ARCHIVÉ - Maladies chroniques au Canada

 

Volume 30, no 3, juin 2010

Tendances dans le traitement du diabète chez les Canadiens, 1994-2004

C. I. Neutel, Ph. D. (1);N. R. Campbell, M.D. (2); H.I. Morrison, Ph. D. (1,3)

https://doi.org/10.24095/hpcdp.30.3.05f

Rattachement

  1. Département d’épidémiologie et de médecine communautaire, Faculté de médecine, Université d’Ottawa

  2. Départements de médecine, des sciences de la santé communautaire et de physiologie et pharmacologie, Faculté de médecine, Université de Calgary

  3. Centre de prévention et de contrôle des maladies chroniques, Agence de la santé publique du Canada

Correspondance : C. Ineke Neutel, Département d’épidémiologie et de médecine communautaire, Faculté de médecine, Université d’Ottawa, Ottawa, Canada; tél. : 613-731-7141; courriel : cneutel@uottawa.ca

Résumé

Objectif : Examiner les tendances dans le traitement du diabète, en utilisant les entrevues bisannuelles réalisées dans le cadre de l’Enquête longitudinale nationale sur la santé de la population (ENSP), 1994-2004, et en lien avec les Lignes directrices de pratiques cliniques (LDPC) publiées par l’Association canadienne du diabète.

Méthodes : Un échantillon de 17 276 Canadiens âgés de 18 ans ou plus a été choisi pour être l’objet d’entrevues répétées sur des intervalles de deux ans pendant la période comprise entre 1994 et 2004 dans le cadre de l’ENSP. La population utilisée pour la présente étude regroupe tous les répondants de 40 à 79 ans pour chaque cycle.

Résultats : Les LDPC publiées en 1998 et en 2004 recommandent l’introduction graduelle de modifications du mode de vie, suivie de l’utilisation d’un antidiabétique oral (AO) seul, puis de l’utilisation d’antidiabétiques oraux multiples et, enfin, de la prise d’insuline jusqu’à stabilisation adéquate. Bien que l’utilisation d’AO ait augmenté, seule une faible proportion de répondants mentionnent le régime alimentaire ou l’activité physique comme élément de leur traitement; les personnes diabétiques ne prenant aucun médicament déclarent moins de modifications du régime alimentaire et moins d’activité physique. La consommation d’antihypertenseurs et de statines par les Canadiens diabétiques a augmenté, étant proche du double de celle des Canadiens dans leur ensemble, mes ces substances demeurent sous-utilisées.

Conclusion : Cette étude constitue une mise à jour sur le traitement du diabète entre 1994 et 2004, en relation avec les LDPC. Bien que certains changements intervenus dans le traitement du diabète soient reliables aux LDPC, il y a place à amélioration, en particulier en ce qui concerne la modification du mode de vie.

Mots clés : prise en charge du diabète, antidiabétiques oraux, lignes directrices de pratique clinique, modifications du mode de vie, obésité, enquête ENSP

Introduction

Les personnes diabétiques sont beaucoup plus exposées à divers troubles de la santé, notamment les maladies cardiaques, les accidents cérébrovasculaires, la cécité et les maladies du rein1. Jusqu’à 80 % des personnes diabétiques décèdent de maladies vasculaires. La prévention primaire des maladies cardiovasculaires à l’aide de médicaments hypolipidémiants, comme les statines et les antihypertenseurs, réduit considérablement les événements cardiovasculaires et le risque de mortalité chez les personnes diabétiques2,3; par ailleurs, on tient pour acquis que la réduction de la glycémie améliore l’état de santé du patient, mais cela n’a pas encore été démontré de manière convaincante4. Il a été possible d’obtenir une réduction de 40 % de la mortalité totale par des mesures qui prenaient en compte plusieurs facteurs de risque et prévoyaient des modifications du mode de vie et le recours aux médicaments, ce qui montre bien l’importance d’une approche globale5a.

