérée)

Cette recommandation est basée principalement sur des considérations pratiques : si un patient omet de prendre une seule dose pendant qu’il est traité deux fois par semaine, il reçoit en fait un traitement une fois par semaine, ce qui est insuffisant. S’il omet de prendre une dose alors qu’il reçoit un traitement intermittent trois fois par semaine, il est en fait traité deux fois par semaine, ce qui est acceptable.

  • Lorsque la TOD trois fois par semaine pendant la phase de continuation est difficile, les patients peuvent être traités deux fois par semaine s’ils ne sont pas infectés par le VIH et s’ils se sont très bien conformés à leur TOD à ce jour.
    (Recommandation conditionnelle, reposant sur des preuves de qualité modérée)
  • Le traitement intermittent n’est pas recommandé pour les personnes infectées par le VIH (conformément aux lignes directrices de l’OMS, se référer au chapitre 10, La tuberculose et le virus de l’immunodéficience humaine).

Association à dose fixe (ADF)

Les comprimés d’associations à dose fixe, qui contiennent deux antituberculeux majeurs ou plus, sont fabriqués depuis plus de 30 ans et l’OMS recommande leur usageNote de bas de page 6. Une association d’INH, de RMP et de PZA est offerte au Canada. En théorie, ces préparations devraient empêcher la monothérapie, que ce soit du fait du médecin ou par suite d’une erreur du patient, ou le choix par le patient de certains de ses médicaments seulement. Pendant la phase initiale, comme les patients doivent prendre beaucoup moins de comprimés avec les ADF qu’avec les préparations séparées (se référer à la figure 1), ils pourraient les préférer.

Figure 1. Nombre typique de comprimés pris pour le traitement de la TB active avec les associations à dose fixe (à gauche) et avec les agents séparés (à droite)

Équivalent textuel - Figure 1

La figure 1 compare le nombre de comprimés à prendre chaque jour avec les associations à dose fixe (à gauche) et les agents séparés standard (à droite). La dose quotidienne avec les associations à dose fixe est de cinq comprimés relativement petits, alors que la même dose avec les agents séparés est de 12 capsules ou comprimés différents.

Une revue systématique et méta-analyse récente de 15 essais randomisés comparant les ADF aux préparations séparées n’a révélé aucune différence significative entre les taux d’échec thérapeutique, de rechute, de pharmacorésistance acquise, d’achèvement du traitement ou d’événements indésirablesNote de bas de page 24. Aucune des cinq études qui évaluaient l’observance du traitement par les patients n’a conclu à une supériorité des ADF. La satisfaction des patients n’a été évaluée que dans deux des 15 études et était significativement plus grande avec les ADF dans une de ces études, mais pas dans l’autre.

À la lumière de ces preuves, l’utilisation d’ADF n’est pas recommandée.
(Recommandation forte, reposant sur des preuves de qualité élevée)

Traitement de la TB active chez les personnes âgées (et chez d’autres personnes à risque modéré ou élevé d’hépatotoxicité)

Le PZA est le plus toxique des antituberculeux majeurs standard et la cause la plus fréquente d’hépatotoxicité médicamenteuse chez les patients traités contre une TB activeNote de bas de page 25 Note de bas de page 26. Il est donc préférable d’éviter le PZA chez les patients qui risquent des effets hépatotoxiques, par exemple les personnes âgées ou les patients présentant un dysfonctionnement hépatique préexistant léger à modéré.
(Recommandation conditionnelle, reposant sur des preuves de qualité modérée)

Si on ne donne pas de PZA pendant les 2 premiers mois, le traitement total devrait durer au moins 9 mois. Si le risque de non‑observance est jugé faible, le risque plus faible de toxicité pourrait justifier la prolongation du traitement.

Traitement de la TB active chez les personnes souffrant d’une hépatopathie grave

Chez les patients atteints d’une hépatopathie grave, l’usage de la RMP, de l’INH ou du PZA est risqué parce que chacun de ces trois médicaments peut causer une hépatotoxicité médicamenteuse et aggraver dramatiquement l’état du patient. Les trois devraient être évités dans la mesure du possible. Cependant, comme la RMP est très puissante et efficace et est rarement hépatotoxique lorsqu’elle est employée seuleNote de bas de page 25 Note de bas de page 26, son utilisation pourrait être envisagée chez les personnes dont la maladie est plus étendue (frottis positif ou maladie cavitaire) ou dans les formes plus sérieuses de maladie extrapulmonaire.

Le schéma suggéré consiste en l’utilisation d’une FQN, d’EMB et d’un agent injectable (amikacine) pendant les 2 premiers mois, suivis d’une FQN et d’EMB pour un total de 18 mois.
(Recommandation conditionnelle, reposant sur des preuves de faible qualité)

Comme plus haut, la RMP peut être ajoutée, mais il faut alors exercer une surveillance rigoureuse des enzymes et de la fonction hépatiques.

