Taux de maladies chroniques au Canada : quel dénominateur utiliser pour l'estimation de l'ensemble de la population? - PSPMC: Volume 36-10, octobre 2016

Volume 36 · numéro 10 · octobre 2016

Taux de maladies chroniques au Canada : quel dénominateur utiliser pour l'estimation de l'ensemble de la population?

J. Ellison, M.P.H. Footnote 1; C. Nagamuthu, M.P.H. Footnote 2; S. Vanderloo, M. Sc. Footnote 3; B. McRae Footnote 1; C. Waters, B. Sc. 1

https://doi.org/10.24095/hpcdp.36.10.03f

Cet article a fait l'objet d'une évaluation par les pairs.

Rattachement des auteurs :

Correspondance : Joellyn Ellison, Centre de prévention des maladies chroniques, Agence de la santé publique du Canada, 785, avenue Carling, 6e étage, 623 A-3, Ottawa (Ontario)  K1A 0K9; tél. : 613-797-8721; téléc. : 613-941-2057; courriel : joellyn.ellison@phac-aspc.gc.ca

Résumé

Introduction : Les taux de maladies chroniques du Système canadien de surveillance des maladies chroniques (SCSMC) de l'Agence de la santé publique du Canada sont fondés sur les données administratives sur la santé fournies par les ministères de la Santé des provinces et des territoires. Les dénominateurs utilisés pour calculer ces taux reposent sur des estimations de population tirées des dossiers d'assurance-maladie, données toutefois pas systématiquement accessibles à tous les chercheurs. Le recensement de Statistique Canada constitue quant à lui une autre source d'estimation de la taille de la population. Notre étude visait d'abord à calculer les principaux écarts entre les dénominateurs de population à partir des estimations du SCSMC et à partir de celles de Statistique Canada et ensuite à déterminer les causes à l'origine des écarts entre ces sources de données.

Méthodologie : Nous avons comparé pour 2009 les dénominateurs fournis par le SCSMC et ceux fournis par Statistique Canada. Le dénominateur du SCSMC a été ajusté pour tenir compte des composantes de la croissance (naissances, décès, émigrants et immigrants) tirées des données de recensement de Statistique Canada.

Résultats : Le dénominateur non ajusté du SCSMC était de 34 429 804 personnes, soit une différence de + 3,2 % par rapport à l'estimation de population de Statistique Canada pour 2009. Après ajustement du dénominateur du SCSMC pour tenir compte des composantes de la croissance, la différence entre les deux estimations s'est trouvé réduite à 431 323 personnes, soit un écart de 1,3 %. L'estimation tirée du SCSMC constitue une surestimation par rapport à celle de Statistique Canada. Le plus grand écart entre les deux estimations relève de la composante de croissance liée à l'immigration, alors que l'écart le moindre provient de la composante de croissance liée à la population émigrante.

Conclusion : Disposant des descriptions de données par source de données, les chercheurs peuvent choisir quelle estimation de la population utiliser dans leurs calculs des fréquences de maladies.

Mots-clés : Système canadien de surveillance des maladies chroniques, dénominateur, recensement, estimations de la population au Canada, surveillance des maladies, mesures de la fréquence de maladies, données administratives sur la santé

Correspondance : Joellyn Ellison, Centre de prévention des maladies chroniques, Agence de la santé publique du Canada, 785, avenue Carling, 6e étage, 623 A-3, Ottawa (Ontario)  K1A 0K9; tél. : 613-797-8721; téléc. : 613-941-2057; courriel : joellyn.ellison@phac-aspc.gc.ca

Résumé

Introduction : Les taux de maladies chroniques du Système canadien de surveillance des maladies chroniques (SCSMC) de l'Agence de la santé publique du Canada sont fondés sur les données administratives sur la santé fournies par les ministères de la Santé des provinces et des territoires. Les dénominateurs utilisés pour calculer ces taux reposent sur des estimations de population tirées des dossiers d'assurance-maladie, données toutefois pas systématiquement accessibles à tous les chercheurs. Le recensement de Statistique Canada constitue quant à lui une autre source d'estimation de la taille de la population. Notre étude visait d'abord à calculer les principaux écarts entre les dénominateurs de population à partir des estimations du SCSMC et à partir de celles de Statistique Canada et ensuite à déterminer les causes à l'origine des écarts entre ces sources de données.

Méthodologie : Nous avons comparé pour 2009 les dénominateurs fournis par le SCSMC et ceux fournis par Statistique Canada. Le dénominateur du SCSMC a été ajusté pour tenir compte des composantes de la croissance (naissances, décès, émigrants et immigrants) tirées des données de recensement de Statistique Canada.

