ARCHIVÉ - SAJR Faits Rapides – Les comportements sexuels des jeunes de la rue au Canada sont-ils risqués?

 

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    ISBN 0-662-71980-8
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Introduction

La majorité des jeunes de la rue sont sans abri ou ont des conditions de logement très instables1. Ils proviennent d'horizons très différents, mais ils partagent des caractéristiques qui compromettent leur santé et leur bien-être. Les jeunes de la rue adoptent souvent des comportements à risque élevé, notamment des relations sexuelles non protégées avec plusieurs partenaires ou sous l'emprise des drogues1-4. Ces comportements augmentent le risque de contracter et de propager des infections transmises sexuellement (ITS) et par le sang.

L'information présentée dans cet aperçu repose sur la Surveillance accrue des jeunes de la rue au Canada (SAJR). La SAJR est un réseau de surveillance sentinelle qui porte sur les taux d'infections transmises sexuellement et par le sang, les comportements à risque et les déterminants de la santé dans la population des jeunes de la rue au Canada. Les données présentées ci-dessous sont tirées des cycles de 1999, 2001 et 2003 de la SAJR.

Prévalence des ITS plus élevée chez les jeunes de la rue que dans la population générale des jeunes

  • Comme le montre le tableau 1, la prévalence de la chlamydiose chez les jeunes de la rue est plus élevée que chez les jeunes de la population générale, et elle est passée de 8,6 % en 1999 à 11 % en 20035,9.
    • Dans la population générale des jeunes, la prévalence de la chlamydiose est passée de 0,7 % à 0,9 % au cours de la même période5,9.
    • Comme celle de la chlamydiose, la prévalence de la gonorrhée est élevée dans la population des jeunes de la rue, et elle est environ 20 à 30 fois supérieure à celle de la population générale des jeunes.

La prévalence de la gonorrhée chez les jeunes de la rue a augmenté de manière significative, passant de 1,4 % en 1999 et 2001 à 3,1 % en 2003. Cette augmentation est beaucoup plus importante que celle enregistrée dans la population générale des jeunes, pour laquelle le taux est passé de 0,06%en 1999 à 0,09 % en 20035,9.

La SAJR est le fruit d’une collaboration entre l’Unité de surveillance et d’épidémiologie de la Division des infections acquises dans la collectivité du Centre de prévention et de contrôle des maladies infectieuses de l’Agence de la santé publique du Canada, le Bureau de la recherche et de la surveillance du Programme de la Stratégie antidrogue et des substances contrôlées de Santé Canada, les centres participants et les jeunes qui ont participé à la collecte de données.

Le nombre de cas de syphilis infectieuse (primaire, secondaire et latente précoce) a augmenté de façon appréciable chez les jeunes de la rue entre 2001, où aucun cas n'avait été détecté, et 2003, où la prévalence était de 0,7 % (10 cas)9.

Début sexuel précoce et activité sexuelle fréquente chez les jeunes de la rue

  • Plus de 95%des jeunes de la rue recensés dans le cadre de la SAJR se sont déclarés actifs sexuellement, ce qui concorde avec d'autres études portant sur cette population6.
  • L'âge moyen lors de la première relation sexuelle chez les jeunes de la rue (hommes et femmes) était de 14 ans, ce qui est de beaucoup inférieur à l'âge moyen des jeunes de la population générale au Canada au moment de leur première relation sexuelle (16,8 ans)7.
  • En 2003, le nombre hebdomadaire moyen d'activités sexuelles chez les jeunes de la rue qui ont déclaré avoir eu récemment une activité sexuelle variait entre deux activités avec des partenaires occasionnels* et 13 avec des « partenaires-clients »** (figure 1).
  • Les jeunes de la rue de sexe masculin ont déclaré avoir des relations sexuelles avec des partenaires réguliers*** et occasionnels plus souvent que leurs homologues de sexe féminin.
  • Les jeunes de la rue de sexe féminin ont déclaré avoir des relations sexuelles avec des partenaires-clients plus souvent que leurs homologues de sexe masculin.

Les jeunes de la rue ont de nombreux partenaires sexuels

  • En moyenne, les jeunes de la rue ont déclaré avoir eu plus de 17 partenaires sexuels au cours de leur vie, les hommes ayant fait état d'un nombre plus élevé de partenaires que les femmes (figure 2).
  • Le nombre moyen de partenaires était le plus élevé chez les jeunes de la rue de sexe masculin qui ont déclaré avoir eu des relations sexuelles avec d'autres hommes, c.-à-d. les HRSH**** (données non présentées).

