ARCHIVÉ - Gestion d'une priorité en santé publique : Premier programme canadien de recherche sur les mesures de prévention, de lutte et de prise en charge relatives à l'influenza

 

Relevé des maladies transmissibles au Canada

le 15 novembre 2006

Volume 32
Numéro 22

Les 31 août et 1er septembre 2005, plus de 70 experts, décideurs et chercheurs canadiens et internationaux dans le domaine des vaccins se sont réunis à Ottawa pour participer à l'Atelier sur les priorités de la recherche sur l'influenza. L'événement était parrainé et organisé par l'Agence de santé publique du Canada (ASPC) et l'Institut des maladies infectieuses et immunitaires (IMII), membres des Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC), en collaboration avec l'Association canadienne pour la recherche et l'évaluation en immunisation (CAIRE).

Les participants se sont vus confier la tâche d'élaborer le tout premier programme canadien de recherche sur l'influenza, afin de doter le Canada d'un plan complet pour diriger et coordonner la recherche sur la prévention et la lutte contre l'influenza. Outre l'établissement d'un programme axé sur les priorités de la recherche, la structure de l'atelier permettait aux organisateurs de mettre à l'essai une méthode d'établissement des priorités qui puisse servir à déterminer les priorités futures de la recherche sur les vaccins.

Méthodologie

On a souvent recours à la formule de l'atelier lorsque différents intervenants doivent interagir afin d'atteindre un consensus sur une question donnée. Cela dit, l'événement de 2 jours n'en constituait pas moins une toute première tentative d'amener la communauté de la recherche sur l'influenza à fixer les priorités en la matière et à établir l'infrastructure et les moyens nécessaires pour s'attaquer à ces priorités.

Un comité de planification multidisciplinaire a guidé la conception de l'atelier et le choix des participants. Pour identifier les experts canadiens de la recherche sur l'influenza, les organisateurs ont interrogé les bases de données d'organismes nationaux de financement et scruté à la loupe les publications scientifiques et divers sites Web. Les participants étaient issus d'universités, d'organisme de financement, de l'industrie, de la santé publique et d'organisations internationales, comme l'Organisation mondiale de la Santé (OMS), le National Institute of Allergy and Infectious Disease et le National Vaccine Program Office des États-Unis. Ils représentaient une grande diversité de disciplines, dont les maladies animales infectieuses, les essais cliniques, l'économie, l'épidémiologie, l'éthique, l'immunologie, les maladies infectieuses, la modélisation mathématique, la biologie moléculaire, les sciences pharmaceutiques, la santé publique, les sciences sociales et la virologie.

L'ordre du jour de l'atelier était constitué de séances plénières offrant une vue d'ensemble des connaissances actuelles en matière de l'influenza, de séances en petits groupes sur des domaines précis de la recherche multidisciplinaire sur l'influenza, puis d'une séance plénière de clôture réservée au regroupement des priorités de recherche en 10 secteurs prioritaires.

La séance plénière d'ouverture donnait aux participants un aperçu des connaissances canadiennes et internationales sur l'influenza. Les sujets de discussion portaient sur les domaines suivants : communicabilité, pathogenèse, épidémiologie et réponse immunitaire humaine aux virus grippaux, stratégies et programmes canadiens actuels de la santé publique en matière de prévention et de lutte contre l'influenza annuelle et pandémique, médicaments antigrippaux actuels et nouveaux, ainsi que lacunes décelées dans les connaissances actuelles, forces et avenues possibles des programmes de vaccination canadiens, recherches canadiennes récentes et actuelles sur l'influenza, stratégies et activités mondiales de recherche sur l'influenza (présentées par les représentants de l'OMS), et stratégies et activités de recherche sur l'influenza aux États-Unis (présentées par des représentants du National Vaccine Program Office des États-Unis).

Six séances en petits groupes ont eu lieu au cours des 2 jours. Deux experts de renommée nationale présidaient chaque séance, et les participants avaient été choisis de façon à représenter un éventail de connaissances et de compétences. Les séances débutaient par un bref aperçu des lacunes en matière de connaissances, suivi d'une période de remue-méninges pour préciser ces lacunes. Les présidents demandaient à chaque groupe de s'entendre sur trois à cinq des grandes priorités de la recherche, puis de relever les faiblesses sur le plan de l'infrastructure et des capacités. À l'aide d'une échelle de Likert, les participants ont évalué en cinq points la pertinence des priorités de la recherche, soit du point de vue de l'urgence pour la santé publique, du caractère unique pour le Canada, de la faisabilité, de l'effet sur l'allégement du fardeau de la maladie et du potentiel d'application rapide des connaissances. Les participants avaient pour instruction d'articuler les priorités de la recherche de manière à ce qu'elles s'intègrent aux appels de demandes plutôt qu'à des projets précis.