Résultats : Le dénominateur non ajusté du SCSMC était de 34 429 804 personnes, soit une différence de + 3,2 % par rapport à l'estimation de population de Statistique Canada pour 2009. Après ajustement du dénominateur du SCSMC pour tenir compte des composantes de la croissance, la différence entre les deux estimations s'est trouvé réduite à 431 323 personnes, soit un écart de 1,3 %. L'estimation tirée du SCSMC constitue une surestimation par rapport à celle de Statistique Canada. Le plus grand écart entre les deux estimations relève de la composante de croissance liée à l'immigration, alors que l'écart le moindre provient de la composante de croissance liée à la population émigrante.

Conclusion : Disposant des descriptions de données par source de données, les chercheurs peuvent choisir quelle estimation de la population utiliser dans leurs calculs des fréquences de maladies.

Mots-clés : Système canadien de surveillance des maladies chroniques, dénominateur, recensement, estimations de la population au Canada, surveillance des maladies, mesures de la fréquence de maladies, données administratives sur la santé

Introduction

De nombreux pays, dont le Canada, l'Australie, la France et l'Italie, sont dotés de bases de données administratives sur la santé mises en œuvre ou prises en charge par des gouvernements qui fournissent un régime universel de soins médicauxNote de bas de page 1. Ces données administratives sur la santé sont recueillies par l'administration des services de soins de santé à intervalles réguliers2. Elles sont utilisables pour planifier les services de santé, faire état des évaluations de rendement, éclairer la prise de décisions cliniques et répondre à des questions en matière de rechercheNote de bas de page 2. Elles servent aussi pour la surveillance des maladiesNote de bas de page 3-7. Des mesures de fréquence des maladies, comme les taux de prévalence, d'incidence et de mortalité, contribuent à décrire le fardeau des maladies au sein d'une population. Grâce à cette information, les spécialistes des politiques, de l'économie de la santé et de la santé publique peuvent prendre des décisions éclairées. Il est donc essentiel que les chercheurs utilisent des dénominateurs appropriés pour le calcul de ces mesures, car les taux d'incidence, de prévalence et de mortalité se calculant à partir d'un numérateur et d'un dénominateur, une sélection inadéquate de la population totale peut produire des estimations biaisées des taux de survenue de maladies et de décèsNote de bas de page 8. Bien souvent, ces estimations de population constituent les sources les plus pertinentes pour estimer le nombre de personnes à risque pour une maladie.

L'une des sources pour les estimations de population associées au dénominateur est Statistique Canada. Les données sur les citoyens (incluant les résidents permanents) et les résidents non permanents et leurs familles vivant au Canada sont recueillies par Statistique Canada dans le cadre de son recensement quinquennalNote de bas de page 9. La majeure partie de la population remplit elle-même un questionnaire de recensement et le renvoie par la poste ou par voie électroniqueNote de bas de page 9.

Le recensement a pour objectif de fournir de l'information sur les caractéristiques individuelles et sociales de la population canadienneNote de bas de page 9. Les estimations sont calculées en fonction de ces données de recensement et ajustées pour tenir compte du sous-dénombrement ou du surdénombrementNote de bas de page 10.

Le Système canadien de surveillance des maladies chroniques (SCSMC) de l'Agence de la santé publique du Canada (ASPC) constitue une autre source pour les estimations de population associées au dénominateur. Il s'agit d'un réseau de collaboration entre les systèmes de surveillance des maladies chroniques aux échelles fédérale, provinciale et territoriale, soutenu par l'ASPC. Les estimations du dénominateur reposent sur le nombre de personnes détenant une police d'assurance-maladie valide à un moment quelconque au cours de l'exercice financier. Le SCSMC permet de déterminer le nombre de Canadiens atteints d'une maladie chronique, grâce aux interactions avec le système de soins de santé et en fonction des codes de diagnostics et de procédures, information qui s'ajoute au large éventail de données sur le fardeau des maladies au Canada. Ce système intègre des données globales sur le diabète, l'hypertension, la cardiopathie ischémique, l'infarctus aigu du myocarde, l'insuffisance cardiaque, la maladie mentale, l'ostéoporose, l'asthme, la maladie pulmonaire chronique, la sclérose en plaques et le parkinsonisme.