Traitement de la TB active chez les patients en insuffisance rénale ou dialysés

Chez les patients dont la clairance de la créatinine est abaissée, mais demeure supérieure au taux normal de 30 %, on n’a pas encore déterminé s’il y a lieu d’ajuster les doses ou la fréquence d’administration. Il est suggéré de donner tous les médicaments aux doses et fréquences normales, mais d’exercer une surveillance rigoureuse pour déceler d’éventuels effets toxiques. Si la clairance de la créatinine est inférieure au taux normal de 30 %, l’EMB et le PZA peuvent être utilisés, comme l’indique le tableau 4, mais à doses réduites parce qu’ils sont excrétés par le rein.

Il est préférable de réduire la fréquence d’administration plutôt que les doses, car les concentrations sériques maximales jouent un rôle clé dans le pouvoir bactéricide de ces médicaments. La toxicité oculaire de l’EMB est plus courante chez les patients en insuffisance rénale. La surveillance des concentrations sériques sera très utile pour s’assurer que les doses données sont adéquates mais sûres. L’INH et la RMP sont sûrs aux doses usuelles, car ils sont métabolisés principalement par le foie. Si possible, les agents injectables (streptomycine, amikacine, kanamycine et capréomycine) devraient être évités chez les patients dont la fonction rénale est altérée, car ils sont excrétés par le rein et pourraient nuire davantage à la fonction rénale et provoquer d’autres effets toxiquesNote de bas de page 1 Note de bas de page 6.

Chez les patients dialysés, l’INH et la RMP peuvent être donnés aux doses usuelles, car la dialyse n’a pas d’effet appréciable sur eux. L’EMB et le PZA sont dialysables et devraient être donnés en doses standard trois fois par semaine après la dialyse (se référer au tableau 4). Idéalement, tous les médicaments devraient être donnés en même temps (y compris l’INH et la RMP) tout de suite après la dialyse, car cela facilite la TOD. En cas de doute, le patient devrait être adressé à un spécialiste de la TB.

Dialyse péritonéale

Il n’existe pas de données concernant les propriétés pharmacocinétiques des antituberculeux majeurs chez les patients sous dialyse péritonéale. Par conséquent, les doses et le calendrier habituels sont recommandés, mais les patients devraient être surveillés de près et un suivi thérapeutique pharmacologique (mesures des concentrations sériques des médicaments) devrait être envisagé.

Tableau 4. Doses d’antituberculeux recommandées dans les cas d’insuffisance rénaleNote de bas de page 1 Note de bas de page 6
  Élimination par le rein Dose normale Clairance de la créatinine
<30%Table 4 - Footnote A ou hémodialyseTable 4 - Footnote B
INH Non 5 mg/kg par jour Aucun changement
RMP Non 10 mg/kg par jour Aucun changement
PZA Métabolites 20-25 mg/kg par jour 25-35 mg/3 fois/semaine
EMB Oui 15-20 mg/kg par jour 15-25 mg/3 fois/semaine
Lévofloxacine Partielle 750-1000 mg par jour Dose usuelle, mais seulement 3 fois/semaineTable 4 - Footnote C
Amikacine Oui 15 mg/kg par jour 12-15 mg/2 ou 3 fois/semaine
Note
ADonnées insuffisantes si la clairance de la créatinine est > 30 % mais < 60 %. Donner les doses standards, mais surveiller les patients de près.
Note
BAucune donnée sur les propriétés pharmacocinétiques si le patient est sous dialyse péritonéale. Donner les mêmes doses qu’en cas d’hémodialyse, mais surveiller les patients de près.
Note
CL’élimination de la moxifloxacine par le rein est moindre, mais l’intervalle posologique n’est pas établi.

Traitement de la TB active chez les femmes enceintes ou allaitantes

Pour la femme enceinte et le fœtus, le risque que représente une TB active non traitée dépasse de beaucoup le risque d’effets toxiques associés aux antituberculeux. Chez une femme enceinte atteinte de TB active, il est recommandé d’administrer sans tarder un traitement efficace. La TB n’est pas une raison pour interrompre la grossesseNote de bas de page 6.

Recommandation

L’INH, la RMP et l’EMB sont jugés sûrs pendant la grossesse et devraient tous être utilisés comme traitement initial.

(Recommandation forte, reposant sur des preuves de qualité élevée)

De la pyridoxine (vitamine B6) devrait être donnéeNote de bas de page 1 Note de bas de page 6. L’OMS recommande l’usage du PZA pendant la grossesseNote de bas de page 6, bien qu’une certaine incertitude persiste au sujet de son innocuité dans une telle situationNote de bas de page 1. À ce jour, aucune tératogénicité n’a été signalée, bien que ce médicament ait été donné à des millions de femmes enceintes dans le monde.

