ARCHIVÉ - Maladies chroniques et blessures au Canada

 

Volume 31, no. 4, septembre 2011

Comportements associés au temps passé devant un écran : les enfants canadiens passent-ils leur temps vautrés sur un divan?

S. T. Leatherdale, Ph. D. (1); R. Ahmed, Ph. D. (1,2)

https://doi.org/10.24095/hpcdp.31.4.01f

Cet article a fait l’objet d’une évaluation par les pairs.

Rattachement des auteurs :

  1. Département d’études sur la santé et de gérontologie, Université de Waterloo, Waterloo (Ontario), Canada
  2. Département de statistique et d’actuariat, Université de Waterloo, Waterloo (Ontario), Canada

Correspondance : Scott T. Leatherdale, Département d’études sur la santé et de gérontologie, Université de Waterloo, 200 avenue University West, Waterloo (Ontario) N2L 3G1; tél. : 519-888-4567 poste 37812; téléc. : 519-886-6424; courriel : sleather@uwaterloo.ca

Résumé

Objectif : Déterminer le pourcentage de jeunes Canadiens qui respectent les recommandations en matière de temps passé devant un écran et caractériser les différents comportements associés au temps passé devant un écran.

Méthodologie : Au moyen des données représentatives à l’échelle nationale recueillies dans le cadre de l’Enquête sur le tabagisme chez les jeunes (ETJ) de 2008-2009, nous avons analysé trois comportements associés au temps passé devant un écran en lien avec le tabagisme, l’allocation hebdomadaire, l’estime de soi, la région, le niveau scolaire et le sexe. Nous avons créé quatre modèles de régression logistique pour examiner les facteurs associés au fait de consacrer plus de 2 heures par jour à une activité sédentaire devant un écran.

Résultats : Sur les 51 922 jeunes Canadiens de la 6e à la 12e année, 50,9 % passaient plus de 2 heures par jour devant un écran. Le temps moyen passé chaque jour devant un écran était de 7,8 (± 2,3) heures. Les garçons et les fumeurs étaient plus nombreux à déclarer passer plus de 2 heures par jour à regarder la télévision et des vidéos ou à jouer à des jeux vidéo, tandis que les élèves de niveau scolaire plus élevé et ceux qui recevaient une allocation hebdomadaire étaient plus nombreux à déclarer jouer à des jeux sur un ordinateur ou naviguer sur Internet. Les jeunes qui avaient une plus grande estime de soi étaient moins nombreux à déclarer consacrer plus de 2 heures par jour aux trois comportements associés au temps passé devant un écran faisant l’objet de l’étude.

Conclusion : Mieux comprendre les facteurs associés à un plus grand nombre d’heures passées devant un écran va permettre de cibler les interventions contribuant à diminuer le temps passé devant un écran.

Mots-clés : comportement sédentaire, jeunes/enfants, temps passé devant un écran, Enquête sur le tabagisme chez les jeunes, tabac, surveillance, estime de soi

Introduction

Les comportements sédentaires associés au temps passé devant un écran ont vraisemblablement des répercussions négatives sur de nombreux aspects de la santé et du développement des jeunes(1-2). Par exemple, la tendance à une augmentation de l’obésité chez les jeunes en Amérique du Nord coïncide avec la prévalence plus élevée de jeunes déclarant passer plus de 3 heures par jour devant un écran(3). L’American Academy of Pediatrics(4) a élaboré des lignes directrices recommandant de limiter à un maximum de 1 à 2 heures par jour de programmation de qualité le temps que les enfants consacrent à des activités de divertissement devant un écran. Compte tenu du fait que peu de jeunes Canadiens respectent actuellement ces recommandations(5-6), les interventions visant à réduire le temps passé devant un écran chez les jeunes devraient être une priorité en matière de santé publique.