Cette étude est la première à comparer à l'échelle nationale le dénominateur du SCSMC, établi à partir des données administratives sur la santé, et les estimations de Statistique Canada sur la population. Il existe à l'échelle provinciale une étude du ministère de la Santé et du Bien-être de l'Alberta comparant les données du registre du Régime d'assurance-maladie de l'Alberta (AHCIP) et celles du recensement de 2006Note de bas de page 11. Cette étude a révélé un sous-dénombrement de 0,0988 % (3 249 / 3 287 101) en lien avec les données du registre de l'AHCIP de 2006-2007 par rapport à celles de Statistique Canada. Cependant, en juin 2015, l'estimation de l'AHCIP était plus élevée que celle de Statistique CanadaNote de bas de page 12. L'ASPC a réalisé aussi une analyse similaire en 2012, dans le cadre de laquelle elle mettait en parallèle le dénominateur du SCSMC (exercice financier 2006-2007) et l'estimation de la population fournie par Statistique Canada (recensement de 2006), révélant une surestimation d'environ 3,9 % (955 358 / 24 258 902) pour le dénominateur du SCSMC. Cet écart était toutefois difficile à interpréter, puisque les données du SCSMC pour le Québec et Terre-Neuve-et-Labrador avaient été exclues en raison de leur mauvaise qualité et que les estimations de Statistique Canada avaient été utilisées à leur place. Au Québec, l'Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) n'avait pas été en mesure de fournir de données sur les Canadiens ne souffrant pas de maladie. Quant à Terre-Neuve-et-Labrador, les cartes d'assurance-maladie antérieures à 2008 ne comportant pas de date d'expiration, la base de données du régime de soins médicaux comptait des doublons.

Notre étude visait à la fois à calculer les principaux écarts entre les estimations de population issues du SCSMC et celles issues de Statistique Canada et à déterminer les causes à l'origine de ces écarts. Notre objectif était que les résultats de cette étude permettent d'orienter les décisions des chercheurs et des analystes dans leur choix de l'estimation de population associée au dénominateur pour le calcul des fréquences des maladies.

Méthodologie

Sources de données

Le SCSMC utilise des bases de données administratives provinciales et territoriales pour assurer la surveillance des maladies chroniques chez les CanadiensNote de bas de page 4-7. Ce système a été développé grâce au jumelage de trois bases de données administratives et d'identifiants uniques valides : (1) le fichier du registre d'assurance-maladie, (2) le dossier des services médicaux rémunérés à l'acte et certains dossiers de services médicaux soumis au système de facturation fictive et (3) des dossiers hospitaliers rendant compte, par le biais de codes de diagnostics et de procédures, des interactions liées aux soins de courte durée en milieu hospitalierNote de bas de page 7. Ces bases de données sur la santé consignent les interactions liées aux soins de santé administrés à des résidents admissibles aux services de soins de santé provinciaux ou territoriauxNote de bas de page 7. Le fichier du registre d'assurance-maladie renferme des renseignements personnels, dont un identifiant unique valide à vie, permettant de jumeler ces trois bases de donnéesNote de bas de page 13.

Ce registre d'assurance-maladie contient aussi un dossier pour chacun des résidents en vie et admissible aux soins de santé à un moment quelconque au cours de l'exercice financier. Les personnes décédées sont donc consignées dans l'exercice au cours duquel elles sont décédées. Par ailleurs, ce sont les programmes de financement du gouvernement fédéral qui assurent à certains sous-groupes de la population (Premières Nations et Inuits, demandeurs d'asile, anciens combattants admissibles, détenus de pénitenciers fédéraux et militaires actifs des Forces canadiennes et de la GRC [Gendarmerie royale du Canada]) la prestation de services et d'avantages non assurés par les gouvernements provinciaux et territoriaux, notamment la couverture de soins dentaires et de la vue ainsi que la couverture de fournitures médicales et de certains médicamentsNote de bas de page 14Note de bas de page 15. Les Premières Nations et les Inuits bénéficient aussi d'un régime provincial d'assurance-maladie, et leurs données tirées du fichier de registre d'assurance-maladie ont donc été saisies par le SCSMC.

Les membres des Forces canadiennes et de la GRC ainsi que les détenus de pénitenciers fédérauxNote de bas de page 15 ne sont en principe pas saisis par le SCSMC (environ 110 000 personnes par année). Les chiffres ayant servi à calculer le dénominateur du SCSMC proviennent des données transmises à l'ASPC par chacune des provinces et chacun des territoires, en date de novembre 2015, pour l'exercice 2009-2010. On a utilisé ces données car il s'agissait des données les plus récentes au moment de nos analyses. Elles concernaient les résidents couverts par un régime d'assurance-maladie valide à un moment quelconque au cours de l'exercice financier (incluant de ce fait les résidents décédés au cours de cet exercice) et étaient réparties en fonction de variables liées à la maladie et de caractéristiques individuelles comme l'âge et le sexe.