Recommandation

En conséquence, le PZA peut être donné aux femmes dont la maladie est étendue ou qui ne tolèrent aucun des autres antituberculeux majeurs.

(Recommandation conditionnelle, reposant sur des preuves de qualité modérée)

La plupart des antituberculeux mineurs ne sont pas jugés sûrs pendant la grossesseNote de bas de page 4, que ce soit à cause d’une tératogénicité connue ou de données insuffisantes pour étayer leur innocuité. Il vaut mieux éviter les FQ pendant la grossesse et l’allaitement. Les agents injectables (streptomycine, amikacine, kanamycine et capréomycine) sont contre-indiqués à cause de leurs effets sur le fœtus, notamment la paralysie des huitièmes nerfs crâniens, la surdité et les effets tératogènesNote de bas de page 4. On ne devrait envisager de recourir à ces médicaments que dans des circonstances particulières après avoir consulté un spécialiste de la TB.

Le lecteur trouvera de l’information précise concernant les effets des antituberculeux sur les enfants allaités dans Drugs and Lactation Database (LactMed), la base de données sur les médicaments et l’allaitement du Toxicology Data Network de la Library of Medicine des États-Unis. Les mères qui sont traitées contre la TB peuvent allaiter sans danger leur enfant, mais elles devraient prendre des suppléments de pyridoxine (vitamine B6). Au plus, 3 % de la dose maternelle est excrétée dans le laitNote de bas de page 27. La quantité qui sera ainsi ingérée par le nouveau-né ne produira pas d’effet toxique. Il importe de souligner que la quantité ingérée par le lait maternel ne constituera pas une dose thérapeutique ou prophylactique efficace chez le nourrisson, ni chez le nouveau‑néNote de bas de page 27.

Interactions entre les antituberculeux et d’autres médicaments ou des aliments

Des interactions majeures peuvent survenir entre les antituberculeux et d’autres médicaments. Des aliments peuvent nuire à l’absorption de certains antituberculeux. Le Heartland National TB Center du Texas, (Tuberculosis Medication, Drug and Food Interactions (Document PDF)) présente sur son site Web une liste des interactions majeures.

L’antituberculeux qui interagit le plus avec d’autres médicaments est la RMP, qui provoque une régulation à la hausse du métabolisme hépatique du cytochrome p450. La plupart des interactions produites par la RMP peuvent être atténuées en ajustant la dose des autres médicaments (p. ex. la phénytoïne) en fonction des concentrations mesurées, en surveillant l’effet clinique de ces médicaments (p. ex. ratio international normalisé (INR) dans le cas de la warfarine) ou en substituant certains médicaments (p. ex. schémas antirétroviraux [se référer au chapitre 10, La tuberculose et le virus de l’immunodéficience humaine]). Chez certains patients, les interactions médicamenteuses ne peuvent pas être atténuées ou peuvent avoir des conséquences graves, qu’on pense aux patients qui reçoivent un traitement immunosuppresseur après une greffe d’organe plein. Chez ces patients, on peut remplacer la RMP par la RBT, mais en n’oubliant pas que les taux d’événements indésirables sont plus élevés avec la RBT qu’avec la RMP, en particulier les événements hématologiquesNote de bas de page 1.

Usage de corticostéroïdes en adjuvant

Les corticostéroïdes ne devraient être employés que lorsqu’un traitement antituberculeux adéquat est aussi administré. Dans les essais randomisés, l’usage de corticostéroïdes en adjuvant a amélioré la survie des patients atteints de méningite tuberculeuseNote de bas de page 28 Note de bas de page 29 en plus d’améliorer la survie et de réduire le recours à la péricardectomie chez les patients atteints de péricardite tuberculeuseNote de bas de page 30. Deux recensions laissent croire que la prednisone à raison de 40 à 80 mg/jour pendant 6 à 12 semaines est probablement efficaceNote de bas de page 31 Note de bas de page 32, mais la dose et la durée optimales du traitement n’ont pas encore été établies. Les corticostéroïdes, en doses de remplacement, pourraient aussi avoir une utilité clinique dans les cas d’insuffisance surrénalienne attribuable à la TB et dans les cas de maladie disséminée menaçant le pronostic vital où l’on craint une insuffisance surrénalienne. Dans une méta-analyse de trois essais randomisés de faible envergure menés chez des patients atteints de pleurésie tuberculeuse, les corticostéroïdes permettaient une résolution des symptômes et une résorption du liquide pleural plus rapides, mais sans bienfaits à long terme établisNote de bas de page 33.

Recommandation

Les corticostéroïdes en adjuvant (s’ajoutant à un traitement antituberculeux efficace) sont recommandés pour les patients atteints de méningite tuberculeuse ou de péricardite tuberculeuse.