Tableau 1 : Taux de prévalence de certaines ITS chez les jeunes de la rue et dans la population générale des jeunes en 1999, 2001 et 2003

Jeunes de la rue (Population générale des jeunes)*5

Age

1999

2001

2003

Chlamydiose

 

 

 

15 - 19 ans

8.98% (0.65%)

11.51% (0.74%)

10.88% (0.82%)

20 - 24 ans

7.87% (0.75%)

11.38% (0.88%)

11.04% (0.99%)

Gonorrhée

 

 

 

15 - 19 ans

1.56% (0.06%)

1.04% (0.07%)

2.19% (0.08%)

20 - 24 ans

0.90% (0.07%)

2.12% (0.09%)

4.38% (0.10%)

Syphilis infectieuse

 

 

 

15 - 19 ans

-

0% (< 0.01%)

0.25% (< 0.01%)

20 - 24 ans

-

0% (< 0.01%)

1.31% (< 0.01%)

* Les taux recensés chez les jeunes de la rue sont des taux de prévalence; ceux auxquels on les compare dans la population générale des jeunes sont tirés des cas déclarés. Les taux tirés des cas déclarés peuvent sous-estimer la prévalence réelle dans la population générale à cause des cas asymptomatiques et des jeunes qui ne subissent pas de tests.

Figure 1: Nombre hebdomadaire moyen d'activités sexuelles selon le type de partenaire en 2003

Figure 1: Nombre hebdomadaire moyen d'activités sexuelles selon le type de partenaire en 2003

Figure 2 : Nombre moyen de partenaires sexuels que les jeunes de la rue ont eus au cours de leur vie, selon le sexe, en 1999, 2001 et 2003

Figure 2 : Nombre moyen de partenaires sexuels que les jeunes de la rue ont eus au cours de leur vie, selon le sexe, en 1999, 2001 et 2003

L'utilisation du condom est peu répandue chez les jeunes de la rue

  • Comme le montre la figure 3, le nombre de jeunes de la rue qui ont déclaré ne pas avoir utilisé un condom lors de leur dernière relation sexuelle était plus élevé s'il s'agissait d'un partenaire de sexe masculin que d'un partenaire de sexe féminin.
  • En 2001, les hommes étaient beaucoup plus nombreux à déclarer ne pas utiliser un condom avec leurs partenaires de sexe masculin qu'avec leurs partenaires de sexe féminin (données non présentées).
  • Le taux d'utilisation du condom est très faible chez les jeunes de la rue - environ 50 % des jeunes de la rue ont déclaré ne pas avoir utilisé un condom au cours de leur dernière relation sexuelle dans toutes les années de l'enquête.
  • Ces conclusions concordent avec celles d'autres études. Ainsi, dans une étude sur les comportements à risque pour le sida chez les jeunes sans-abri aux États-Unis, le tiers des jeunes sexuellement actifs ont déclaré utiliser un condom sur une base irrégulière6. De plus, 32 % des jeunes visés dans l'étude canadienne « Les jeunes des rues face au sida » ont déclaré ne jamais utiliser un condom8.
  • Environ 50 % des jeunes de la rue ont déclaré avoir eu des relations sexuelles avec une personne qui était sous l'emprise des drogues.
  • Près d'un cinquième des jeunes de la rue avaient eu des relations sexuelles avec une personne qui avait reçu un diagnostic d'ITS.

Les relations sexuelles avec des partenaires à risque élevé et les activités sexuelles non désirées sont répandues chez les jeunes de la rue

Comme le montre le tableau 2, bon nombre de jeunes de la rue déclarent avoir des relations sexuelles avec des partenaires à risque élevé. De plus, il y a des différences selon le sexe dans les comportements sexuels à risque déclarés par les jeunes de la rue.

  • Le pourcentage des jeunes de sexe féminin étudiés par la SAJR qui ont déclaré avoir subi des activités sexuelles non désirées représentait plus du double de celui des jeunes de sexe masculin.
  • En moyenne, les jeunes de la rue de sexe féminin étaient significativement plus nombreux que les jeunes de sexe masculin à déclarer s'être prostitués9.
  • En 2003, le nombre d'hommes qui ont déclaré ne pas avoir utilisé un condom lors de leur dernière relation sexuelle était deux fois plus élevé que celui des femmes.

Figure 3 : Proportion de jeunes de la rue qui ont déclaré ne pas avoir utilisé un condom lors de leur dernière relation sexuelle, selon le sexe du partenaire, en 2001 et 2003

Figure 3 : Proportion de jeunes de la rue qui ont déclaré ne pas avoir utilisé un condom lors de leur dernière relation sexuelle, selon le sexe du partenaire, en 2001 et 2003

Tableau 2: Proportion des jeunes de la rue qui ont déclaré avoir eu certains comportements à risque et avoir eu des relations sexuelles avec des partenaires présentant des caractéristiques à risque élevé

Comportements sexuels des jeunes de la rue

2001

2003

Activités sexuelles non désirées* (%)

Hommes

11.0

12.5

Femmes
28.0
27.8

Global

18.3

18.2

Activités sexuelles par obligation

Hommes

 