Le premier jour de l'atelier, les séances en petits groupes portaient sur les sujets suivants : 1) les défis que pose l'influenza dans la collectivité, avec pour point de mire la recherche sur le risque de maladie et l'évaluation des répercussions, de même que les stratégies communautaires de prévention et de lutte autres que la vaccination; 2) les défis dans le milieu des soins de santé, entre autres, en ce qui concerne le diagnostic, le traitement et la prise en charge des patients (autrement que par des antiviraux), la lutte contre l'infection, les soins ambulatoires, les interventions du système de soins de santé, les essais cliniques et d'autres aspects de la recherche clinique, et 3) les défis en recherche fondamentale et appliquée sur l'influenza, notamment le diagnostic rapide, les modèles animaux, les facteurs de virulence, les corrélats de protection et la transmissibilité des virus grippaux animaux.

Le dernier jour de l'atelier était consacré aux discussions sur les sujets suivants : 1) l'optimisation des vaccins antigrippaux par l'examen des possibilités de mise au point de nouveaux vaccins, le renforcement de l'immunogénicité et de l'efficacité des vaccins, le recours aux adjuvants et à d'autres stratégies d'utilisation parcimonieuse des doses, la découverte de corrélats de protection améliorés et une protection croisée étendue contre les virus circulants; 2) l'optimisation des programmes de vaccination, entre autres, par l'évaluation des stratégies des programmes et de leur efficacité, des répercussions des programmes de vaccination sur la maladie, de l'innocuité des vaccins, des répercussions économiques, des questions d'éthique, de la recherche sur les communications et les sondages d'opinion publique et 3) l'optimisation de l'utilisation d'antiviraux et d'autres médicaments thérapeutiques contre l'influenza, mettant l'accent sur les nouveaux traitements, l'efficacité thérapeutique et prophylactique des antiviraux, l'innocuité des médicaments, la résistance aux médicaments, les répercussions économiques, les questions d'éthique, les communications et les sondages d'opinion publique.

Résultats

Les participants aux séances en petits groupes ont cerné 20 questions de recherche et 16 lacunes correspondantes liées à l'infrastructure et aux capacités. Ces questions de recherche ont été combinées en 10 secteurs de recherche prioritaires au cours de la séance plénière de clôture :

  • Caractérisation et écologie du virus de l'influenza : il faut effectuer des recherches fondamentales (virologie, immunologie, biologie) sur les virus grippaux et les relations écologiques entre les virus animaux et les virus humains. Il faut en outre recueillir plus d'information sur les sous-types de l'influenza pour déterminer la nature et l'importance des réservoirs animaux et les facteurs qui interviennent dans la modification des virus et le développement de la virulence.

  • Transmission du virus grippal : il faut mieux comprendre les profils d'excrétion du virus grippal des personnes infectées et les modes de transmission du virus aux contacts réceptifs.

  • Mesures préventives de santé publique : il faut mener des recherches en santé publique afin de déterminer si des interventions sûres et efficaces sont actuellement mises en oeuvre dans ce secteur pour prévenir l'infection, tant dans la collectivité que dans les établissements, et pour connaître la réaction des populations à l'influenza et à la lutte contre cette maladie.

  • Amélioration de l'accès à des tests de diagnostic rapides : il faut réaliser des recherches axées sur l'utilisation accrue de tests diagnostiques rapides d'une grande exactitude, afin de guider l'utilisation des agents antiviraux et d'améliorer les évaluations du fardeau de la maladie et de l'efficacité des vaccins.

  • Prise en charge clinique des patients souffrant de l'influenza : il faut mieux comprendre les moyens les plus appropriés pour assurer la prise en charge clinique et le traitement des patients souffrant de l'influenza, en particulier les plus touchés.

  • Mise au point et utilisation optimale des antiviraux : il faut mener des recherches sur la mise au point et le recours aux antiviraux dans le traitement des personnes souffrant de l'influenza et la prévention de l'infection, y compris des études portant sur des approches novatrices à l'égard des antiviraux existants et des recherches axées sur la mise au point et l'évaluation de nouveaux agents antiviraux.

  • Capacité de réaction du système de santé : il faut étudier la capacité du système de santé de répondre rapidement et efficacement à une demande accrue de ressources liée à une pandémie de l'influenza ou à une période interpandémique.

  • Acceptabilité et efficacité accrues des vaccins antigrippaux : il faut mettre au point des vaccins d'une efficacité accrue en utilisant des technologies nouvelles qui déclenchent une réaction immunitaire rapide et induisent une protection à plus long terme et croisée.

