ARCHIVÉ - Conseil pour considération du vaccin conjugué quadrivalent contre le méningocoque (A, C, Y, W135) pour utilisation par les provinces et territoires

 

Évaluation des programmes

Il appartient aux autorités de santé publique d'évaluer les programmes de vaccination nouvellement implantés, alors que des ressources appropriées doivent être consacrées aux systèmes de surveillance et aux études spéciales. Pour Men4-DT, les enjeux les plus importants comprennent la qualité des services d'immunisation, la couverture vaccinale de la population cible et l'incidence globale du programme sur l'épidémiologie de la MI. Dans chaque juridiction, des études doivent être menées régulièrement pour évaluer la qualité de l'information fournie aux consommateurs, le respect de leur liberté de choisir et leur degré de satisfaction pour le service reçu. La couverture vaccinale de la population cible doit être analysée à l'aide de registres d'immunisation sophistiqués ou de systèmes d'information permettant d'identifier l'administration de vaccins particuliers à des sujets particuliers. Les enquêtes par envois postaux ou téléphoniques sont d'autres moyens servant à évaluer la couverture vaccinale, tout en dégageant les facteurs qui gênent et qui favorisent la réception du vaccin. Enfin, il faut surveiller l'impact possible du programme d'immunisation sur l'épidémiologie de la MI. À cette fin, il est important d'associer les données de notification aux données de laboratoire et au compte-rendu sommaire du congé de l'hôpital pour bien vérifier les cas de MI. Idéalement, on doit évaluer l'état d'immunisation dans tous les cas de MI incidents afin de dégager les failles du vaccin et leurs causes possibles. La caractérisation génotypique et phénotypique systématique des souches de N. meningitidis par les laboratoires de référence provinciaux et nationaux est également requise. La commutation de capsule et le remplacement clonal ont pu être décrits suite à l'implantation de nouveaux vaccins (Alonso et coll., 2007), et c'est une menace dont il faut tenir compte en employant Men4-DT.

Questions de recherche

Jusqu'à présent, aucun essai n'a été effectué pour établir la comparaison entre la réponse immunologique au composant du sérogroupe C de Men4-DT et les vaccins conjugués univalents du sérogroupe C utilisant d'autres supports protéiques. Dans une étude comparée sur une dose de trois différents vaccins méningococciques conjugués univalents du sérogroupe C administrés à des bambins au R.-U., on a observé une réponse anticorps beaucoup plus vigoureuse avec la préparation anatoxine de polysaccharide-tétanos C di-O-acétylé qu'avec les préparations d'oligosaccharide- CRM197 C O-acétylé (Richmond et coll., 2001). Pour cette raison, un calendrier à deux doses pour le produit utilisant l'anatoxine tétanique comme support protéique a été approuvé pour l'immunisation systématique des enfants en bas âge, plutôt que trois doses pour les produits utilisant le support protéique CRM197 (CCNI, 2005). Il importera de comparer l'immunogénicité relative des différents vaccins méningococciques et calendriers de vaccination, en profitant de la variabilité existante des calendriers de vaccination systématique au Canada. La non-infériorité de la réponse immunitaire des vaccins quadrivalents par rapport aux vaccins conjugués univalents C présentement disponibles devrait être démontrée, en particulier pour les enfants de moins de 11ans. On devrait en outre analyser le bénéfice marginal d'une, deux ou trois doses pour la primovaccination dans le cadre d'études incluant un suivi de plusieurs années (idéalement jusqu'à l'âge de 12 ans).

L'évaluation de la protection conférée par les vaccins méningococciques pose un défi en situation endémique, alors que la méthode privilégiée est l'étude rétrospective des cas-témoins. Cela permet de contrôler les variables confusionnelles, ce qui est très important lorsque l'on atteint des taux d'immunisation élevés, supposant des différences significatives dans les caractéristiques présentées par les sujets vaccinés et non vaccinés (Orenstein et coll., 1988; De Wals et coll., 2005). L'efficacité statistique est le principal problème; on devrait alors songer à mener une étude dans plusieurs provinces et à collaborer à un projet similaire aux États-Unis.