(Recommandation forte, reposant sur des preuves de qualité élevée)

Suivi recommandé pendant le traitement et la prise en charge des événements indésirables

Hospitalisation

Bien qu’elle soit fréquemment diagnostiquée à l’hôpital, la TB est le plus souvent traitée en consultation externe. Avec l’âge, les patients tuberculeux risquent plus de souffrir d’une TB grave ou d’avoir besoin de services médicaux additionnels non directement associés à la TB et doivent donc être traités à l’hôpital.

Les patients tuberculeux devraient être hospitalisés dans des établissements qui peuvent offrir un isolement adéquat des infections aéroportées et qui disposent de personnel bien renseigné qui a l’expérience de la prise en charge de la TB (se référer au chapitre 15, La prévention et la lutte contre la transmission de la tuberculose dans les milieux de soins et d’autres milieux).

Indications de l’hospitalisation

  • Investigation ou traitement des symptômes, c.-à-d. fièvre, hémoptysie menaçant le pronostic vital, malaise/cachexie.
  • Établissement d’un schéma thérapeutique acceptable pour les patients qui présentent des effets indésirables importants associés aux médicaments ou une pharmacorésistance connue ou soupçonnée.
  • Désensibilisation aux médicaments.
  • Prise en charge d’affections connexes qui compliquent le diagnostic de la TB, p. ex. insuffisance cardiaque congestive, infection à VIH, insuffisance respiratoire.
  • Isolement des infections aéroportées s’il est impossible en externe.
  • Admission non volontaire lorsque les autres mesures, telle la TOD, ne donnent pas les résultats voulus.

Suivi régulier des patients en consultation externe

Il n’existe pas de données publiées concernant l’impact du suivi sur l’issue pour le patient. Par conséquent, s’appuyant sur l’opinion d’experts, la Société  canadienne de thoracologie (SCT) suggère ce qui suit concernant le suivi.

Pendant le traitement de la TB active, le suivi devrait avoir lieu chaque mois afin qu’on puisse évaluer l’observance et la réponse au traitement et détecter les événements indésirables : la réponse au traitement devrait être évaluée en clinique, par la radiographie et par des analyses microbiologiques. Parmi ces méthodes, le suivi microbiologique est considéré comme le plus fiableNote de bas de page 9. Chez les patients dont les frottis d’expectorations directs sont positifs pour les bacilles acido-alcoolo-résistants (BAAR), on devrait faire analyser chaque semaine un frottis pour évaluer la réponse au traitement et la contagiosité (se référer au chapitre 15), et ce, jusqu’à ce que le frottis devienne négatif. Lorsqu’aucun BAAR n’est décelé dans les frottis d’expectorations directs, une culture devrait être effectuée à la fin du deuxième mois de traitement, pour évaluer le risque de rechute, puis vers la fin du traitement. Si l’on soupçonne un échec thérapeutique, deux frottis et deux cultures d’expectorations devraient être réalisés (en plus d’un antibiogramme si la culture est positive). Une radiographie pulmonaire devrait être effectuée après 2 et 6 mois de traitement pour évaluer la réponse, les complications éventuelles et le risque de rechute.

Achèvement du traitement et thérapie sous observation directe (TOD)

La faible observance du traitement antituberculeux prescrit est la cause la plus fréquente d’échec du traitement et est difficile à prédire, bien que certains facteurs de risque aient été reconnus.

Lorsqu’un dispensateur de soins décide de mettre en route un traitement contre la TB active, il s’engage à faire en sorte que toutes les doses recommandées soient prises sans interruption. Il est en effet très important que toutes les doses prescrites soient prise pour que le traitement soit efficace.  Le meilleur moyen d’y parvenir est de mettre sur pied un programme de traitement complet centré sur le patientNote de bas de page 34.

(Recommandation conditionnelle, reposant sur des preuves de faible qualité)

Outre la surveillance rigoureuse de l’observance et de la réponse au traitement, il faut offrir un soutien multidisciplinaire pour tout problème auquel pourrait faire face le patientNote de bas de page 35. Figurent parmi les principaux éléments d’un programme complet les incitatifs et les mesures facilitatrices, les soins infirmiers, la coordination des soins en cas d’autres problèmes de santé, les services sociaux (par exemple pour la garde d’enfants), l’aide pour le logement, l’aiguillage vers des services de désintoxication, et des services de transport lorsque c’est possible. Dans le cas des patients qui reçoivent un traitement auto-administré s’ajoutent la surveillance et le renforcement de l’observance au moyen de mesures telles qu’un questionnaire détaillé, des invitations répétées à prendre les médicaments à chaque consultation de suivi, l’utilisation d’un calendrier permettant de savoir chaque fois qu’une dose est prise, l’établissement d’un lien entre la prise des médicaments et une activité précise et régulière de la journée, le décompte régulier des comprimés et les rappels quotidiens au moyen de textos sur le téléphone cellulaire. Des ressources adéquates sont nécessaires pour atteindre ces objectifs. Dans bon nombre de provinces ou territoires, les services de santé publique peuvent jouer et jouent effectivement un rôle important dans la surveillance et l’amélioration de l’observance du traitement.

