ARCHIVÉ - Relevé des maladies transmissibles au Canada

 

Relevé des maladies transmissibles au Canada

1 Octobre 2007

Volume 33
Numéro 11

Encéphalite sévissant durant l'été : un cas d'infection par le virus snowshoe hare (sérogroupe Californie) en Nouvelle‑Écosse

V Meier-Stephenson, BSc, PhD, (1), JM Langley, MSc, MD, FRCPC, (1,2,3), M Drebot, MSc, PhD, (4), H Artsob, PhD (4)

  1. Faculté de médecine, Université Dalhousie, Halifax (N.-É.)

  2. Département de pédiatrie, Université Dalhousie, Halifax (N.-É.)

  3. Département de santé communautaire et d'épidémiologie, Université Dalhousie, Halifax (N.-É.)

  4. Programme Zoonoses et pathogènes spéciaux, Laboratoire national de microbiologie, Agence de la santé publique du Canada, Winnipeg (Man.)

Le virus Snowshoe hare (SSH) est l'un des quelque 10 virus appartenant au sérogroupe Californie (CAL). Les membres de ce sérogroupe sont reliés sur le plan sérologique par des caractéristiques génétiques et par un mécanisme commun de transmission aux humains : les piqûres de moustique. Les humains peuvent contracter l'infection par une piqûre de moustique provoquant une affection fébrile asymptomatique ou accompagnée de symptômes bénins et divers syndromes neurologiques. Les virus du sérogroupe CAL sont maintenant reconnus comme la deuxième cause en importance des maladies neurologiques associées aux arbovirus en Amérique du Nord.

Au Canada, l'activité des virus du sérogroupe CAL a été démontrée dans toutes les provinces et territoires, et des cas de maladie humaine attribuables aux virus SSH et Jamestown Canyon ont été documentés(1). Ces agents sont transportés par les espèces de moustiques Aedes et Culiseta, et ils infectent un large éventail d'animaux, dont les écureuils, les suisses, les lièvres, les chevreuils, les orignaux, les bovins, les chevaux et les porcs(2).

Bien que la plupart des patients ayant contracté une encéphalite due à un virus du sérogroupe CAL se rétablissent complètement, des séquelles neurologiques à long terme ont été signalées, en particulier pour le virus La Crosse(3). Nous signalons un cas d'encéphalite virale survenu durant l'été chez un enfant d'âge préscolaire dans une région boisée de Halifax, en Nouvelle-Écosse; ce cas était attribuable au virus SSH.

Tableau clinique

Un garçon de 3 ans a été conduit aux urgences d'un hôpital pour enfants en août parce qu'il souffrait de maux de tête et de fièvre depuis 1 journée. Il ne présentait aucun autre problème de santé, mais avait eu une infection des voies respiratoires supérieures au cours de la semaine précédente. Ses parents ont mentionné que la maladie avait commencé alors que l'enfant jouait. Ils ont remarqué qu'il s'était immobilisé et avait commencé à se tenir la tête, au niveau de la région frontale droite. Sa température à la maison était de 38 °C. Il a été décrit comme étant fébrile, présentant une anorexie et se plaignant d'un mal de tête durant les 24 heures suivantes. Il a progressivement perdu tout intérêt pour le jeu, a vomi plusieurs fois et était dans un état de détresse; il a été décrit comme « n'étant pas lui‑même ». Il n'y avait aucun antécédent de traumatisme, de voyage à l'extérieur des provinces Maritimes ou d'exposition à un animal. La famille avait récemment déménagé dans une maison neuve située dans une région boisée près d'un étang.

À l'examen, le garçon était fébrile (40 °C), pâle, tranquille et préférait rester couché. Il semblait ne pas reconnaître ses parents. L'examen neurologique n'a pas révélé de signes focaux ni de méningisme. Un grand nombre d'excoriations dues à des piqûres de moustiques ont été observées aux membres inférieurs. Une ponction lombaire a révélé un liquide céphalorachidien incolore, transparent, ainsi qu'une leucocytémie de 67 x 106/L et une numération érythrocytaire de 2 x 106/L; la coloration de Gram était négative. Une antibiothérapie empirique a été administrée jusqu'à ce que la culture du liquide céphalorachidien soit stérile après 48 heures. La PCR (réaction en chaîne de la polymérase) du liquide rachidien pour la détection de l'entérovirus et de l'herpèsvirus était négative. Durant son séjour à l'hôpital, il a eu des maux de tête importants, a présenté une irritabilité et une anorexie, et il a fait de la fièvre plusieurs fois par jour, sa température atteignant jusqu'à 40 °C. Le deuxième jour de son séjour à l'hôpital, il a été victime d'un épisode convulsif tonico‑clonique généralisé après une période de diminution de la réactivité, lequel a été traité au moyen d'anticonvulsivants. Une tomographie par ordinateur était normale, mais a révélé de petits ventricules latéraux, qui sont un signe d'oedème cérébral. Le quatrième jour de son séjour à l'hôpital, la fièvre a diminué, l'enfant a commencé à boire et à manger, et a montré de l'intérêt pour le jeu.