Des études sont présentement en cours afin de déterminer le besoin d'une injection de rappel avec MenactraMC. Les résultats devraient être publiés en 2010. Pour mieux évaluer ce programme en 2010, il faudra progresser dans les secteurs d'activité suivants :

  1. Contrôle et surveillance de la maladie;
  2. Analyse économique pour évaluer l'avantage de MenactraMC par rapport à d'autres vaccins méningococciques et selon divers calendriers de vaccination;
  3. Immunogénicité et durée de la réponse anticorps de différents vaccins méningococciques et calendriers de vaccination. Par exemple :
    • Méningococcique conjugué C (MCC) à l'âge de 12 mois (cohortes P/T immunisées depuis 2001)
    • MCC à l'âge de 12 à 14 ans (P/T avec programmes de rattrapage scolaire)
    • MCC à 12 mois et injection de rappel avec MCC à l'âge de 12 à 14 ans
    • Injection de rappel avec le vaccin méningococcique conjugué quadrivalent à l'âge de 12 à 14 ans aux sujets ayant reçu MCC à 12 mois
    • Vaccin méningococcique conjugué quadrivalent aux sujets naïfs du vaccin méningococcique âgés de 12 à 14 ans
  4. Comparaison de la réponse immunitaire des vaccins conjugués quadrivalents à celle des vaccins MCC chez les enfants de moins de 11 ans;
  5. Évaluation de l'efficacité réelle du vaccin méningococcique, de son incidence sur le portage rhinopharyngé des méningocoques et de son effet indirect sur les taux d'atteinte au sein des populations non vaccinées.

Autres considérations

Équité

On peut considérer comme inéquitable la situation qui prévaut actuellement au Canada, où existent des différences marquées dans les calendriers recommandés pour la vaccination systématique et de rattrapage contre le sérogroupe C. L'introduction de la vaccination systématique ou de la revaccination des adolescents maximisera la protection, réduira les iniquités et harmonisera les pratiques. Du point de vue de la programmation, l'annonce d'un nouveau programme de vaccination pour adolescents offrant une protection individuelle contre une maladie mortelle, tout en minimisant la possibilité de nouvelles éclosions ou épidémies à l'échelle de la population et ne posant pas de risque inacceptable, serait certainement bien reçue par la population.

Considérations éthiques

MenactraMC est un vaccin sûr et efficace. Toutefois, à l'instar d'autres vaccins et médicaments, il n'est pas parfaitement sûr ni parfaitement efficace. La décision d'utiliser un vaccin repose sur l'équilibre relatif entre ses risques et ses avantages. La décision d'introduire ce vaccin devrait suivre une réflexion approfondie sur le risque posé par les sérogroupes A, Y et W-135 d'une province ou d'un territoire, ainsi qu'une analyse coût-avantage pour la prévention de la maladie.

Conseils du CCI sur l'emploi préventif des vaccins antiméningococciques

Le Comté consultatif national de l'immunisation (CCNI) a publié des recommandations détaillées sur l'emploi des vaccins méningococciques présentement autorisés au Canada (réf. GCI, pp. 279-293 et aussi RMTC, vol. 33, et nov. 2007). De plus, une mise à jour a été publiée récemment dans le RMTC, vol. xx. Ces recommandations sont actualisées à mesure que de nouvelles informations deviennent disponibles.

En se fondant sur l'analyse du Dr De Wals présentée dans ce document (rapport de septembre 2007 à l'ASPC) et sur l'évaluation scientifique du CCNI, le CCI partage les recommandations du CCNI sur l'emploi des vaccins méningococciques de la manière suivante.

But : Réduire la maladie et les décès attribuables à Neisseria meningitidis (N. meningitidis) du sérogroupe C par la vaccination (Conférence de concertation de 2005).

Conseil pour l'emploi de vaccins méningococciques dans les programmes de vaccination

En plus de l'information apparaissant dans ce document et de l'information scientifique et épidémiologique fournie par le CCNI, le CCI et le CCNI présentent conjointement les conseils suivants sur l'emploi des vaccins méningococciques dans les programmes subventionnés par l'État.