  • Programmes d'immunisation : les distinctions entre les programmes de vaccination en vigueur dans l'ensemble du Canada permettent d'évaluer les diverses stratégies employées pour lutter contre l'influenza. Il faut recueillir des données en population sur la participation à la vaccination ainsi que sur l'efficacité et l'innocuité des vaccins antigrippaux.

  • Préparation à la mise au point d'un vaccin contre la grippe pandémique : il faut s'attendre à ce que la préparation, les essais et l'évaluation d'un vaccin en cas de pandémie de l'influenza soulèvent des difficultés. Le Canada sera responsable d'évaluer le vaccin contre l'influenza pandémique produit par son fabricant national.

Conclusions

Le consensus atteint par les chercheurs canadiens et les organismes de financement sur les 10 secteurs prioritaires reflète le succès de l'Atelier sur les priorités de la recherche sur l'influenza, y compris de la méthode d'établissement des priorités. En plus de déterminer les priorités de la recherche qui permettront de préciser les stratégies de prévention et de lutte contre l'influenza en périodes pandémique et interpandémique, le programme de recherche est une ressource précieuse pour guider les investissements et permettre aux partenaires de se mobiliser autour de secteurs précis de la recherche. L'ASPC et les IRSC se sont appuyés sur les recommandations issues de l'atelier pour orienter les investissements du gouvernement fédéral dans la recherche. En mai 2006, le gouvernement fédéral a annoncé un investissement d'un milliard de dollars dans des initiatives sur la pandémie, dont 21,5 millions de dollars serviront à financer les activités de recherche. En se fondant sur les conclusions de l'atelier, les IRSC ont récemment publié un appel de demandes relatif à l'état de préparation en cas de pandémie.

La formule de l'atelier comportait néanmoins certaines limites, notamment le peu de temps alloué pour décrire en détail les écueils liés à l'infrastructure et le fait que, la plupart du temps, les participants articulaient les priorités de la recherche en termes plus généraux qu'il n'aurait été préférable de le faire. Même si les participants ont apprécié cette occasion inédite de rencontrer d'autres experts représentant des disciplines très diversifiées, l'atelier était trop court pour peaufiner les priorités des 10 secteurs de la recherche, promouvoir l'établissement de nouvelles ententes de collaboration ou amorcer la planification de propositions précises. Les prochains ateliers sur l'établissement de priorités devraient idéalement allouer plus de temps pour permettre aux chercheurs d'interagir. Par ailleurs, c'est toujours un défi de trouver de nouvelles occasions de financement pour donner suite aux priorités ciblées. Mais au-delà des considérations liées au financement accordé par le gouvernement fédéral, ce serait une excellente chose si l'on recherchait d'autres sources de financement peu de temps après une telle consultation.

Comité de planification

Coprésident(e)s

David Scheifele
Directeur, Vaccine Evaluation Centre
Président, Canadian Association for Immunization Research and
Evaluation
British Columbia Children's Hospital

Theresa Tam
Codirectrice
Division de l'immunisation et des infections respiratoires
Agence de la santé publique du Canada

Membres

Gordean Bjornson
Président administratif
Canadian Association for Immunization Research and Evaluation
Vaccine Evaluation Centre

Tim Booth
Directeur, Division des maladies virales
Agence de la santé publique du Canada
Laboratoire national de diagnostics virologiques

Michelle Gagnon
Directrice adjointe
Partenariats et application des connaissances
Institut des services et des politiques de la santé
Instituts de recherche en santé du Canada

Karen Grimsrud
Médecin hygiéniste provincial adjointe
Alberta Health and Wellness
Provincial Health Office

Greg Hammond
Directeur de la santé publique
Direction de la santé publique
Santé Manitoba

Mark Loeb
Professeur agrégé, McMaster University
Departments of Pathology and Molecular Medicine and Clinical Epidemiology
and Biostatistics
Michael G. De Groote Centre for Learning

Lisa Paddle
Chef intérimaire, Recherche sur l'immunisation
Division de l'immunisation et des infections respiratoires
Agence de la santé publique du Canada

Carol Richardson
Gestionnaire, Programmes et évaluation
Institut des maladies infectieuses et immunitaires
Instituts de recherche en santé du Canada

Bhagirath Singh
Directeur scientifique
Institut des maladies infectieuses et immunitaires
Instituts de recherche en santé du Canada

Susan Tamblyn
Consultante en santé publique

Secrétariat

Laura Amos
Agente de projets
Division de l'immunisation et des infections respiratoires
Agence de la santé publique du Canada


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