Les caractéristiques associées au fait de regarder la télévision(3,6-8) ont fait l’objet de nombreuses études. Plus récemment, d’autres types de comportements sédentaires associés au temps passé devant un écran ont également retenu l’attention, par exemple le fait de jouer à des jeux vidéo et d’utiliser l’ordinateur(5,6,8). Ces comportements associés au temps passé devant un écran semblent être plus fréquents chez les jeunes de sexe masculin(5,6,9-11), plus âgés(5,9,11), issus d’une famille à faible revenu(9) ou ayant des comportements à risque tels que le tabagisme(12). Comme les jeunes sont également dans une période de développement où leur estime de soi peut influencer le fait qu’ils adoptent des comportements qui favorisent ou entravent leur santé(13), il importe de déterminer si le temps passé devant un écran a un lien avec l’estime de soi. Étant donné que le fait de passer trop de temps devant un écran est associé à un risque accru d’obésité(1,3)et à l’adoption d’autres comportements à risque(5), une meilleure compréhension des différents comportements associés au temps passé devant un écran fournirait des renseignements utiles pour cibler ou adapter les interventions et faire en sorte que les jeunes passent peu ou pas de temps devant un écran.

Notre étude avait pour objectif de déterminer le pourcentage de jeunes Canadiens qui ne respectent pas les recommandations en matière de temps passé devant un écran et de définir les caractéristiques liées aux différents comportements associés au temps passé devant un écran.

Méthodologie

Pour réaliser cette étude, nous avons utilisé des données représentatives à l’échelle nationale recueillies auprès de 51 922 élèves de la 6e à la 12e année dans le cadre de l’Enquête sur le tabagisme chez les jeunes (ETJ) de 2008-2009(14). En résumé, la population cible de cette étude se composait de jeunes résidents du Canada de la 6e à la 12e année qui fréquentaient une école secondaire publique ou privée située dans l’une des 10 provinces canadiennes. L’ETJ a été réalisée pendant les heures de classe, et les participants n’ont reçu aucune compensation. Pour réduire le travail lié à l’administration du questionnaire pour les écoles et augmenter le taux de participation des élèves à l’ETJ, une démarche de diffusion active de l’information et de consentement passif a été adoptée.

Dans le questionnaire de l’ETJ, les élèves devaient indiquer le nombre moyen d’heures consacrées chaque jour aux activités suivantes : a) regarder la télévision ou des vidéos[1], b) jouer à des jeux vidéo et c) jouer à des jeux sur un ordinateur ou naviguer sur Internet. Pour chaque comportement, les choix de réponse proposés étaient « aucune », « moins d’une heure par jour », « de 1 à 2 heures par jour », « plus de 2 heures, mais moins de 5 heures par jour » et « 5 heures ou plus par jour ». Pour pouvoir se situer par rapport aux études existantes(8,15)et aux lignes directrices en vigueur(4), nous avons regroupé les réponses en deux catégories (2 heures par jour ou moins, plus de 2 heures par jour) pour chaque comportement et pour le temps total passé devant un écran. Nous avons réalisé une estimation prudente du temps moyen passé devant un écran, en utilisant la plus petite valeur pour chaque catégorie de réponse fournie. L’ETJ recueillait également des données sur les caractéristiques démographiques, les comportements liés au tabagisme, l’allocation hebdomadaire et l’estime de soi. Des détails précis sur la mesure de ces éléments sont disponibles ailleurs[2].

Nous avons étudié les analyses descriptives de nos trois types de comportement sédentaire ainsi que leurs liens avec les comportements liés au tabagisme, l’allocation hebdomadaire, l’estime de soi, la région, le niveau scolaire et le sexe. Nous avons réalisé quatre modèles de régression logistique pour examiner les facteurs associés au fait de regarder la télévision ou des vidéos, de jouer à des jeux vidéo, ou de jouer à des jeux sur un ordinateur ou de naviguer sur Internet pendant plus de 2 heures par jour, pour chaque activité ainsi que pour un temps total de plus de 2 heures par jour devant un écran. Pour le calcul des statistiques descriptives, nous avons appliqué des facteurs de pondération afin d’ajuster les taux différentiels de réponse de l’ensemble des régions et des groupes. Nous avons utilisé le système d’analyse statistique SAS version 8.02 pour toutes les analyses(16).