Au cours de la dernière décennie, l’Association canadienne du diabète a produit plusieurs séries de lignes directrices de pratique clinique (LDPC) afin d’aider les professionnels de la santé à mettre au point des schémas thérapeutiques efficaces à l’intention de leurs patients. Parmi ces séries, nous en avons retenu deux aux fins de la présente étude6a,7a. Celle-ci vise à examiner les tendances dans le traitement de la glycémie, de la dyslipidémie et de l’hypertension chez les Canadiens diabétiques. Il sera intéressant de voir si les changements intervenus dans ces tendances au fil des années peuvent être mis en relation avec les LDPC.

Méthodologie

La population étudiée provient de l’Enquête longitudinale nationale sur la santé de la population (ENSP), qui a été amorcée en 1994 avec un échantillon aléatoire de la population canadienne. Le cadre d’échantillonnage de cette enquête était issu de l’Enquête sur la population active pour toutes les provinces, à l’exception du Québec, pour lequel un échantillonnage provincial a été utilisé. Le plan d’échantillonnage était du type à stratification à plusieurs degrés. Dans le premier degré, des échantillons de grappes étaient tirés de strates préalablement déterminées, et dans le second degré, des ménages étaient sélectionnés à partir de listes de membres des grappes choisies. Une personne était choisie au hasard dans chaque ménage pour répondre aux questions de l’enquête longitudinale. Un échantillon de 17 276 Canadiens de 18 ans ou plus a été choisi dans le cadre de l’ENSP pour être l’objet d’entrevues répétées à intervalles de deux ans entre 1994 et 2004. L’échantillon retenu pour la présente étude est composé de tous les répondants de 40 à 79 ans pour tous les cycles. Afin que la composition par âge demeure constante pour chaque cycle successif d’entrevues, des répondants plus jeunes ont été ajoutés à l’étude lorsqu’ils atteignaient 40 ans, tandis que les répondants atteignant 80 ans ont été retirés de l’étude.

On disposait de renseignements sur les antécédents, le mode de vie, la santé et les variables du traitement. On demandait aux répondants d’évaluer leur état de santé à l’aide d’une échelle de type Likert à cinq points. Les deux catégories supérieures étaient groupées dans la rubrique « bonne santé » et les trois catégories inférieures dans la rubrique « mauvaise santé ». On demandait également aux répondants d’indiquer s’ils avaient pris des médicaments dans les deux jours précédents. Dans l’affirmative, ils devaient épeler le nom du médicament apparaissant sur l’étiquette du contenant. Le nom du médicament était ensuite codé selon le système de classification anatomique, thérapeutique et clinique (ATC).

Les répondants étaient encouragés à autodéclarer leur diabète par la question : « Faites-vous du diabète? » D’autres questions concernaient l’usage d’insuline et d’autres éléments du traitement. La première des questions sur le régime alimentaire et l’activité physique était : « Prenez-vous des médicaments ou suivez-vous un traitement autre que l’insuline? » Dans l’affirmative, le participant était invité à préciser les médicaments qu’il prenait et à indiquer s’il suivait un régime alimentaire et faisait de l’activité physique dans le cadre de son traitement.

Les valeurs de l’indice de masse corporelle (IMC, mesuré en kg/m2), correspondant aux données de taille et de poids fournies par les répondants, ont été regroupées en trois catégories : poids optimal (IMC inférieur à 25), embonpoint (IMC compris entre 25 et 29,9) et obésité (IMC de 30 et plus).

Résultats

Le nombre des répondants dans la population étudiée est passé de 3 970 en 1994 à 5 400 en 2004 (tableau 1). Cette augmentation nette de 1 430 résulte de l’ajout de participants ayant atteint 40 ans et du retrait de ceux ayant atteint 80 ans dans l’intervalle précédent. Le nombre des personnes diabétiques est passé de 156 à 431.