La TOD, qui est un moyen de surveiller et d’améliorer l’observance du traitement, a fait l’objet de maints débats. Sous sa forme la plus simple, elle consiste à surveiller le patient lorsqu’il avale chaque dose de médicament afin d’accroître les taux d’achèvement du traitement. Pour ce faire, on peut faire appel à des employés rémunérés du programme antituberculeux d’un établissement de santé, à des travailleurs communautaires ou encore à des bénévoles tels que les membres de la famille ou les amis. De nombreuses études, dont des essais randomisés, des études de cohortes et des études écologiques, ont examiné la question. Six essais de grande qualité ont comparé directement l’achèvement du traitement parmi tous les patients atteints de TB active qui avaient été répartis au hasard dans un groupe de traitement auto-administré ou dans un groupe de thérapie sous observation directeNote de bas de page 36-41. Le pourcentage de réussite global de la TOD était de 68 % (intervalle de confiance [IC] à 95 % : 61 %-76 %), comparativement à 67 % (62 %-72 %) avec le traitement auto-administré. Le taux d’achèvement était significativement plus élevé avec la TOD qu’avec le traitement auto-administré dans une seule étude, et, dans cette étude, la TOD était supervisée par un membre de la familleNote de bas de page 36. Dans l’un des autres essais, les taux d’achèvement étaient substantiellement, mais pas significativement, plus élevés dans le groupe soumis à une TOD dans la collectivitéNote de bas de page 40. Dans trois des six essais, la TOD s’effectuait dans un établissement, ce qui signifie que les patients devaient s’y rendre chaque jour pour prendre leurs médicaments.

La majorité des études de cohortesNote de bas de page 42-54 et des études écologiquesNote de bas de page 55-61 publiées, y compris une étude canadienne récenteNote de bas de page 62, ont fait état d’une association entre une meilleure issue du traitement (ou d’autres paramètres de lutte antituberculeuse) et la TOD. Bon nombre de ces études portaient sur des programmes de TOD dans la collectivité (et non pas dans un établissement) qui faisaient appel à des personnes autres que les membres de la famille pour superviser ou appuyer le traitement, qui faisaient des recherches dans la collectivité pour localiser les patients perdus de vue et qui obtenaient des taux d’achèvement élevés, supérieurs à 90 %. Cependant, la validité de ces études d’observation était fortement limitée par des facteurs de confusion et d’autres biais.

Les études dont les plans sont considérées comme les plus valables fournissent des preuves assez constantes que l’utilisation de la TOD pour tous les patients ne contribue que peu à un meilleur achèvement du traitement. Cependant, un seul de ces essais a été réalisé dans un pays à revenu élevé, aucun n’évaluait des programmes de TOD nord-américains, aucun ne portait sur les jeunes enfants ou les adolescents, et les taux d’achèvement étaient tous sous-optimaux par rapport aux normes actuelles de traitement au Canada. Par conséquent, on pourrait douter que des résultats similaires soient obtenus dans les milieux canadiens, en particulier dans le cas des jeunes enfants et des adolescents. Dans l’ensemble, la SCT estime que les preuves globales en faveur de l’utilisation de la TOD pour tous les patients dans tous les milieux (TOD universelle) devraient être considérées comme faibles.

Recommandations

Une supervision étroite et la surveillance de la prise des médicaments sont considérées comme essentielles pour tous les patients tuberculeux. Il est recommandé de faire en sorte que toutes les provinces et tous les territoires puissent offrir la TOD. La nécessité de recourir à cette modalité devrait être évaluée pour chaque patient. La TOD a comme autre avantage de permettre la surveillance plus étroite des effets secondaires chez tous les patients. À tout le moins, les personnes qui présentent des facteurs de risque connus de non-observanceNote de bas de page 63 ou dont l’échec du traitement antituberculeux pourrait avoir une incidence majeure sur la santé individuelle ou la santé publique devraient être soumises à une TOD tout au long du traitement.

Facteurs de risque individuels:

  • maladie causée par des bacilles multirésistants;
  • échec du traitement ou rechute documentée;
  • utilisation de drogues par injection, abus d’alcool ou de drogues;
  • sans-abri ou personnes n’ayant pas de logement stable;
  • non-observance actuelle ou antérieure soupçonnée;
  • maladie mentale grave;
  • enfants et adolescents.