Conseils sur l'emploi des vaccins méningococciques dans les programmes subventionnés par l'État.
Groupe d'âge Vaccin de choix à considérer Rappel
Petite enfance Méningococcique conjugué C (MenC-C) Une injection de rappel pour les jeunes adolescents est recommandée avec MenC-C ou Men4- DT.
Préadolescent = 5 ans jusqu'à 12 ans Méningococcique conjugué C (MenC-C) si non reçu dans la petite enfance La décision devra être prise lorsque plus de données seront disponibles concernant la durée de la protection.
Adolescent (12 ans et plus) MenC-C ou Men4-DT Davantage de données sont nécessaires.

Pour le moment, un programme de vaccination systématique pour la petite enfance avec MenactraMC n'est pas recommandé. On devrait songer à administrer aux adolescents une injection de rappel précoce avec MenC-C ou Men4-DT. Dans les provinces et territoires offrant actuellement des programmes de rattrapage pour les adolescents, la méthode la plus pratique serait de transformer le rattrapage en injections de rappel quand les cohortes de la petite enfance déjà vaccinées atteignent l'adolescence. Les P/T choisiront le produit (MenC-C ou Men4-DT) en se fondant sur l'épidémiologie de A, Y et W-135. Le rapport coût-efficacité de la stratégie d'implantation d'un programme à l'adolescence n'est pas disponible à ce stade-ci. Néanmoins, les provinces et territoires qui n'ont pas de programme de rattrapage voudront peut-être adopter une mesure très simple pour les aider à évaluer ce qu'il en coûterait pour implanter un programme pour adolescents. Employant leurs données épidémiologiques et présumant l'immunité à vie, elles peuvent calculer le nombre de MI évités, par année et par sérogroupe, en utilisant soit le vaccin MenC-C ou le Men4-DT.

Conclusion

Il semble que la vaccination des jeunes adolescents avec Men4-DT pourrait contribuer de façon significative à prévenir la méningococcie invasive par les sérogroupes A, C, Y et W135 chez la population canadienne, tant pour les cas sporadiques que pour les éclosions (qui ont été habituellement causées par des souches virulentes du sérogroupe C depuis 20 ans). Un tel programme compléterait la primovaccination à un jeune âge avec le vaccin conjugué univalent du sérogroupe C, qui est déjà utilisé dans la plupart des provinces et territoires. Dans l'état actuel des choses, la revaccination des jeunes adolescents avec Men4-DT aurait l'avantage de réduire la mortalité et la morbidité à un coût raisonnable, estimé à 31 000 $ par AVAQ gagnée, comparativement à une dose de MenC-C à 12 mois. Dans l'éventualité d'une éclosion, on utilisera de préférence MenactraMC.

Si un vaccin conjugué quadrivalent pour les enfants en bas âge était autorisé, un calendrier à deux doses, la première à 12 mois et la seconde à 12 ans, constituerait probablement la stratégie la plus économique. Une stratégie plus onéreuse, mais seulement un peu plus efficace, consisterait à employer un programme de trois doses, soit à deux mois, 12 mois et 12 ans. Un calendrier à deux doses à un jeune âge, suivi d'une injection de rappel durant la deuxième année et d'une autre durant l'adolescence, serait probablement la stratégie la plus efficace, mais aussi de loin la plus coûteuse. On devrait faire des études d'immunogénicité pour comparer différents calendriers de nouveaux vaccins méningococciques conjugués quadrivalents.

Idéalement, le vaccin méningococcique en période d'adolescence devrait être administré à l'âge de 12 ans dans le cadre d'un programme scolaire (7e année) et combiné à d'autres vaccins (par exemple, dcaT et VPH). Il faut revoir tous les programmes de vaccination pour adolescents au Canada, en plus de réfléchir aux calendriers d'immunisation et aux façons d'administrer les vaccins. La vaccination des adolescents contre la méningococcie devrait être bien accueillie par la population et par les professionnels de la santé, qui doivent faire face à des infections méningococciques invasives fulminantes aux conséquences dramatiques. Du point de vue de la programmation, cette décision devrait recevoir bon accueil, ne pas coûter très cher par rapport à d'autres programmes de santé et ne présenter aucun risque important à la lumière des connaissances actuelles. Ultimement, la décision d'utiliser Men4-DT ou un produit univalent du sérogroupe C est un enjeu relevant des priorités provinciales et territoriales fondé sur l'épidémiologie locale des sérogroupes A, Y et W135.

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