Estimations de la population fournies par Statistique Canada

Les estimations de la population fournies par Statistique Canada reposent sur les données de recensement. Bien que le but visé par Statistique Canada soit de dénombrer la population canadienne le jour du recensement en recueillant les données à un moment précis (perspective transversale de la population), il est inévitable qu'une certaine fraction de la population soit sous-dénombrée ou sur-dénombrée (2,7 %) (868 657/32 500 000)16. Certaines personnes ne sont vraisemblablement pas comptabilisées, parce qu'elles ne sont pas au Canada au moment du recensement ou parce qu'elles vivent dans un logement collectif offrant des services de soins ou d'assistance, alors que d'autres personnes sont sans doute comptabilisées plusieurs fois (p. ex. étudiants vivant hors du domicile familial ayant rempli le questionnaire de recensement et figurant aussi sur celui de leurs parents)Note de bas de page 16. Ces cas correspondent à ce qu'on définit comme un sous-dénombrement et un sur-dénombrementNote de bas de page 17Note de bas de page 18.

Statistique Canada mène des études d'évaluation postcensitaires au moyen d'un échantillon représentatif de la population pour calculer le nombre de personnes n'ayant pas été dénombrées ou ayant été dénombrées plusieurs fois au moment du recensementNote de bas de page 19. Les résultats de ces études sont combinés aux estimations du recensement pour fournir les estimations à jour de la population, qui reposent ainsi sur des estimations postcensitaires et intercensitairesNote de bas de page 10. Les estimations intercensitaires correspondent aux estimations de population réalisées entre deux recensementsNote de bas de page 10. Ces ajustements permettent d'obtenir des estimations presque exhaustives des effectifs de population.

Cohortes d'étude

Nous avons comparé, par groupe d'âge, le dénominateur du SCSMC pour l'exercice 2009-2010 et l'estimation de population de Statistique Canada pour 2009Note de bas de page 20. Les données ont été recueillies selon l'âge au 31 mars pour le dénominateur du SCSMC et au 1er juillet pour Statistique Canada. Le dénominateur du SCSMC a été ajusté pour tenir compte des composantes de la croissance (naissances, décès, émigrants et immigrants) tirées des fichiers de données de recensement de Statistique Canada (tableau 1)Note de bas de page 21. Les données utilisées pour le dénominateur du SCSMC incluaient la migration interprovinciale (les résidents ayant déménagé d'une province ou un territoire à un autre ont été de ce fait comptés plus d'une fois) alors que les estimations de Statistique Canada avaient été ajustées pour tenir compte de la migration interprovinciale, de l'immigration nette et des décèsNote de bas de page 26.

Tableau 1
Dénominateur du SCSMC ajusté en fonction des méthodes utilisées par Statistique CanadaNote de bas de page 22, Canada, 2009
Composante de la croissance Ajustement Ampleur du résultat ajusté
NaissancesNote de bas de page 23 379 373/3 126 457
Décès23 237 138/3 79 046
Immigrants24 270 581/3 90 193
Émigrants24 52 335/3 17 445
Solde des résidents non permanents24 34 531 34 531
Migrants2425 Hors pays : (259 234 × 1,5) −
Au pays : (259 234)/3
302 440

Abréviation : SCSMC, Système canadien de surveillance des maladies chroniques.
Remarques : Dénominateur du SCSMC ajusté (n = 33 779 692) = Dénombrement SCSMC  (n = 34 429 804) − naissances (n = 126 457) − décès (n = 79 046) − immigrants (n = 90 193) − émigrants (n = 17 445)  − solde des résidents non permanents (n = 34 531) − migrants au pays et hors pays (n = 302 440).
Après l'ajustement pour le SCSMC, la différence entre les deux dénominateurs est de 431 296 (1,3 %).

Nous avons mené des analyses à l'aide du logiciel SAS Enterprise Guide, version 4.1 (SAS Institute Inc., Cary [Caroline du Nord], États-Unis). Pour illustrer les écarts entre les estimations de population du SCSMC et celles de Statistique Canada, nous avons réalisé nos analyses avec ajustement et sans ajustement du dénominateur du SCSMC en fonction des composantes de la croissance. Le tableau 2 offre une synthèse des définitions de données par source.