[1] On entend par « vidéos » des séries télévisées ou des films visionnés à la maison, sur bande vidéo, DVD ou Blu-ray. Dans le cadre de nos travaux préliminaires visant à valider la compréhension de ces paramètres par les jeunes, ceux de notre échantillon ont interprété le terme « vidéo » comme étant tout type de série télévisée ou de film regardé à la maison.

[2] www.yss.uwaterloo.ca

Résultats

Caractéristiques des répondants

L’échantillon étudié était formé à 48,7 % de répondants et à 51,3 % de répondantes, soit 1 388 139 garçons et 1 460 341 filles. Parmi les élèves de la 6e à la 12e année, 30,2 % (n = 836 518) ont déclaré regarder plus de 2 heures par jour la télévision ou des vidéos (moyenne de 3,0 ± 0,9 h/j); 13,7 % (n = 372 132) ont déclaré jouer à des jeux vidéo pendant plus de 2 heures par jour (moyenne de 2,1 ± 1,1 h/j) et 29,9 % (n = 814 116) ont déclaré jouer à des jeux sur un ordinateur ou naviguer sur Internet pendant plus de 2 heures par jour (en moyenne 2,9 ± 1,1 h/j). Globalement, 50,9 % (n = 1 439 311) des jeunes Canadiens ont déclaré passer plus de 2 heures devant un écran (tableau 1).

Tableau 1. Statistiques descriptives sur les jeunes, selon le sexe, tirées de l'Enquête sur le tabagisme chez les jeunes de 2008-2009, Canada
  Jeunes
Garçons
(n = 1 388 139)
%a
Filles
(n = 1 460 341)
%a
Total
(n = 2 848 480)
%a
Abréviations : h, heure; IC, intervalle de confiance; j, jour; n, taille de l'échantillon aEstimation pondérée de la population. bNouveau-Brunswick, Nouvelle-Écosse, Île-du-Prince-Édouard, Terre-Neuve-et-Labrador. cAlberta, Saskatchewan, Manitoba. dOn entend par « vidéos » des séries télévisées ou des films visionnés à la maison sur bande vidéo, DVD ou Blu-ray.
Niveau scolaire
6e année 13,1 13,6 13,3
7e année 13,8 14,2 14,0
8e année 14,3 14,5 14,4
9e année 14,9 14,8 14,8
10e année 15,5 14,8 15,2
11e année 14,9 14,7 14,8
12e année 13,5 13,4 13,5
Catégorie de tabagisme
N’a jamais fumé 90,1 92,5 91,3
Fumeur 8,9 6,4 7,7
Ancien fumeur 1,0 1,1 1,0
Allocation hebdomadaire ($)
0 21,9 19,0 20,5
1-20 38,4 41,4 39,8
21-100 24,1 27,1 25,6
> 100 15,6 12,5 14,1
Estime de soi (résultats dérivés de 0 à 12)
0-4 1,8 3,3 2,6
5-8 23,3 38,4 30,6
9 16,2 17,2 16,7
10 20,6 16,4 18,6
11 22,5 15,3 19,0
12 15,6 9,4 12,5
Région
Provinces de l'Atlantiqueb 6,7 7,2 6,9
Québec 19,3 19,4 19,4
Ontario 41,4 40,5 40,9
Prairiesc 18,8 19,0 18,9
Colombie-Britannique 13,8 13,9 13,9
Comportement associé au temps passé devant l’écran (moyenne des h/j)
Regarder la télévision ou des vidéosd ≤ 2 68,8 70,8 69,8
> 2 31,2 29,2 30,2
Jouer à des jeux vidéo ≤ 2 76,6 96,6 86,3
> 2 23,4 3,4 13,7
Jouer à des jeux sur un ordinateur ou naviguer sur Internet ≤ 2 71,7 68,3 70,1
> 2 28,3 31,4 29,9
Temps total passé devant un écran (ensemble des comportements) ≤ 2 46,4 52,0 49,1
> 2 53,6 48,0 50,9