 

Tableau 1
Population à l’étude, 40 à 79 ans, Canada, 1994–2004
Population   1994 1996 1998 2000 2002 2004
Tous les sujets N = 3 970 4 263 4 579 4 901 5 184 5 400
Avec diabète n = 156 201 236 309 387 431
  % (non pondéré) 3,9 4,7 5,2 6,3 7,5 8,0
  % (ajusté pour l'âge et pondéré) 3,7 4,8 5,0 5,9 6,9 7,5

 

Le tableau 2 présente les caractéristiques de la population étudiée dans son ensemble et celles de la population diabétique. Des différences au niveau de l’âge, de la scolarité, de l’IMC et de l’état de santé autodéclaré sont perceptibles entre les deux populations. Le taux d’obésité (IMC ≥ 30) a augmenté dans la population globale entre 1994 et 2004, et est environ deux fois plus élevé chez les personnes diabétiques. La médication a évolué au fil des années : la consommation d’insuline a diminué légèrement et celle des antidiabétiques oraux (AO) a augmenté d’environ 30 %, la progression la plus importante étant survenue entre 1998 et 2000 (tableau 2). Les rapports de cotes (RC) ajustés en fonction de l’âge et du sexe (tableau 3) donnent des profils semblables. Comme les personnes non diabétiques n’utilisaient ni insuline ni AO, il n’a pas été possible d’obtenir des RC utiles pour ces médicaments. L’utilisation d’antihypertenseurs et de statines a augmenté sensiblement au cours de la période étudiée, et leur consommation a augmenté plus rapidement dans la population diabétique que dans l’ensemble de la population (tableaux 2 et 3).

 

Tableau 2
Comparaison entre les sujets diabétiques et la population globale, de 40 à 79 ans, avec pondération en fonction de la population canadienne, 1994-2004
Pourcentage de la population à l’étude
Categories 1994 1996 1998 2000 2002 2004
   Avec diabète Ensemble  Avec diabète Ensemble  Avec diabète Ensemble  Avec diabète Ensemble  Avec diabète Ensemble  Avec diabète Ensemble
Sexe
Homme 51,8 46,1 51,8 46,7 50,2 46,9 52,1 46,9 50,2 47,4 50,7 47,7
Femme 48,2 53,9 48,2 53,3 49,8 53,1 47,9 53,1 49,8 52,6 49,3 52,3
Âge
40–59 48,2 70,4 43,6 69,2 43,7 68,2 41,5 67,6 43,5 67,3 41,8 66,3
60–79 51,8 29,6 56,4 30,8 56,3 31,8 58,5 32,4 56,5 32,7 58,2 33,7
Études
< Secondaires 54,9 36,5 49,4 34,8 48,8 32,7 44,9 30,7 42,1 29,0 40,2 27,7
≥ Secondaires 45,1 63,5 50,6 65,2 51,2 67,3 55,1 69,3 57,9 71,0 59,8 72,3
Tabagisme
Oui 17,8 21,2 14,5 22,5 15,9 21,8 14,7 21,3 16,4 19,5 17,7 18,8
Non 82,2 78,8 85,5 77,5 84,1 78,2 85,3 78,7 83,6 80,5 82,3 81,2
IMC
< 25 26,2 42,3 18,3 42,5 20,5 42,1 15,4 39,9 18,5 38,2 21,9 38,5
25–29,9 36,2 41,3 48,4 41,1 42,6 39,7 46,3 40,0 41,9 40,6 34,6 40,1
≥ 30 37,6 16,4 33,4 16,5 36,9 18,2 38,3 20,2 39,5 21,2 43,5 21,4
Activité physique
Plus actif 33,7 39,4 33,3 41,3 40,6 46,4 40,4 41,8 43,3 50,1 41,3 47,6
Moins actif 66,3 60,6 66,7 58,7 59,4 53,6 59,6 58,2 56,7 49,9 58,7 52,4
Santé
Meilleure 23,2 60,8 29,2 60,5 38,1 60,9 29,3 58,0 25,5 54,7 23,5 55,1
Moins bonne 76,8 39,2 70,8 39,5 61,9 39,1 70,7 42,0 74,5 45,3 76,5 44,9
Consultations médicales/année
< 5 consultations 38,4 92,0 46,3 74,3 45,1 71,5 45,9 71,5 47,4 70,7 47,8 70,6
≥ 5 61,6 8,0 53,7 25,7 54,9 28,5 54,1 28,5 52,6 29,3 52,2 29,4
Médicaments utilisés au cours des deux derniers jours
Antidiabétiques oraux (AO) 47,7 1,8 44,3 2,0 49,4 2,6 60,0 3,6 60,1 4,3 59,0 4,5
Insuline 13,9 0,5 11,8 0,5 12,0 0,6 9,9 0,6 7,6 0,5 9,8 0,7
Statines 3,4 2,4 8,3 3,8 12,3 5,3 23,2 7,4 31,0 10,6 35,8 11,9
Antihypertenseurs 29,0 12,7 42,9 16,1 49,5 17,8 55,1 19,8 61,0 22,4 58,0 24,4

