Répercussions de la croissance de l'étalement urbain à Montréal

RMTC

Volume 42-10, le 6 octobre 2016 : Maladies à transmission vectorielle, changements climatiques et milieux urbains

Compte-rendu

Répercussions sociales et écologiques de la croissance exponentielle de l’étalement urbain à Montréal

Jaeger JAG1*, Nazarnia N1

Affiliation

1 Département de géographie, urbanisme et environnement, Université Concordia, Montréal (Québec)

Correspondance

jochen.jaeger@concordia.ca

Citation proposée

Jaeger JAG, Nazarnia N. Répercussions sociales et écologiques de la croissance exponentielle de l’étalement urbain à Montréal. Relevé des maladies transmissibles au Canada 2016;42:231-2. https://doi.org/10.14745/ccdr.v42i10a07f

Contexte

Les tendances actuelles d'occupation des sols pour crée des zones bâties vont clairement à l'encontre de l'esprit et des principes de la durabilité dans de nombreuses régions du monde. La définition de l'« étalement urbain » n'a pas fini de faire débat, mais la plupart des auteurs s'accordent sur le fait que l'étalement urbain peut être perçu visuellement dans un paysage et que le degré d'étalement est plus élevé lorsque : a) davantage de territoire est construit, b) les bâtiments sont plus dispersés dans le paysage, et c) l'occupation des sols par personne est plus élevéeNote de bas de page 1.

Objectif

Faire la synthèse des répercussions sociales et écologiques de l'étalement urbain, expliquer un nouveau moyen de mesurer l'étalement urbain, résumer le degré d'étalement urbain en Suisse (de 1935 à 2010) et à Montréal (de 1951 à 2011) et comparer le degré d'étalement en Europe (de 2006 à 2009) et dans deux villes canadiennes (Montréal et Québec).

Narratif

L'étalement urbain a beaucoup d'effets écologiques et sociaux, notamment des effets sur la couverture terrestre, le climat local (p. ex. l'effet d'îlot thermique urbain), l'eau, la flore et la faune, ainsi qu'une ségrégation plus marquée en fonction du revenu, un allongement des temps de déplacement et une diminution des interactions socialesNote de bas de page 2. L'étalement urbain influe également sur le micro-climat, sur la disponibilité de l'habitat pour les espèces vectrices et hôtes et sur la capacité des vecteursNote de bas de page 3. Par exemple, la croissance, la survie et le comportement des moustiques et des tiques sont très sensibles aux températures dans l'environnement. Dans les climats tempérés, les effets d'îlot thermique urbain peuvent faire augmenter les taux de développement des vecteurs, mais peuvent aussi contrer leur survie et leur comportement alimentaireNote de bas de page 3. Les conditions urbaines, telles que l'adéquation de l'habitat et les régimes de température locaux, et l'hétérogénéité des paysages urbains peuvent influer sur les cinq composantes de la capacité des vecteurs : densité des vecteurs, taux de survie, taux de morsure, période d'incubation extrinsèque et compétence des vecteurs. L'étude de l'influence des conditions urbaines sur les processus de transmission constitue une orientation importante pour de futures recherchesNote de bas de page 3.

Nous avons employé une nouvelle méthode, la prolifération urbaine pondérée, pour quantifier l'étalement urbain et son augmentation en Suisse (depuis 1935, scénarios pour 2050)Note de bas de page 1, dans toute l'Europe (de 2006 à 2009)Note de bas de page 4 et dans deux villes canadiennes (Montréal et Québec)Note de bas de page 5. À Montréal, l'étalement urbain a augmenté de façon exponentielle depuis 1951. À Montréal comme à Québec, l'étalement urbain est devenu un grave problème depuis la fin des années 1980, avec une augmentation à une vitesse sans précédentNote de bas de page 5Note de bas de page 6.

Sans mesures rigoureuses, l'étalement urbain continuera d'augmenter, mais il existe des cas qui démontrent qu'il est possible de limiter et réduire l'étalement. Par exemple, en Suisse, à l'issue d'une discussion publique intense, la Loi fédérale sur l'aménagement du territoire a été révisée en 2013 pour la rendre plus stricteNote de bas de page 1. Les données quantitatives sur l'étalement urbain sont utiles pour surveiller ce qui se passe, pour comparer différents scénarios d'aménagement du territoire et pour établir des cibles et des limites sur le modèle des autres secteurs environnementaux. Par exemple, Hennig et al.Note de bas de page 4 ont proposé une stratégie de désétalement pour l'Europe, et la méthode de la prolifération urbaine pondérée a récemment été intégrée au système suisse d'observation du paysageNote de bas de page 7. La Banque Alternative Suisse utilise la méthodede la prolifération urbaine pondérée afin d'éviter d'approuver des prêts hypothécaires pour des projets qui contribueraient fortement à l'étalement urbainNote de bas de page 8.

Conclusion

Au cours des 25 dernières années, l'étalement urbain à Montréal a augmenté à une vitesse sans précédent. À Montréal comme à Québec, « on ne parvient plus à maîtriser l'étalement urbain, qui est devenu un problème grave en rapide croissance »Note de bas de page 5. L'accélération exponentielle de l'étalement est en contradiction directe avec un développement urbain contrôlé et durable, et une meilleure intégration de l'urbanisme et de la planification des transports est nécessaire de toute urgence. Afin d'endiguer l'étalement urbain, le ministère québécois des Transports, de la Mobilité durable et de l'Électrification des transports et la Ville de Montréal doivent travailler main dans la main pour mieux coordonner la politique et la planification. La redistribution du contrôle entre les différents échelons de gouvernement est également en jeu : en effet, les autorités municipales comptent sur l'aménagement du territoire pour maintenir et augmenter leur assiette fiscale, et le gouvernement régional (c'est-à-dire la Communauté métropolitaine de Montréal) n'a pas assez de pouvoir pour limiter l'étalementNote de bas de page 9.

On pourrait éviter que cet étalement se poursuive en créant des règlements et des mesures d'incitation adéquats, par exemple en fixant des limitesNote de bas de page 2. Il peut être utile de tirer des leçons des expériences d'autres pays pour éviter de répéter les erreurs, notamment en réduisant le financement du développement urbain non durable. Pour lutter contre les effets du changement climatique sur les villes, les urbanistes et les habitants de la ville de Montréal travaillent désormais à mieux relier entre eux les espaces naturels de la villeNote de bas de page 6Note de bas de page 10. Cela pourrait contribuer à réduire l'effet d'îlot thermique urbain et à maintenir la densité des espèces vectrices et hôtes dans des limites raisonnables grâce à l'équilibre dynamique qui se crée dans les communautés écologiques (c'est-à-dire que les relations prédateur-proie des réseaux alimentaires se feraient dans tout un réseau d'espaces naturels plutôt que dans des zones isolées).

Conflit d’intérêts

Aucun.

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