Les garçons étaient plus nombreux à déclarer qu’ils passaient plus de 2 heures par jour à regarder la télévision ou des vidéos (c2 = 23,3; dl = 1; p < 0,001) et à jouer à des jeux vidéo (c2 = 4164,0; dl = 1; p < 0,001), tandis que les filles étaient plus nombreuses à déclarer qu’elles passaient plus de 2 heures par jour à jouer à des jeux sur un ordinateur ou à naviguer sur Internet (c2 = 66,2; dl = 1; p <0,001). Les garçons étaient également plus nombreux que les filles à passer plus de 2 heures par jour devant un écran (c2 = 158,6; dl = 1; p < 0,001). Globalement, ces élèves ont consacré en moyenne 7,8 (± 2,3) heures par jour à ces trois activités sédentaires (garçons 8,3 ± 2,5 h/j; filles 7,3 (± 2,1 h/j).

La prévalence des comportements sédentaires variait notablement selon la région (figure 1). Par exemple, la proportion d’élèves ayant déclaré passer plus de 2 heures par jour à regarder la télévision ou des vidéos ou encore à jouer à des jeux sur un ordinateur ou à naviguer sur Internet était plus faible dans les Prairies et en Colombie-Britannique que dans le reste du Canada. À l’inverse, la proportion d’élèves ayant déclaré avoir passé au total plus de 2 heures par jour devant un écran était plus élevée au Québec et en Ontario.

Figure 1 Prévalence des comportements sédentaires par région au Canada en 2008-2009

Figure 1 - Prévalence des comportements sédentaires par région au Canada en 2008-2009
Équivalent texte de la figure 1

La prévalence des comportements sédentaires variait notablement selon la région. Par exemple, la proportion d’élèves ayant déclaré passer plus de 2 heures par jour à regarder la télévision ou des vidéos ou encore à jouer à des jeux sur un ordinateur ou à naviguer sur Internet était plus faible dans les Prairies et en Colombie-Britannique que dans le reste du Canada. À l’inverse, la proportion d’élèves ayant déclaré avoir passé au total plus de 2 heures par jour devant un écran était plus élevée au Québec et en Ontario.

Regarder la télévision ou des vidéos. Comparativement aux enfants n’ayant jamais fumé, les fumeurs et les anciens fumeurs étaient plus nombreux à déclarer regarder la télévision ou des vidéos (films sur bande vidéo, DVD ou Blu-ray) pendant plus de 2 heures par jour (tableau 2). En revanche, comparativement aux élèves de 6e année, les élèves de 9e, 10e, 11e et 12e années étaient moins nombreux à déclarer regarder la télévision ou des vidéos pendant plus de 2 heures par jour. La probabilité de regarder plus de 2 heures de télévision ou de vidéos par jour était moins élevée chez les élèves recevant une allocation hebdomadaire que chez ceux qui n’en recevaient aucune. Les élèves qui avaient une faible estime de soi étaient plus nombreux à déclarer passer plus de 2 heures par jour à regarder la télévision ou des vidéos que ceux avec une meilleure estime de soi (figure 2).