Tableau 2
Descriptions des données du dénominateur par source (Système canadien de surveillance des maladies chroniques et Statistique Canada), 2009
Sources de données Dénominateur du SCSMC de l'ASPC Estimation de population de Statistique Canada
Type d'estimation Estimation fondée sur une période (Canadiens détenant une police d'assurance-maladie valide au cours de l'exercice financier) Estimation ponctuelle (estimation du nombre de Canadiens recensés)
Inclusions 1) Décès survenant pendant l'exercice financier
2) Canadiens migrant à l'intérieur du Canada pendant l'exercice financier (double comptage)
1) Échantillons représentatifs des Canadiens 2) Ajustements selon les composantes de la croissance (naissances, décès, émigrants et immigrants) et les personnes non recensées (hors du pays pendant le recensement) ou dénombrées deux fois (étudiants ne vivant plus au domicile familial)
Exclusions Canadiens couverts par une assurance du gouvernement fédéral Canadiens hors pays pendant le recensement ou vivant dans un logement collectif, mais pour lesquels un ajustement a été effectué
Utilisation/rôle Utilisé conjointement avec le numérateur du SCSMC (les Canadiens exposés à un trouble de santé sont inclus dans le dénominateur) Utilisé conjointement avec le numérateur du SCSMC (inclut les Canadiens exposés à un trouble de santé)

Abréviations : ASPC, Agence de la santé publique du Canada; SCSMC, Système canadien de surveillance des maladies chroniques.

Méthodes statistiques

L'écart global en pourcentage entre le dénominateur du SCSMC et l'estimation de population déterminée par Statistique Canada a été calculé ainsi, pour le Canada et par province/territoire :

[(dénominateur du SCSMC - estimation de population de Statistique Canada) / estimation de population de Statistique Canada] × 100.

Pour examiner l'incidence sur les taux la plus forte, dans tous les groupes d'âge, en fonction des deux sources de données, nous avons comparé les taux de prévalence, d'incidence et de mortalité du diabète en utilisant le dénominateur du SCSMC et en utilisant l'estimation de population de Statistique Canada. Pour recenser les décès toutes causes confondues à l'échelle provinciale et territoriale, nous avons utilisé les données du SCSMC. Nous avons calculé les taux en utilisant les estimations de population pour le dénominateur tirées des deux sources de données :

  • Prévalence du diabète = [Nombre total de personnes pour lesquelles le cas a été déterminé au cours de la période de collecte de données ou cas prévalents / Titulaires d'une couverture d'assurance-maladie valide au cours de la période de collecte de données] × 100 ou Prévalence du diabète = [Nombre total de personnes pour lesquelles le cas a été déterminé au cours de la période de collecte de données ou cas prévalents / Estimation de la population par Statistique Canada]  × 100
  • Incidence du diabète = [Nombre total de cas incidents / (Nombre total de titulaires d'une couverture d'assurance-maladie valide au cours de la période de collecte de données − Cas prévalents au début de l'exercice)] × 1 000 ou Incidence du diabète = [Nombre total de cas incidents / (Estimation de la population par Statistique Canada − Cas prévalents au début de l'exercice)] × 1000
  • Mortalité toutes causes confondues = [Nombre total de décès recensés par le SCSMC / Population totale recensée par le SCSMC] × 100 000 personnes ou Mortalité toutes causes confondues = [Nombre total de décès recensés par le SCSMC / Estimation de la population par Statistique Canada] × 100 000 personnes.

Ces taux ont été calculés à l'aide de macros SAS (codes préprogrammés) et les comptes ont été arrondis aléatoirementNote de bas de page 26. Les données de mortalité utilisées dans l'estimation de population de Statistique Canada provenaient des fichiers de statistiques de l'état civil de 2009 (pour assurer leur concordance avec ceux du SCSMC pour l'exercice 2009-2010Note de bas de page 27. Pour évaluer l'incidence des taux de mortalité sur le calcul de l'espérance de vie au moyen des deux sources de dénominateurs, nous avons comparé, par sexe et par groupe d'âge, l'espérance de vie calculée au moyen du dénominateur du SCSMC pour chacune des maladies suivies par le SCSMC avec l'espérance de vie calculée au moyen de l'estimation de population de Statistique Canada. La stratification des données du SCSMC a été faite par sexe et selon les 18 groupes d'âge standard (1 à 4 ans, 5 à 9 ans, ..., 80 à 84 ans, 85 ans et plus) puis nous avons créé une table de survie pour le nombre de personnes ayant reçu un code de diagnostic lié à une maladie et pour le nombre de personnes n'ayant reçu aucun code de diagnostic. La fonction de Gompertz a servi à obtenir une estimation précise de l'espérance de vie au dernier intervalle d'âge ouvert (85 ans et plus) de façon à s'approcher de la table de survieNote de bas de page 28Note de bas de page 29.

Comme la situation vis-à-vis de la maladie n'était pas connue chez les enfants de moins d'un an, nous avons utilisé les taux de mortalité pour la population canadienne selon le sexe de 2004 à 2006 de Statistique Canada pour modéliser la mortalité des individus atteints de maladie et celle des individus non atteints de maladie. Les taux de mortalité selon le sexe des enfants de la naissance à 1 an utilisés pour construire la table de survie correspondaient à ceux des nourrissons non atteints de maladie, car les taux de mortalité des nourrissons atteints de la maladie n'étaient pas disponibles. Le groupe d'âge des enfants de la naissance à 1 an affichant un taux de mortalité élevé, nous avons présumé que le nombre de nourrissons atteints de maladie et celui de nourrissons non atteints étaient approximativement les mêmes.