De même, le recours systématique à la TOD devrait être fortement envisagé dans les populations qui ont affiché dans le passé des taux élevés de non-achèvement du traitement, soit 5 % ou plus de patients qui affichaient un défaut d’observance, qui ont été perdus de vue, qui ont été transférés à une autorité extérieure sans que l’issue du traitement soit connue ou qui n’étaient pas pris en compte pour une autre raison. Si le seuil de 5 % est dépassé, la SCT suggère aux programmes d’envisager fortement la TOD universelle pour la population en plus d’autres améliorations de façon à offrir des soins complets.

Suivi thérapeutique pharmacologique

Dans plusieurs situations cliniques, il peut être utile de surveiller la concentration sérique des antituberculeux; pensons par exemple à une maladie intestinale concomitante ou à une coinfection par le VIH (cas où la malabsorption des médicaments est fréquente)Note de bas de page 64, à un dysfonctionnement hépatique ou rénal (cas où l’excrétion est réduite) ou à une TB multirésistante (cas où l’optimisation de chaque antituberculeux disponible est cruciale). À l’heure actuelle, aucun laboratoire canadien n’offre ce service. Les échantillons de sérum doivent être expédiés à Infectious Disease Pharmacokinetics Laboratory de Floride ou au National Jewish Health à Denver, au Colorado. Les renseignements concernant le moment où il faut prélever le sang ainsi que le traitement et l’expédition des échantillons figurent sur le site Web de chacun des laboratoires offrant ce service.

Une revue systématique de 66 études qui portaient sur le suivi thérapeutique pharmacologique et qui totalisaient 2 938 patients vient de se terminer. Vingt-sept de ces études, menées auprès de 1 025 patients au total, déclaraient les concentrations de RMP, qui étaient faibles chez 63 % des patients (IC à 95 % : 51 %-74 %). Vingt-sept études totalisant 812 patients signalaient les concentrations d’INH, qui étaient basses chez 38 % (27 %-50 %) des patients. Sur les 66 études, aucune n’a évalué l’impact du suivi sur le résultat du traitement, et trois seulement ont évalué l’impact sur la prise en charge des patients (J Minion, communication personnelle).

À la lumière de ces preuves, le suivi thérapeutique pharmacologique est suggéré pour les patients dont l’absorption, le métabolisme ou l’excrétion des antituberculeux risquent d’être altérés.

(Recommandation conditionnelle, reposant sur des preuves de faible qualité)

Événements indésirables

La reconnaissance et la prise en charge adéquate des réactions indésirables aux antituberculeux sont des éléments essentiels du programme thérapeutique. Les médecins et infirmières responsables du traitement de la TB devraient être bien au fait de ces réactions (tableau 5). Tout événement indésirable possible devrait être évalué avec soin pour qu’on puisse déterminer sa cause ou le médicament qui en est responsable, ce qui n’est pas toujours simple avec les schémas comportant plusieurs antituberculeux. Il est très important de ne pas interrompre inutilement la prise d’un antituberculeux majeur, car le traitement sera moins efficace, sa durée sera prolongée et la toxicité du médicament de remplacement pourrait être pire que celle du médicament qui a été arrêté. Lorsqu’une réaction indésirable sérieuse est clairement attribuée à un antituberculeux, le patient ne devrait plus recevoir cet agent.

Tableau 5. Événements indésirables associés aux antituberculeux majeurs et mineurs Footnote 6
  Événements indésirables courants Événements indésirables rares mais importants Degré de probabilité d’hépatiteTable 5 - Footnote A Degré de probabilité de rash
Antituberculeux majeurs
INH Rash, hépatite, neuropathie Toxicité pour le SNC, anémie 2 3
RMP Interactions médicamenteuses, rash Hépatite, maladie d’allure grippale, neutropénie, thrombocytopénie 3 1
PZA Hépatite, rash, arthralgie Goutte 1 2
EMB Toxicité oculaire Rash 4 4
Antituberculeux mineurs
Fluoroquinolones Rash Tendinite, rupture de tendon, allongement de l’intervalle QT    
Amikacine Néphrotoxicité, ototoxicité      

SNC = système nerveux central

Note
A1 = plus probable / 4 = peu probable

Les réactions indésirables graves (décès, événement mettant la vie en jeu, hospitalisation, incapacité) associées à tout antituberculeux devraient être signalées aux services de santé publique locaux et au Programme canadien de surveillance des effets indésirables des médicaments de Santé Canada. Pour déclarer les effets indésirables en ligne, consulter le site de Santé Canada, Médicaments et produits de santé et suivre les liens.