Tableau 2. Analyses de régression logistique examinant les comportements associés au temps passé devant un écran chez les jeunes (de la 6e à la 12e année) par caractéristique, dans le cadre de l'Enquête sur le tabagisme chez les jeunes de 2008-2009, Canada
Caractéristique Comportements associés au temps passé devant l'écran,
RCa corrigé (IC à 95 %)
(n = 51 922)
Regarder la
télévision ou des
vidéosb
> 2 h/j vs ≤ 2 h/jc
Jouer à des jeux
vidéo
> 2 h/j vs ≤ 2 h/jd
Jouer à des jeux
sur un
ordinateur/naviguer
sur Internet
> 2 h/j vs ≤ 2 h/je
Temps total passé
devant un écran
> 2 h/j vs ≤ 2 h/jf
Abréviations : h, heure; IC, intervalle de confiance; j, jour; n, taille de l'échantillon; RC, rapport de cotes. aRapports de cotes après prise en compte de la région et corrigés pour tenir compte de toutes les autres variables dans le tableau. bOn entend par « vidéos » des séries télévisées ou des films visionnés à la maison, sur bande vidéo, DVD ou Blu-ray. cLa valeur 1 correspond à plus de 2 heures par jour passées à regarder la télévision ou des vidéos (n = 12 671), la valeur 0 correspond à 2 heures ou moins par jour passées à regarder la télévision ou des vidéos (n = 30 838). dLa valeur 1 correspond à plus de 2 heures par jour passées à jouer à des jeux vidéo (n = 5818), la valeur 0 correspond à 2 heures ou moins par jour passées à jouer à des jeux vidéo (n = 36 724). eLa valeur 1 correspond à plus de 2 heures par jour passées à jouer à des jeux sur un ordinateur ou à naviguer sur Internet (n = 12 375), la valeur 0 correspond à 2 heures ou moins par jour passées à jouer à des jeux sur un ordinateur ou à naviguer sur Internet (n = 30 298). fLa valeur 1 correspond à plus de 2 heures par jour passées devant un écran au total (n = 22 123), la valeur 0 correspond à 2 heures ou moins par jour passées devant un écran au total (n = 22 415) *p < 0,05   **p < 0,01   ***p < 0,001
Sexe
Féminin 1,00 1,00 1,00 1,00
Masculin 1,16 (1,12–1,22)*** 10,18 (9,41–11,01)*** 1,00 (0,97–1,04) 1,46 (1,41–1,52)
Niveau scolaire
6e année 1,00 1,00 1,00 1,00
7e année 1,01 (0,94–1,09) 1,14 (1,02–1,28)* 1,38 (1,26–1,51)*** 1,16 (1,08–1,25)***
8e année 0,99 (0,91–1,07) 1,47 (1,32–1,63)*** 1,88 (1,73–2,05)*** 1,46 (1,36–1,57)***
9e année 0,83 (0,77–0,90)*** 1,20 (1,07–1,34)** 1,94 (1,78–2,11)*** 1,32 (1,22–1,42)***
10e année 0,82 (0,76–0,89)*** 0,99 (0,89–1,11) 1,86 (1,71–2,03)*** 1,18 (1,09–1,27)***
11e année 0,65 (0,59–0,70)*** 0,88 (0,78–0,99)* 1,77 (1,62–1,94)*** 1,10 (1,02–1,19)*
12e année 0,71 (0,65–0,77)*** 0,59 (0,52–0,68)*** 1,80 (1,64–1,98)*** 1,09 (1,01–1,18)*
Catégorie de tabagisme
N'a jamais fumé 1,00 1,00 1,00 1,00
Fumeur 1,15 (1,06–1,24)*** 1,23 (1,10–1,37)*** 1,00 (0,92–1,09) 0,99 (0,92–1,07)
Ancien fumeur 1,27 (1,01–1,58)* 1,26 (0,92–1,72) 0,61 (0,47–0,78)*** 0,89 (0,72–1,09)
Allocation hebdomadaire ($)
0 1,00 1,00 1,00 1,00
1-20 0,88 (0,84–0,93)*** 0,86 (0,80–0,93)*** 1,06 (1,00–1,12)* 0,95 (0,90–0,99)*
21-100 0,89 (0,84–0,93)*** 0,81 (0,74–0,88)*** 1,14 (1,07–1,22)*** 0,97 (0,91–1,02)
> 100 0,81 (0,75–0,88)*** 0,98 (0,88–1,09) 0,99 (0,91–1,07) 0,80 (0,74–0,86)***
Estime de soi
chaque augmentation de 1 unité
0,91 (0,90–0,92)*** 0,88 (0,87–0,90)*** 0,85 (0,84–0,86)*** 0,85 (0,84–0,86)***