14.3

Femmes
25.5

Global

 

18.5

Pas de condom lors de leur dernière relation sexuelle par obligation

Hommes

 

47.0

Femmes
39.0

Global

 

44.0

Commerce du sexe

Hommes

16.5

14.5

Femmes
26.5
29.3

Global

20.9

20.2

Pas de condom la dernière fois qu'ils s'étaient adonnés au commerce du sexe

Hommes

26.4

29.0

Femmes
24.5
10.0

Global

25.0

19.0

Proportion des jeunes de la rue qui ont déclaré avoir eu des partenaires sexuels présentant certaines caractéristiques de risque au cours des trois mois précédents

Étaient sous l'emprise des drogues lors des relations sexuelles

47.4

50.8

Avaient reçu un diagnostic d'ITS

17.0

16.0

S'adonnaient au commerce du sexe

7.1

9.5

* Les activités sexuelles non désirées ont été définies comme des activités sexuelles imposées par une personne en position d'autorité.

Les jeunes de la rue se considèrent comme à faible risque de contracter une ITS

  • La figure 4 montre que, en général, la majorité des jeunes de la rue qui ont participé à la SAJR croyaient qu'ils présentaient un faible risque de contracter une ITS.
  • Environ un quart des jeunes de la rue croyaient qu'ils ne présentaient aucun risque.

Figure 4 : Perception personnelle du risque d'ITS chez les jeunes de la rue

Figure 4 : Perception personnelle du risque d'ITS chez les jeunes de la rue

Conclusions

Les constatations de la SAJR sur les comportements sexuels à risque chez les jeunes de la rue sont inquiétantes. Il faut instaurer une intervention en amont et des initiatives d'éducation afin de réduire le risque d'exposition aux ITS dans cette population. Il faut également instaurer des programmes et des mesures accessibles de réduction des méfaits afin de contrer les effets néfastes de l'itinérance. Il importe aussi d'y intégrer des initiatives diversifiées qui tiennent compte des différences selon le sexe, de l'orientation sexuelle et des expériences sexuelles non désirées. On ne peut faire fi des aspects sociaux de l'itinérance, en particulier l'instabilité des conditions de vie et de la situation financière des jeunes. Ce n'est qu'en s'attaquant à toute la gamme des problèmes auxquels sont confrontés les jeunes de la rue que l'on pourra amorcer la réduction des taux de comportements à risque et des ITS au sein de cette population.

Personne-ressource

Pour un complément d'information, veuillez communiquer avec :
Section de surveillance et d'épidémiologie
Division des infections acquises dans la collectivité (DIAC)
Centre de prévention et de contrôle des maladies infectieuses (CPCMI)
Agence de la santé publique du Canada (ASPC)
IA 0603B
Ottawa, ON K1A 0K9
Tél. : 613-946-8637
Téléc. : 613-946-3902
www.santepublique.gc.ca/its
www.publichealth.gc.ca/sti


Références

* Un partenaire sexuel « occasionnel » est une personne avec laquelle on a des relations sexuelles une fois ou quelques fois, mais avec laquelle on n'a pas de lien affectif.

** Un partenaire « client » est une personne qui donne de l'argent, de la drogue, des biens ou n'importe quoi d'autre en échange de relations sexuelles.

*** Un partenaire sexuel « régulier » est une personne avec laquelle on a une relation et un lien affectif.
****HRSH : Hommes quo ont des relations sexuelles avec d'autres hommes.

  1. Roy E, et coll. Mortality in a Cohort of Street Youth in Montreal. Journal of the American Medical Association. 2004; 292(5):569-574.
  2. DeMatteo D, et coll. Toronto Street Youth and HIV/AIDS: Prevalence, Demographics, and Risks. Journal of Adolescent Health. 1999; 25(5):358-366.
  3. Weber AE, et coll. HIV Risk Profile and Prostitution Among Female Street Youth. Journal of Urban Health. 2002; 79:525-535.
  4. Shields S, et coll. Prevalence and Correlates of Chlamydia Infection in Canadian Street Youth. Journal of Adolescent Health. 2004; 34:384-390.
  5. Agence de la santé publique du Canada. Rapport de surveillance canadien 2002 sur les infections transmises sexuellement. RMTC 2005; 31 :S2.
  6. Johnson TP, et coll. Self-reported risk factors for AIDS among homeless youth. AIDS Education and Prevention. 1996; 8(4): 308-322.
  7. Hansen L, et coll. Sexual Health. BMC Women's Health. 2004; 4 Suppl 1:S24.
  8. Radford JL, et al. Street Youth and AIDS. Kingston: Social Program Evaluation Group, Queen's Université; 1988.
  9. Agence de la santé publique du Canada. Infections transmises sexuellement chez les jeunes de la rue au Canada. Ottawa; 2006.

 

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