 

Tableau 3
Rapport de cote ajusté pour l’âge et le sexe, comparant les personnes diabétiques avec la population globale, de 40 à 79 ans, pondération en fonction de la population canadienne, 1994-2004
    1994 1996 1998 2000 2002 2004
Sexe Femme / Homme 0,7 0,7 0,8 0,9 0,8 0,8
Âge Par 10 ans 1,7* 1,7* 1,7* 1,8* 1,8* 1,7*
Études < É.S. / É.S. terminées 0,6 0,7 0,7 0,8 0,8 0,9
Fumeur actuel Oui / Non 0,9 0,7 0,8 0,8 1,0 1,2
IMC 25-29,9 / < 25 1,3 2,7* 2,1* 3,0* 2,1* 1,5
≥ 30 / < 25 4,2* 5,3* 4,6* 5,8* 4,5* 4,3*
Activité physique Non / Oui 1,4 1,5 1,3 1,1 1,3 1,3
Santé Moins bonne / Meilleure 4,8* 3,4* 2,5* 3,0* 3,3* 3,7*
Consultations méd./année ≥ 5 / < 5 4,2* 3,4* 3,0* 2,8* 2,6* 2,5*
Catégories de médicaments utilisés au cours des deux derniers jours
Statines Oui / Non 0,9 1,8 1,8 3,2* 3,3* 3,9*
Antihypertenseurs Oui / Non 2,1* 3,2* 3,9* 4,1* 4,9* 3,6*

 

É.S. = Études secondaires

*  statistiquement significatif à p < 0,05

 

 

La proportion de personnes diabétiques n’ayant utilisé aucun médicament a diminué, tout comme la proportion de celles traitées uniquement à l’insuline (tableau 4). La proportion de personnes diabétiques traitées avec un AO a augmenté au cours de la période, en particulier après le cycle de 1998. Si on examine les catégories d’AO, on constate que les biguanides (metformine) ont été utilisés par environ 20 % des personnes diabétiques pendant les deux premiers cycles (1994 et 1996) et par environ 46 % dans les deux derniers (2002 et 2004), alors que la consommation des sulfonylurées a fluctué autour de 40 % pendant les quatre premiers cycles (1994, 1996, 1998, 2000), mais a diminué dans les deux derniers (2002 et 2004). La proportion de personnes diabétiques prenant plus d’un AO a commencé à augmenter à partir de 1998.

 

Tableau 4
Pourcentage des personnes diabétiques de 40 à 79 ans recevant un traitement, pondéré en fonction de la population canadienne, 1994-2004
  1994 1996 1998 2000 2002 2004
N = 156 N = 201 N = 236 N = 309 N = 387 N = 431
% % % % % %
Traitement du diabète                 
Ni insuline ni AO 40,0 44,3 40,7 32,7 34,8 35,9
Insuline 13,9 11,8 12,0 9,9 7,6 9,8
Un AO quelconque 47,7 44,3 49,4 60,0 60,1 59,0
Insuline et AO 1,1 0,4 2,1 2,6 2,4 4,6
Détails sur les AO utilisés
Biguanides 21,2 17,9 28,6 36,0 45,7 46,7
Sulfonylurées 40,3 39,0 37,2 41,4 35,2 29,7
Inhibiteurs des alpha-glucosidases 2,8 2,0 0,5 0,8
Thiazolidinediones 2,5 7,3 12,9
Un seul AO 33,8 31,6 31,5 39,5 32,9 31,3
Deux AO ou davantage 13,9 12,6 17,9 20,1 26,5 26,7
Modifications du mode de vie                 
Régime alimentaire Tous les diabétiques 19,9 23,9 18,6 21,1 23,6
Diabétiques sans AO ni insuline 14,7 26,0 14,1 17,9 25,0
Exercice Tous les diabétiques 11,9 9,7 9,8 9,1
Diabétiques sans AO ni insuline 9,1 4,4 8,5 6,7
Autres médicaments
Antihypertenseurs 29,0 42,9 49,5 55,1 61,0 58,0
Statines 3,4 8,3 12,3 23,2 31,0 35,8