Figure 2
Rapports de cotes basés sur des modèles pour le fait de passer plus de 2 heures par jour devant un écran (regarder la télévision, jouer à des jeux vidéo ou jouer à des jeux sur un ordinateur/naviguer sur Internet) en fonction de l’estime de soi, élèves de la 6e à la 12e année, Canada, 2008-2009

Figure 2 - Rapport de cotes - Indice d'estime de soi
Équivalent texte de la figure 2

Les élèves qui avaient une faible estime de soi étaient plus nombreux à déclarer passer plus de 2 heures par jour à regarder la télévision ou des vidéos que ceux avec une meilleure estime de soi.

Jouer à des jeux vidéo. Comparativement aux élèves de 6e année, les élèves de 7e, 8e et 9e années étaient plus nombreux à déclarer jouer à des jeux vidéo pendant plus de 2 heures par jour, et les élèves de 11e et 12e années moins nombreux. La probabilité selon laquelle les élèves déclarent jouer à des jeux vidéo pendant plus de 2 heures par jour était plus faible chez les élèves recevant une allocation hebdomadaire de 100 $ ou moins que chez ceux qui n’en recevaient aucune. Les fumeurs étaient plus nombreux à déclarer jouer à des jeux vidéo pendant plus de 2 heures par jour que les élèves n’ayant jamais fumé. Les élèves ayant une faible estime de soi étaient plus nombreux à déclarer jouer à des jeux vidéo pendant plus de 2 heures par jour que ceux ayant une meilleure estime de soi (figure 2).

Jouer à des jeux sur un ordinateur ou naviguer sur Internet. Comparativement aux élèves de 6e année, les élèves des niveaux plus élevés étaient plus nombreux à déclarer jouer à des jeux sur un ordinateur ou naviguer sur Internet pendant plus de 2 heures par jour. La probabilité selon laquelle les élèves déclarent jouer à des jeux sur un ordinateur ou naviguer sur Internet pendant plus de 2 heures par jour était plus élevée chez les élèves recevant une allocation hebdomadaire de 100 $ ou moins que chez ceux qui n’en recevaient aucune. Les anciens fumeurs étaient moins nombreux à déclarer jouer à des jeux sur un ordinateur ou naviguer sur Internet pendant plus de 2 heures par jour que les élèves n’ayant jamais fumé. Les élèves ayant une faible estime de soi étaient plus nombreux à déclarer jouer à des jeux sur un ordinateur ou naviguer sur Internet pendant plus de 2 heures par jour que ceux ayant une meilleure estime de soi (figure 2).

Temps total passé devant un écran. Comparativement aux élèves de 6e année, les élèves des niveaux plus élevés étaient plus nombreux à déclarer passer plus de 2 heures par jour devant un écran. La probabilité selon laquelle les élèves déclarent passer plus de 2 heures par jour devant un écran était moins élevée chez les élèves recevant une allocation hebdomadaire supérieure à 100 $ que chez ceux qui n’en recevaient aucune. La catégorie de tabagisme n’était pas fortement corrélée au temps total passé devant un écran. Les élèves ayant une faible estime de soi étaient plus nombreux à déclarer passer plus de 2 heures par jour au total devant un écran que ceux ayant une meilleure estime de soi (figure 2).

Discussion

Le fait de mieux connaître les comportements associés au temps passé devant un écran et les facteurs connexes peut fournir des données utiles à l’élaboration de programmes de prévention chez les jeunes. Cette étude a révélé que les élèves de la 6e à la 12e année de notre échantillon national représentatif passaient beaucoup de temps devant un écran; ces données vont également dans le sens de la recommandation selon laquelle les efforts d’intervention visant à réduire le temps passé devant un écran doivent être mis en œuvre avant l’adolescence(17). Étant donné que les caractéristiques démographiques de notre échantillon correspondent à celles d’autres populations de jeunes en Amérique du Nord(18,19), nos résultats sont assez représentatifs.