Résultats

Nos résultats révèlent que le dénominateur du SCSMC et les estimations de la population produites par Statistique Canada diffèrent. Plus précisément, on observe une surestimation de la population dans le SCSMC par rapport à l'estimation globale fournie par Statistique Canada.

Le plus grand écart entre les deux estimations relève de la composante de croissance liée à la population immigrante (302 440), l'écart le moindre, de la composante de croissance liée à la population émigrante (17 445) (tableau 1). L'inclusion des décès dans le calcul du dénominateur du SCSMC a conduit à une différence de 1 081 408 personnes entre le dénominateur du SCSMC (34 429 804) et l'estimation de population de Statistique Canada (33 348 396), soit un écart de + 3,2 % (1 081 408/33 348 396) (tableau 3).

Tableau 3
Estimations de la population par groupe d'âge, Canada, 2009
Groupes d'âge (ans) Dénominateur du SCSMCNote de bas de page a Estimation de population de Statistique CanadaNote de bas de page b Pourcentage de l'écart (%)
1 à 4 1 540 368 1 464 423 5,2
5 à 9 1 845 877 1 798 812 2,6
10 à 14 2 009 792 1 972 894 1,9
15 à 19 2 264 299 2 250 692 0,6
20 à 24 2 304 740 2 322 497 −0,8
25 à 29 2 358 661 2 348 492 0,4
30 à 34 2 310 455 2 258 092 2,3
35 à 39 2 377 282 2 297 458 3,5
40 à 44 2 512 797 2 480 011 1,3
45 à 49 2 858 523 2 787 129 2,6
50 à 54 2 686 876 2 573 413 4,4
55 à 59 2 322 492 2 215 710 4,8
60 à 64 1 999 094 1 888 212 5,9
65 à 69 1 480 822 1 406 971 5,2
70 à 74 1 137 703 1 080 535 5,3
75 à 79 947 527 909 136 4,2
80 à 84 728 883 676 759 7,7
85 et plus 743 613 617 160 20,5
Tous âges 34 429 804 33 348 396 3,2

Après ajustement du dénominateur du SCSMC pour tenir compte des composantes de la croissance, nous avons observé une différence de 431 296 personnes entre le dénominateur du SCSMC (33 779 692) et l'estimation de population de Statistique Canada (33 348 396), soit un écart de + 1,3 % (431 296/33 348 396) (tableau 1). Le plus grand écart observé était dans le groupe des 85 ans et plus (+ 20,5 %; 126 453/617 160) et le moindre chez les 20 à 24 ans (− 0,8 %; 17 757/2 322 497) (tableau 3).

Par province ou territoire, l'écart le plus important a été observé dans les Territoires du Nord-Ouest (+ 13,0 %; 5 600/42 965), et le moindre au Québec (+ 0,5 %; 37 595/7 737 335) (tableau 4). Nous avons constaté une tendance similaire lorsque les décès étaient exclus du dénominateur du SCSMC. Toutefois, après ajustement en fonction des composantes de la croissance, l'écart s'est trouvé réduit à 431 296 personnes (Δ1,3 %; 431 296/33 348 396) (tableau 1).

Tableau 4
Estimations de la population par province ou territoire, Canada, 2009
Province ou territoire Dénominateur du SCSMCNote de bas de page a Estimations de la population de Statistique CanadaNote de bas de page b Pourcentage de l'écart (%)
Terre-Neuve-et-Labrador 537 862 504 141 6,7
Île-du-Prince-Édouard 148 911 139 593 6,7
Nouvelle-Écosse 989 707 931 622 6,2
Nouveau-Brunswick 755 910 742 506 1,8
Québec 7 774 930 7 737 335 0,5
Ontario 13 563 855 12 928 815 4,9
Manitoba 1 239 544 1 204 232 2,9
Saskatchewan 1 067 733 1 015 590 5,1
Alberta 3 711 026 3 621 681 2,5
Colombie-Britannique 4 524 374 4 415 160 2,5
Yukon 33 745 33 342 1,2
Territoires du Nord-Ouest 48 565 42 965 13,0
Nunavut 33 642 31 414 7,1
Canada 34 429 804 33 348 396 3,2