Le test de détection des arbovirus était négatif pour les anticorps du virus de l'encéphalite équine de l'Est, du virus de l'encéphalite équine de l'Ouest, du virus du Nil occidental, du virus de l'encéphalite de Saint‑Louis, du virus Powassan et du virus de la dengue. La présence d'anticorps IgM et IgC dirigés contre le virus SSH a été détectée dans le sérum prélevé en phase aiguë, 3 jours après l'apparition de la maladie, par dosage immuno‑enzymatique et par immunofluorescence. Un échantillon a été prélevé en phase de convalescence, 25 jours après l'apparition de la maladie, et un test de séroneutralisation par réduction des plages a confirmé la présence d'anticorps anti‑SSH dans le sérum du patient et une augmentation de plus de quatre ordres de grandeur du titre d'anticorps entre les échantillons prélevés en phase aiguë (1:320) et ceux prélevés en phase de convalescence (1:5120).

Lorsque le patient a été examiné à la clinique 2 semaines après son départ de l'hôpital, ses parents ont indiqué qu'il s'était complètement rétabli, et l'examen physique était normal.

Analyse

Entre 1978 et 1989, au moins un cas d'infection symptomatique due à un virus du sérogroupe CAL a été signalé chaque année au Canada, pour un nombre total de plus de 20 cas, attribuables, pour la plupart, au virus SSH(1). Bien qu'aucun cas d'encéphalite virale attribuable à des virus du sérogroupe CAL n'ait été enregistré depuis un grand nombre d'années au Canada(4-8), le cas signalé en 2006 révèle que ces agents continuent de circuler durant la saison des moustiques. La transmission transovarienne des virus du sérogroupe CAL chez les moustiques de l'espèce Aedes semble être, pour ces virus, un mécanisme très efficace d'adaptation à l'écosystème canadien.

Bien que les maladies fébriles et neurologiques dues à une infection par un arbovirus suscitent un intérêt accru depuis l'arrivée récente du virus du Nil occidental, les virus du sérogroupe CAL ne doivent pas être négligés dans le diagnostic différentiel d'un tel tableau clinique (tableau 1). Aucun diagnostic étiologique n'est établi dans la plupart des cas suspects d'encéphalite infectieuse, mais une approche systématique de confirmation en laboratoire peut aider à déterminer s'il s'agit d'un cas confirmé ou probable chez 40 % des patients(9). Ce rapport vise à accroître la sensibilisation et l'indice de suspicion concernant les cas d'encéphalite qui surviennent durant l'été et au début de l'automne, lorsque les moustiques sont le plus nombreux. Pour prévenir l'infection par les arbovirus, il est recommandé d'éviter les piqûres de moustiques en prenant les précautions suivantes : éviter l'exposition, porter des vêtements protecteurs, utiliser des insectifuges et éliminer les gîtes larvaires.

Tableau 1. Cas d'infection par le virus de l'encéphalite californienne au Canada

Année

Province/territoire

Âge, sexe

Virus*

1978

Qc

Garçons de 7, 6 et 10 ans

SSH(4)

1978

Ont.

Homme de 30 ans

SSH(5)

1978

N.-É.

Homme de 23 ans (étudiant d'été)

SSH(6)

1981

N.-É.

Garçon de 5 ans

SSH(10)

1984

N.-B.

Garçon de 11 ans

SSH(7)

1984

T.N.-O.

Garçon de 8 ans

JC(11)

2006

N.-É.

Garçon de 3 ans

SSH

*SSH = virus Snowshoe hare; JC = virus Jamestown Canyon

Remerciements

Les auteurs tiennent à souligner l'aide technique précieuse apportée par Mme Maya Andonova, PhD, du programme Zoonoses et pathogènes spéciaux, Laboratoire national de microbiologie, Agence de la santé publique du Canada.

Références

  1. Artsob H. Arbovirus activity in Canada. Arch Virol 1990; (suppl 1):249-58.

  2. Collier L, Oxford J. Arthropod-borne viruses. Dans: Human virology, 2e éd. Oxford: Oxford University Press 2000:187-92.

  3. 3. McJunkin JE, de los Reyes EC, Irazuzta JE et coll. La Crosse encephalitis in children. N Engl J Med 2001;344(11):801-07.

  4. 4. Fauvel M, Artsob H, Calisher CH et coll. California group virus encephalitis in three children from Quebec: Clinical and serologic findings. Can Med Assoc J 1980;122(1):60-2, 64.

  5. Artsob H, Spence L, Caughey WC et coll. Aseptic meningitis in Ontario. Can Med Assoc J 1981;125(9):958, 962.

  6. Artsob H, Spence L, Surgeoner G et coll. Snowshoe hare virus activity in Southern Ontario. Can J Public Health 1982;73(5):345-49.

  7. Embil JA, Camfield PR, Artsob H. California encephalitis in New Brunswick. Can Med Assoc J 1985;132(10):1166.

  8. Embil JA, Artsob H, Hamilton DA. Persistence of snowshoe hare virus in Halifax County, NS. Can Med Assoc J 1984;130(9): 1105, 1108.

  9. Kolski H, Ford-Jones EL, Richardson S et coll. Etiology of acute childhood encephalitis at the Hospital for Sick Children, Toronto, 1994-1995. Clin Infect Dis 1998;26(2):398-409.

  10. Embil JA, Camfield PR, Artsob H et coll. California encephalitis in Nova Scotia. Can Med Assoc J 1982:127:957-58.

  11. Artsob H. Arbovirus activity in Canada in 1984. Can Med Assoc J 1985;133:1026.


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