Notre étude révèle que la majorité des jeunes Canadiens de la 6e à la 12e année, soit plus de 1,4 million d’élèves, ne respectaient pas les lignes directrices recommandant de passer moins de 2 heures par jour devant un écran(4). Même dans le cadre d’une estimation prudente du temps moyen passé devant un écran, les jeunes de notre échantillon dépassaient les lignes directrices en vigueur de plus de 5 heures par jour; le nombre moyen d’heures par jour consacrées à chacun des trois types de comportement devant un écran dépassait également les recommandations relatives au temps total maximum à passer devant un écran. Un nombre considérable de jeunes ne respectaient pas les recommandations en ce qui concerne le temps consacré chaque jour à l’un des types de comportement associé à du temps passé devant un écran, ce qui concorde avec des données canadiennes de 2001-2002(6). Le nombre d’heures passées devant un écran pourrait donc sans doute être réduit de façon importante, c’est‑à‑dire d’au moins 90 minutes par jour, conformément aux recommandations du Guide d’activité physique canadien pour les enfants et du Guide d’activité physique canadien pour les jeunes(20). Cependant, si l’on tient compte du fait que le temps passé devant un écran est un comportement distinct du manque d’activité physique(15,21,22) et que bon nombre de jeunes passant beaucoup de temps devant un écran sont également très actifs physiquement(21), les interventions visant à réduire le temps passé devant un écran par le biais de la promotion de l’activité physique pourraient se révéler inappropriées.

Comme l’ont montré des recherches antérieures(5,6,9-11), les garçons étaient plus nombreux à déclarer passer davantage de temps devant un écran. Cependant, dans le cadre de notre étude, ce n’était pas systématiquement le cas. Bien que les garçons aient été plus nombreux à regarder la télévision ou des vidéos et à jouer à des jeux vidéo pendant plus de 2 heures par jour dans les modèles de prévision, le sexe des répondants n’était pas fortement corrélé au temps consacré à des jeux sur un ordinateur ou à la navigation sur Internet. En outre, même si des recherches antérieures ont laissé entendre que les élèves plus âgés sont plus nombreux à déclarer passer davantage de temps devant un écran que les élèves plus jeunes(9), nous avons constaté que, comparativement aux élèves de 6e année, les élèves des niveaux plus élevés étaient plus nombreux à déclarer jouer à des jeux sur un ordinateur ou naviguer sur Internet pendant plus de 2 heures par jour, mais moins nombreux à déclarer regarder la télévision ou jouer à des jeux vidéo pendant plus de 2 heures par jour. Il ressort de ces résultats que des recherches plus approfondies sont nécessaires pour évaluer les répercussions d’interventions visant, en fonction du sexe ou du niveau scolaire, à réduire le temps que les jeunes passent devant un écran.

Pour autant que nous le sachions, cette étude est la première à établir un lien significatif entre l’estime de soi et les comportements associés au temps passé devant un écran, ce qui remet en question les observations découlant d’autres recherches selon lesquelles l’estime de soi n’est pas corrélée à un comportement sédentaire(11). Étant donné que les jeunes qui s’adonnent à un sport ou qui font partie d’un club après l’école ont une meilleure estime de soi que ceux qui ne font pas d’activités de ce genre(13), et que les comportements associés au temps passé devant un écran atteignent leur paroxysme après l’école(23), les interventions devraient être conçues pour faire participer les élèves à des activités parascolaires qui pourraient réduire leur temps devant un écran après l’école et améliorer leur estime de soi. Si elles sont efficaces, de telles interventions pourraient être très utiles, car une faible estime de soi et le fait de passer du temps devant un écran ont été associés à de nombreuses répercussions négatives pour la santé des jeunes, comme le tabagisme et la toxicomanie(12,13).