 

AO : antidiabétiques oraux

 

 

La proportion de personnes diabétiques ayant modifié leur alimentation pour traiter leur maladie est demeurée à environ 20 % pendant la période étudiée, avec un maximum de 24 % en 1998 et un second pic en 2004. Les pics et les creux sont plus prononcés dans le cas des personnes diabétiques n’utilisant aucun antidiabétique. L’activité physique comme élément du traitement a affiché une faible diminution pendant la période et est déclarée plus rarement par les personnes ne prenant aucun antidiabétique.

Analyse

Cette étude constitue une mise à jour sur le traitement du diabète au Canada entre 1994 et 2004, période marquée par de nombreux changements. L’obésité est passée de 16 % à 21 % dans l’ensemble de la population et de 38 % à 44 % dans la population diabétique. L’utilisation des AO, comme celle des statines et des antihypertenseurs, a augmenté dans la population diabétique. La proportion de personnes diabétiques ayant déclaré avoir modifié leur mode de vie pour traiter leur diabète est remarquablement faible.

Deux séries de LDPC ont été produites par l’Association canadienne du diabète au cours de la période étudiée, en 1998 et en 20036b,7b. Les LDPC de 1998 exposaient sous forme schématique une démarche graduelle pour la prise en charge du diabète de type 26c. Le premier axe d’intervention concerne la modification du mode de vie, notamment la modification de l’alimentation, l’adoption d’un programme d’activité physique, l’abandon du tabagisme et de l’éducation sur l’auto-prise en charge du diabète. Si l’objectif de la stabilisation de la glycémie n’est pas atteint après quelques mois, une monothérapie aux biguanides, aux inhibiteurs des alpha-glucosidases ou aux sulfonylurées est instituée, selon les besoins du patient. Si la glycémie n’est toujours pas stabilisée ou si elle devient erratique, on peut instituer une thérapie orale mixte fondée sur les catégories d’AO susmentionnées. La deuxième étape consiste à adjoindre de l’insuline, avec ou sans AO. Les LDPC de 2003 contiennent des recommandations sur la stabilisation de la tension artérielle et de la lipidémie qui sont plus strictes que celles destinées au reste de la population7c.

Seulement 20 % des répondants diabétiques ont déclaré avoir modifié leur alimentation pour traiter leur maladie et environ 10 % ont indiqué s’adonner à une activité physique. Ces chiffres n’ont pas beaucoup changé pendant la période étudiée. Même si la question du sondage faisant allusion au régime alimentaire et à l’activité physique manquait de clarté (tous n’ont pas considéré l’exercice comme un élément du traitement), elle confirme néanmoins les résultats de notre étude précédente : les Canadiens modifient très peu leur mode de vie après un diagnostic d’hypertension8. Bien que l’augmentation (quoique faible) de l’activité physique dans la population étudiée soit encourageante, la prévalence de l’obésité est inquiétante, directement parce que l’obésité est un facteur de risque du diabète et indirectement, parce qu’elle limite l’envie de faire de l’exercice physique. Il convient de mentionner les modifications de courte durée survenues dans l’alimentation et qui coïncident avec la diffusion des LDPC de 1998 et de 20036d,7d. Elles sont le résultat d’un bref sentiment d’enthousiasme né lorsque les nouvelles recommandations des LDPC étaient encore fraîches à l’esprit des médecins et des patients; de nouvelles lignes directrices sur le traitement de l’hypertension ont donné lieu également à de semblables modifications éphémères9. Même les personnes qui traitent leur diabète sans médicament n’ont pas semblé s’intéresser davantage à leur alimentation. Mentionnons cependant chez elles des maximums encore plus prononcés de modification de l’alimentation au moment de la diffusion des LDPC. Bien que nous ne puissions être certains d’une relation causale, ces maximums correspondent à un niveau encore plus élevé de bonnes intentions de durée éphémère chez les personnes diabétiques ne prenant aucun AO.