INH

L’INH peut provoquer un dysfonctionnement hépatique allant d’une légère élévation asymptomatique des transaminases sériques à une insuffisance hépatique. Les facteurs de risque d’hépatotoxicité comprennent un âge avancéNote de bas de page 26 Note de bas de page 65, la consommation quotidienne d’alcoolNote de bas de page 64 et une maladie hépatique préexistanteNote de bas de page 26 Note de bas de page 66, en particulier l’hépatite CNote de bas de page 65. L’INH peut altérer le métabolisme de la pyridoxine et provoquer une neuropathie périphérique ou d’autres réactions sérieuses (p. ex. des épisodes psychotiques). Un rash peut aussi être observé, tout comme des nausées et des vomissements, en particulier avec les schémas intermittents administrés en association avec la RMP. Enfin, les patients peuvent aussi se plaindre de fatigue, de somnolence, de céphalées et d’une légère chute des cheveux.

RMP

Les principales réactions indésirables observées avec la RMP sont les réactions d’hypersensibilité et les interactions médicamenteuses. Les réactions d’hypersensibilité à la RMP comprennent un rash, de la fièvre, des douleurs abdominales, une thrombocytopénie et une réaction hypotensive rare similaire au choc anaphylactique. La RMP induit la production d’enzymes microsomaux hépatiques et accélère l’élimination de nombreux médicaments métabolisés par le foie, dont les œstrogènes, la warfarine, les anticonvulsivants, les glucocorticoïdes, la digoxine, les antiarythmiques, les sulfonylurées, la théophylline, la cyclosporine, la méthadone et le kétoconazole. On devrait conseiller aux femmes qui prennent des contraceptifs oraux d’utiliser un autre moyen de contraception pendant qu’elles prennent de la RMP.

La RMP prise seule est rarement hépatotoxiqueNote de bas de page 67 Note de bas de page 68, mais, lorsqu’elle est associée à l’INH, l’incidence de la toxicité hépatique est légèrement supérieure à ce qui s’observe lorsque les deux médicaments sont pris séparémentNote de bas de page 69. Les patients qui reçoivent de la RMP devraient être informés que leur salive et leur urine peuvent devenir orange ou rouges, mais que ce n’est pas dangereux. Ceux qui portent des lentilles cornéennes souples devraient être avisés que la RMP peut entraîner la coloration permanente des lentilles à cause des pigments présents dans les larmes.

PZA

Le PZA est la cause la plus fréquente d’hépatotoxicité médicamenteuse et de rash chez les patients qui suivent le traitement initial standardNote de bas de page 25. Jusqu’à 11 % des personnes qui prennent du PZA présenteront des arthralgies qui peuvent être très douloureuses, mais qui se traitent facilement au moyen d’anti-inflammatoires non stéroïdiens. Le PZA provoque presque toujours une hausse des concentrations sériques d’acide urique, mais des crises de goutte s’observent rarement, sauf chez les patients qui souffraient déjà de la goutte. Le PZA peut également entraîner une irritation gastro‑intestinale.

EMB

Des troubles visuels se manifestant par une baisse de l’acuité visuelle, une réduction du champ visuel ou une achromatopsie constituent l’effet indésirable le plus important de l’EMB. Au nombre des facteurs de risque figurent des fortes doses (p. ex. 25 mg/kg), un âge avancé et une insuffisance rénale. Dans une recension récente, l’incidence de ces troubles était de 2 pour 1 000 parmi les patients qui avaient pris des doses de 15 à 25 mg/kg pendant 2 à 8 moisNote de bas de page 70.

Les patients devraient être avisés de signaler immédiatement tout changement dans leur vision. Les patients qui prennent de l’EMB au-delà de la phase initiale devraient être adressés à un ophtalmologiste en vue d’une évaluation régulière de l’acuité visuelle, de la perception des couleurs et du champ visuel. Une évaluation mensuelle par une infirmière de l’acuité visuelle et de la discrimination des couleurs dans l’axe rouge-vert est recommandée.

Habituellement, la névrite optique associée à l’EMB régresse si la prise du médicament est interrompue rapidement, mais cela peut prendre plusieurs mois. L’EMB devrait être utilisé avec prudence chez les enfants qui sont trop jeunes pour faire l’objet d’une surveillance, bien qu’une recension récente semble indiquer que son utilisation est sûre chez les enfantsNote de bas de page 70. D’autres effets indésirables, tels des rashs, peuvent également se produire.

Prise en charge suggérée des réactions indésirables courantes

La prise en charge adéquate des réactions indésirables est complexe. En cas d’incertitude, il est recommandé de consulter un spécialiste de la TB.

Prise en charge du rash qu’on suppose être causé par un antituberculeux

Tous les antituberculeux peuvent provoquer un rash, mais il est plus fréquent avec certains antituberculeux qu’avec d’autres. En cas de légères démangeaisons ou de rash léger, on peut traiter les symptômes sans modifier le traitement antituberculeux. Il importe de se rappeler que les échecs thérapeutiques et les rechutes sont plus fréquents avec les schémas de remplacement; par conséquent, toute décision d’interrompre les antituberculeux majeurs devrait être bien mûrie. Toutefois, si le rash est généralisé, en particulier s’il touche aussi les muqueuses, et s’il est associé à une respiration sifflante, à une hypotension ou à d’autres symptômes, il est suggéré de procéder comme suit (d’après l’opinion d’experts seulement).