Il ressort d’études antérieures que les jeunes dont les parents ont un faible revenu sont plus nombreux à déclarer passer plus de 2 heures par jour devant un écran que les jeunes dont les parents ont un revenu plus élevé(9). Nous avons constaté qu’il existe un lien entre le revenu disponible des élèves et le temps consacré à l’ensemble des trois comportements associés au temps passé devant un écran, mais que l’orientation de ce lien n’est pas la même pour les trois comportements. Cela semble indiquer qu’une approche adaptée visant à réduire le temps passé par les jeunes devant un écran devrait prendre en compte leur revenu disponible. Comme l’ont montré des recherches antérieures(12), nous avons également constaté que les fumeurs avaient tendance à passer plus de temps à regarder la télévision et des vidéos ainsi qu’à jouer à des jeux vidéo. Il serait utile d’évaluer les répercussions d’une diminution de la sédentarité sur le comportement associé au tabagisme chez cette sous-population à risque de jeunes.

Limites

Notre étude comporte plusieurs limites. Comme les outils de mesure de l’ETJ ne comportaient pas de données sur l’activité physique ou l’obésité, nous n’avons pas été en mesure d’examiner le lien entre le temps passé devant un écran et ces éléments connexes. Les outils de mesure du comportement sédentaire employés dans l’ETJ de 2008-2009 ne nous ont pas permis de calculer le temps total d’activité sédentaire ni de déterminer le temps consacré à différents comportements sédentaires durant la semaine par rapport aux fins de semaine. Même si des données concernant le temps consacré à la lecture pour le plaisir avaient été recueillies dans le cadre de l’ETJ de 2008-2009, nous ne les avons pas prises en compte dans notre recherche parce que les intervenants en éducation considèrent que le fait de lire pour le plaisir est une activité constructive en raison des répercussions positives qu’elle entraîne sur le rendement scolaire plutôt qu’une activité n’apportant aucun bienfait sur le plan de la santé pour les jeunes. De plus, il n’est pas possible d’établir de relation de causalité au moyen de ces données transversales. En outre, comme l’enquête s’appuyait sur des données autodéclarées, la validité des réponses peut être remise en question; cependant, pour encourager les jeunes à répondre honnêtement, ces derniers avaient été assurés que leurs réponses demeureraient confidentielles tout au long du processus de collecte des données.

Conclusion

Étant donné la proportion élevée de jeunes Canadiens qui ne respectent pas les lignes directrices liées au temps passé devant un écran, nous devons mieux comprendre les raisons expliquant ces comportements sédentaires et les éléments connexes. Cela pourrait être particulièrement utile si la croissance de l’obésité chez les jeunes est effectivement influencée par la baisse globale des dépenses énergétiques en raison de l’augmentation des comportements sédentaires. Compte tenu du fait que la plupart des données de surveillance représentatives à l’échelle nationale ne permettent pas de faire des distinctions entre les différents comportements sédentaires(24), les résultats de cette recherche fournissent une meilleure compréhension de la prévalence de différents comportements associés au temps passé devant un écran chez les jeunes Canadiens ainsi que des idées pour adapter les interventions futures en vue de réduire le temps que ces jeunes passent devant un écran.

Remerciements

Scott Leatherdale est titulaire d’une Chaire de recherche sur l’étude de la population à Action Cancer Ontario. L’enquête sur le tabagisme chez les jeunes de 2008‑2009 est le fruit d’un projet pancanadien de renforcement des capacités qui fait appel à des chercheurs canadiens de l’ensemble des provinces et qui offre des possibilités de formation aux étudiants universitaires de tous les niveaux. Cet article a été réalisé grâce à la participation financière de Santé Canada. Les opinions exprimées ne sont cependant pas nécessairement celles de Santé Canada.

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