Lorsque la modification du mode de vie ne permet pas d’obtenir les effets escomptés, l’étape suivante de la démarche graduelle est la pharmacothérapie. Environ le tiers des personnes diabétiques ne prenaient qu’un seul AO, mais on a constaté que l’utilisation d’AO multiples a presque doublé au cours de la période étudiée. Les deux principales classes d’AO sont les sulfonylurées, qui stimulent la production d’insuline, et les biguanides, ou metformine, qui réduisent la production de glucose par le foie10a. L’utilisation des biguanides a augmenté de manière constante, passant d’une moyenne de 20 % au cours des deux premiers cycles à 46 % dans les deux derniers. L’utilisation des sulfonylurées n’a pas augmenté autant. En fait, elle a régressé après 2000. Cela pourrait être dû au fait que les médecins appliquaient les LDPC de 1998 recommandant une pharmacothérapie plus énergique et les lignes directrices de 2003 recommandant de lancer les biguanides avant les sulfonylurées. Les biguanides sont particulièrement efficaces chez les diabétiques présentant embonpoint ou obésité10b. L’utilisation des thiazolidinediones, notamment la rosiglitazone, a augmenté pendant la période étudiée; toutefois, l’utilisation de la rosiglitazone suscite certaines inquiétudes quant à la possibilité d’un risque accru de maladie cardiaque11.

Les LDPC de 2003 reconnaissent également que les personnes diabétiques doivent être traitées de manière plus énergique que la population générale avec des antihypertenseurs et des statines7e. En fait, une augmentation considérable de l’utilisation de ces substances a été observée au cours de la période à l’étude. En 1994, les chiffres pour les personnes diabétiques et les personnes non diabétiques étaient comparables, mais en 2004, les personnes diabétiques étaient trois fois plus enclines à prendre des statines. Toutefois, cette consommation ne concerne toujours que le tiers des personnes diabétiques au cours du dernier cycle, et d’importantes lacunes persistent dans l’utilisation des hypolipidémiants et des antihypertenseurs chez les Canadiens diabétiques12. Bien que les LDPC accordent une large place à la réduction de la glycémie, des observations encore plus convaincantes provenant d’études cliniques démontrent qu’une réduction importante de la mortalité est obtenue par l’utilisation combinée d’agents hypolipidémiants et d’antihypertenseurs5b.

Des changements marqués se sont produits dans les modalités de prise en charge des personnes diabétiques au Canada entre 1994 et 2005. Certains des changements dans les données thérapeutiques présentées peuvent être reliés aux recommandations des lignes directrices de 1998 et de 2003 de l’Association canadienne du diabète. Par exemple, l’utilisation accrue d’AO, en particulier d’AO multiples, illustre une prise en charge plus énergique du diabète. Le recours aux biguanides plutôt qu’aux sulfonylurées pourrait également être une conséquence des LDPC, tout comme l’utilisation accrue des antihypertenseurs et des statines. Bien que l’on ait constaté des changements encourageants, il y a encore largement place à amélioration. Plus précisément, une proportion notable de répondants diabétiques déclarent toujours ne recevoir aucun traitement. Les modifications du mode de vie, par exemple la modification de l’alimentation et l’adoption d’un programme d’activité physique, doivent être instituées et maintenues pendant une longue période, car les modifications éphémères constatées dans le régime alimentaire à la suite de la publication des LDPC sont nettement insuffisantes.

 

Références

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