Pour l'ensemble des Canadiens, le taux de prévalence du diabète calculé avec le dénominateur du SCSMC (7,2 %; 2 489 520/34 429 804) était de 4,00 % (− 0,3/7,5) inférieur à celui calculé avec l'estimation de population de Statistique Canada (7,5 %; 2 489 520/33 348 396), alors que le taux d'incidence calculé avec le dénominateur du SCSMC (6,4 pour 1 000; 218 240/34 211 564) était de 3,03 % (−0,2/6,6) inférieur à celui calculé avec l'estimation de population de Statistique Canada (6,6 pour 1 000; 218 240/33 130 156). Le taux de mortalité total toutes causes confondues calculé avec le dénominateur du SCSMC (669,2 pour 100 000; 230 408/34 429 804) était de 3,1 % (−21,7/690,9) inférieur à celui calculé avec l'estimation de population de Statistique Canada (690,9 pour 100 000; 230 408/33 348 396; tableau 5). L'espérance de vie à la naissance calculée avec le dénominateur du SCSMC s'établissait à 82,9 ans, et celle calculée avec l'estimation de population de Statistique Canada à 81,2 ans.

Tableau 5
Taux de prévalence, d'incidence et de mortalitéNote de bas de page a du diabète par population, Canada, 2009
Statistique Dénominateur du SCSMCNote de bas de page b Estimations de population de Statistique CanadaNote de bas de page c Pourcentage de l'écart (%)
Prévalence 7,2 7,5 −4,0
Incidence 6,4 pour 1 000 6,6 pour 1 000 −3,0
Total Mortalité (excluant les décès au sein de la population) 669,2 pour 100 000 690,9 pour 100 000 −3,1

Remarques : Cette étude a pu être réalisée grâce à la collaboration de l'Agence de la santé publique du Canada (ASPC), des gouvernements provinciaux, soit la Colombie-Britannique, l'Alberta, la Saskatchewan, le Manitoba, l'Ontario, le Québec, le Nouveau-Brunswick, l'Île-du-Prince-Édouard, la Nouvelle-Écosse et Terre-Neuve-et-Labrador, et des gouvernements des territoires, soit le Yukon, les Territoires du Nord-Ouest et le Nunavut. Les opinions, les résultats et les conclusions présentés dans cette étude n'engagent que les auteurs; ils ne sont nullement sanctionnés par la Colombie-Britannique, la Saskatchewan, le Manitoba, l'Ontario, le Québec, le Nouveau-Brunswick, l'Île-du-Prince-Édouard, la Nouvelle-Écosse, Terre-Neuve-et-Labrador, le Yukon, les Territoires du Nord-Ouest et le Nunavut et ne devraient pas être perçus comme tels.

Analyse

L'une des différences entre le dénominateur du SCSMC et l'estimation de population de Statistique Canada est que cette dernière fournit une perspective transversale de la population à une date donnée (date du recensement) alors que le dénominateur du SCSMC fournit une estimation de la population exposée (ou « à risque ») sur une année. Bien que les taux de prévalence et d'incidence puissent être calculés pour une date précise, ils sont plus couramment calculés pour une période. Les chercheurs doivent prendre note que des dénominateurs différents sont susceptibles de produire des taux de prévalence, d'incidence et de mortalité et un calcul de l'espérance de vie différents. Par exemple, un militaire qui consulte un médecin à l'hôpital pour son diabète ne sera pas enregistré dans le SCSMC car les militaires forment un sous-groupe de population couvert par une assurance fédérale. Les estimations de Statistique Canada sont donc les plus appropriées pour le dénominateur entrant dans le calcul de fréquence d'une maladie. Il convient toutefois de noter que le dénominateur du SCSMC est le plus approprié pour l'estimation de fréquence d'une maladie lorsque des données administratives sont utilisées (c'est-à-dire lorsque le numérateur repose sur les données du SCSMC).

Par ailleurs, un chercheur pourrait souhaiter calculer la prévalence du diabète en 2006 pour l'ensemble des Canadiens. Il pourrait alors utiliser le nombre de cas de diabète recensés en 2006 dans le SCSMC et décider d'utiliser les estimations de Statistique Canada comme dénominateur (ce qui correspond à la population canadienne totale en 2006). Cependant, le risque d'être atteinte de la maladie utilisé dans le numérateur pourrait ne pas cadrer avec les estimations de Statistique Canada (pourrait ne pas être représentatif de cette population). Ou encore, une personne atteinte de diabète pourrait être décédée avant la date de recensement de 2006 mais avoir été recensée dans la base de données avant son décès. Dans ce scénario, la personne serait prise en compte dans le calcul du numérateur mais pas dans celui du dénominateur, produisant ainsi une estimation inexacte de la prévalence du diabète au Canada en 2006.