Recommandations

(toutes les recommandations sont conditionnelles et reposent sur des preuves de très faible qualité)

  • Interrompre tous les médicaments actuels (PZA, INH et RMP) et mettre en route immédiatement au moins deux antituberculeux de remplacement : une FQN et un autre antituberculeux mineur injectable ou administré par voie orale.
  • Examiner avec soin les antécédents en portant une attention particulière aux autres causes possibles de rash, par exemple des allergies alimentaires ou d’autres médicaments, y compris les médicaments en vente libre et les remèdes à base de plantes médicinales.
  • Lorsque le rash a disparu, recommencer la prise d’un antituberculeux. Choisir celui qui est le moins susceptible d’avoir causé le rash, mais aussi l’un des plus efficaces. Si les antécédents ne sont pas clairs (ce qui est généralement le cas), donner de l’INH.
  • Attendre 2 ou 3 jours pour s’assurer que le rash ne réapparaît pas avec l’INH avant de commencer un deuxième antituberculeux : la RMP.
  • Si aucun rash n’est présent après 2 ou 3 jours de prise de RMP, donner de l’EMB.
  • Si aucun rash ne se manifeste après la prise d’EMB, présumer que le rash était causé par le PZA. La décision de recommencer le PZA dépend du besoin de cet antituberculeux et de la gravité de la réaction allergique initiale.

Si le rash recommence avec un agent, interrompre cet agent de façon permanente et recommencer la prise des autres antituberculeux. Modifier le schéma en fonction du médicament interrompu en permanence.

Prise en charge d’une hépatite qu’on suppose être causée par un antituberculeux

L’hépatite médicamenteuse peut être causée par le PZA, l’INH ou la RMP, dans cet ordre de probabilité. Le diagnostic peut être difficile à poser, car les symptômes ne sont pas spécifiques. Une sensation de malaise peut constituer le premier signe d’une hépatite imminente. Si les concentrations de transaminases sériques (aspartate aminotransférase [AST] ou alanine aminotransférase [ALT]) dépassent de cinq fois la limite supérieure de la normale ou si un ictère clinique se manifeste, il est suggéré de procéder comme suit (d’après l’opinion d’experts seulement).

Recommandations

(toutes les recommandations sont conditionnelles et reposent sur des preuves de très faible qualité)

  • Cesser la prise de PZA, d’INH et de RMP et mettre en route immédiatement au moins deux antituberculeux de remplacement : une FQN et un autre antituberculeux mineur injectable ou administré par voie orale.
  • Examiner avec soin les antécédents en portant une attention particulière aux autres causes possibles d’hépatotoxicité, telles que l’alcool ou d’autres médicaments, y compris les médicaments en vente libre et les remèdes à base de plantes médicinales. Demander des tests sérologiques viraux (hépatites A, B et C).
  • Lorsque les taux de transaminases sont redevenus normaux, recommencer la prise d’un des trois antituberculeux interrompus plus tôt. Donner de la RMP, car cet agent est le moins susceptible d’avoir causé l’hépatite et est le plus efficace.
  • Attendre 2 semaines pour s’assurer que les taux de transaminases demeurent normaux avec la RMP avant de recommencer l’INH. Si l’hépatotoxicité initiale était très sévère (ALT > 1 000 U/L), il serait peut-être plus sage de ne pas recommencer le PZA ou l’INH; des décès ont été signalés après la reprise de l’INH dans une telle situation. La décision dépend du besoin qu’a le patient de ces deux médicaments. Consulter un spécialiste de la TB.
  • Si le patient recommence à prendre de la RMP et de l’INH et que les taux de transaminases demeurent normaux, présumer que l’hépatite était causée par le PZA. NE PAS recommencer le PZA.

Si l’hépatite réapparaît avec un agent, interrompre cet agent de façon permanente et recommencer la prise des autres antituberculeux. Modifier le schéma en fonction du médicament interrompu en permanence.

Suivi après le traitement

En règle générale, les patients dont le traitement est terminé et qui sont considérés comme guéris n’ont pas besoin de suivi après le traitement. Dans le cas des patients coinfectés par le VIH, dont la TB est pharmacorésistante ou dont l’observance était douteuse, un suivi régulier tous les 6 mois pendant 2 ans est suggéré. Il convient d’informer tous les patients qu’ils devraient revenir à n’importe quel moment pour une évaluation s’ils présentent des symptômes laissant croire à une rechute de la maladie, telles une toux ou une fièvre persistante, de l’hémoptysie ou une perte de poids inexplicable.

Références

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