Pour quantifier les lacunes liées aux données non incluses dans le dénominateur du SCSMC et dans l'estimation de population de Statistique Canada, une recherche plus approfondie est nécessaire, que ce soit sur la qualité des données tirées des registres d'assurance-maladie ou sur la quantification des sous-groupes de population (comme les émigrants) non inclus dans les deux sources de données.

Le SCSMC tient compte de presque toute la population canadienne lorsqu'il saisit des données du registre d'assurance-maladie. Les personnes qui déménagent dans une autre province ou un autre territoire au cours d'un exercice financier (migration interprovinciale/interterritoriale) et bénéficient de la protection d'une assurance-maladie valide sont comptées deux fois dans le calcul du dénominateur du SCSMC, pour une période de temps limitée.

L'écart entre le dénominateur ajusté du SCSMC et l'estimation de Statistique Canada (431 296 personnes) peut être attribuable aux divergences dans les numéros valides et admissibles saisis dans les registres d'assurance-maladie, divergences susceptibles de découler de la fraudeNote de bas de page 30. De plus, les registres d'assurance-maladie peuvent comporter de l'information inexacte sur des décès, en raison des ressources et du temps requis pour traiter ce type d'informationNote de bas de page 31. Statistique Canada a eu de la difficulté à recenser les Canadiens ayant émigré pour des motifs professionnels et qui sont sans domicile, mais on estime qu'ils sont peu nombreuxNote de bas de page 32-35. Les responsables des registres d'assurance-maladie comme ceux de Statistique Canada continuent à documenter ces données, à traiter de ces enjeux et à trouver des explications et des stratégies de compensation à ces phénomènes. On a également observé de légères différences d'âge (dans les groupes d'âge représentant les plus jeunes) qui pourraient s'expliquer par le fait que l'âge enregistré à des dates de référence précises pourrait différer dans les deux sources de données. La sous-estimation décelée par le gouvernement de l'AlbertaNote de bas de page 11 pourrait être attribuable aux différentes méthodes utilisées par le Régime d'assurance-maladie de l'Alberta (AHCIP) (comparaison des données du recensement de 2006) et la Division de la démographie de Statistique Canada (qui procède à l'ajustement du dénominateur du SCSMC propre à une province).

Conclusion

Nos résultats montrent l'importance de prendre une décision éclairée lors de la sélection des estimations de la population dans le cadre d'une recherche, car les estimations choisies ont une influence sur le calcul des taux. Nous avons constaté que même après l'ajustement du dénominateur du SCSMC pour tenir compte des décès et de la migration interprovinciale, celui-ci était supérieur à l'estimation de Statistique Canada.

Grâce à ces résultats, les chercheurs peuvent comparer les principales raisons expliquant les écarts entre le dénominateur du SCSMC et l'estimation de la population de Statistique Canada et ainsi choisir, dans le cadre de leurs projets, le dénominateur le plus approprié pour mesurer la fréquence de la maladie.

Nous sommes d'avis que le dénominateur du SCSMC est le plus représentatif dans le cas d'une population à risque cernée au moyen des données administratives sur la santé. Le dénominateur du SCSMC sert alors à mesurer la fréquence d'une maladie dans la mesure où il tient compte des personnes bénéficiant d'une protection d'assurance-maladie valide au cours de la période donnée. L'utilisation des estimations de population de Statistique Canada en guise de dénominateur conduit à une sous-estimation de la taille de la population car le recensement est réalisé à un moment précis et les personnes absentes du Canada à ce moment alors qu'elles sont prises en compte dans le numérateur (prévalence). Même si l'ampleur des écarts dans les taux de diabète s'est révélée faible entre les deux sources, ces résultats pourraient avoir une petite incidence sur l'interprétation et les conclusions tirées d'études antérieures, dans le cadre desquelles la prévalence, l'incidence et la mortalité ont été évaluées au moyen des estimations de population de Statistique Canada pour le calcul du dénominateur de population.

Remerciements

Nous tenons à remercier les membres du Comité scientifique et technique du SCSMC. Cette étude a pu être réalisée grâce à la collaboration de l'ASPC, des gouvernements provinciaux (la Colombie-Britannique, l'Alberta, la Saskatchewan, le Manitoba, l'Ontario, le Québec, le Nouveau-Brunswick, l'Île-du-Prince-Édouard, la Nouvelle-Écosse et Terre-Neuve-et-Labrador) et des gouvernements des territoires (le Yukon, les Territoires du Nord-Ouest et le Nunavut). Les interprétations, les résultats et les conclusions présentés dans cette étude n'engagent que les auteurs et ils ne sont nullement cautionnés par l'un des gouvernements susmentionnés. Ils ne devraient donc pas être perçus comme tels.

Références

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