ARCHIVÉ - Grappe de cas d'histoplasmose contractée localement, Alberta, 2003

 

Volume 31-24
le 15 decembre 2005

L'histoplasmose est une mycose endémique. Au Canada, on croit que cette maladie n'est présente que dans la région centrale du Canada, aucun cas d'infection n'ayant été déclaré dans les provinces de l'Ouest. Nous signalons un cas d'infection à Histoplasma capsulatum chez une femme n'ayant pas voyagé ni n'ayant été exposée à l'extérieur de l'Alberta pendant la période d'incubation, ainsi que l'identification subséquente d'une grappe de cas d'infection aiguë chez ses collègues de travail.

Rapport de cas et enquête sur la grappe de cas

Cas index

Une femme de 25 ans, en bonne santé, a consulté son médecin de famille en raison de céphalées, demyalgie, de nausées, de vomissements et de fièvre présents depuis 5 jours. Elle présentait une toux sèche, une douleur thoracique de type pleurétique et une légère dyspnée, et a été aiguillée vers un hôpital. Une image nodulaire diffuse a été observée à la radiographie thoracique. On a examiné soigneusement les renseignements fournis concernant le travail, les déplacements et les autresmodes d'exposition possibles de la patiente. Elle vivait auparavant dans un village de Terre-Neuve-et-Labrador,mais était déménagée en Alberta 5 mois avant le début de la maladie. Elle n'a fait aucun autre voyage. Elle ne croyait pas avoir été exposée à la tuberculose et ne présentait aucun facteur de risque d'infection à VIH.

À l'admission, l'examen physique et les premières analyses de laboratoire étaient normaux. La tomographie assistée par ordinateur de la cage thoracique a mis en évidence de nombreux petits nodules de tissus mous bien circonscrits distribués inégalement et de façon diffuse dans les deux poumons. La culture des expectorations était non concluante, et les résultats des épreuves sérologiques étaient négatifs au début pour l'histoplasmose, le VIH, Mycoplasma pneumoniae, la blastomycose, chlamydia, la tularémie, coxiella et legionella.

La biopsie du poumon réalisée par thoracoscopie assistée par vidéo a révélé la présence de granulomes nécrosants bronchiolocentriques. Ceux-ci étaient compatibles avec une étiologie infectieuse, bien que les colorations n'aient mis en évidence aucun microorganisme. Étant donné que l'inhalation d'un agent était soupçonnée, on a répété les épreuves sérologiques pour les champignons. Cette fois, lors des épreuves sérologiques pour l'histoplasmose, on a obtenu des bandes H et M à l'immunodiffusion (ID). Durant la période qui a suivi, les cultures de pièces de biopsie du poumon ont permis d'isoler H. capsulatum, et un traitement par l'itraconazole a été amorcé.

Durant la période qui a précédé immédiatement la consultation à l'hôpital, la patiente s'occupait de l'entretien d'un terrain de golf près d'Edmonton. Elle a indiqué que certains de ses collègues de travail avaient présenté, à peu près à la même période, des symptômes similaires aux siens pendant les jours ayant suivi la rénovation d'une allée sur le terrain de golf (enlèvement de mottes de gazon et d'arbres, terrassement et remplacement d'arbres) à la fin septembre et au début octobre.

Des données cliniques et des renseignements sur l'exposition ont été recueillis après d'un groupe de sept personnes qui travaillaient avec le cas index au terrain de golf. Des épreuves sérologiques ont été effectuées et ont permis d'identifier trois autres cas.

Cas A

Un jeune homme de 18 ans qui faisait partie de l'équipe d'entretien paysager du terrain de golf et qui travaillait au projet de rénovation a présenté de la fièvre, des frissons, des céphalées, de la myalgie, des douleurs thoraciques à l'inspiration profonde, de l'anorexie et de la fatigue à la même période que le cas index. Il n'a pas consulté de médecin. Quatre semaines après le début de la maladie, l'épreuve d'immunodiffusion pour H. capsulatum était positive, des bandes H et M ayant été observées. La radiographie thoracique n'a mis en évidence aucune anomalie.

Cas B

Un jeune homme de 21 ans qui faisait partie de l'équipe d'entretien paysager et qui travaillait au projet de rénovation a noté de la fatigue qui a débuté le même jour que le cas A. Au cours de la semaine suivante, de la fièvre, des frissons, des nausées, des céphalées et de la myalgie se sont manifestés et sont graduellement disparus en 2 semaines. L'épreuve d'ID était négative, bien qu'une ligne de non-identité ait été observée. Un deuxième échantillon, qui a été prélevé 6 semaines après le début de la maladie, a donné un résultat positif à l'épreuve d'ID pour H. capsulatum : on a obtenu des bandes H et M. L'échantillon a été expédié aux Centers for Disease Control and Prevention (CDC), à Atlanta, pour des épreuves de fixation du complément (FC) et d'ID. Les deux épreuves ont donné des résultats positifs : des bandes H et M ont été observées à l'ID, et des titres de 1:8 pour l'histoplasmine et de ≥ 1:256 pour la phase levure ont été obtenus à l'épreuve de FC.

Cas C

Un superviseur de l'équipe d'entretien paysager de 37 ans s'occupait de tous les aspects de l'entretien paysager, y compris la rénovation de l'allée. Son état général était bon, et il n'était pas malade durant la période d'intérêt. Des épreuves sérologiques ont été réalisées. Comme avec le cas B, une ligne de non-identité a été observée. Un deuxième échantillon a été prélevé 2 semaines plus tard (6 semaines après le début de la maladie chez le cas index) et a été expédié aux CDC. L'épreuve d'ID pour H. capsulatumétait positive pour la bande M seulement, et l'épreuve de FC était positive pour l'histoplasmine et la phase levure, des titres respectifs de 1:4 et 1:64 ayant été obtenus.

On a procédé à une enquête au terrain de golf, croyant que la grappe de cas de maladie pouvait avoir pour origine l'exposition environnementale à cet endroit. Aucun site servant de perchoir aux oiseaux ou aux chauves-souris n'a été observé durant une inspection du terrain de golf. Le gazon de remplacement provenait de la Colombie-Britannique.

Analyse

L'histoplasmose est une maladie causée par un champignon dimorphique, Histoplasma capsulatum. Elle est endémique dans certaines régions des États-Unis, d'Amérique du Sud, d'Asie du Sud-Est, d'Afrique et d'Australie. Plus précisément, les plus importantes régions endémiques sont les vallées des fleuves Ohio et Mississippi, la vallée de l'Amazone et la vallée du Mékong. Au Canada, on croit que la maladie n'est présente que dans la région centrale du pays, le long du fleuve Saint-Laurent(1). Aucune grappe de cas d'infection contractée dans les provinces de l'Ouest n'a été signalée.

Le sol qui favorise la croissance de ce champignon est souvent humide, acide et contaminé par des déjections d'oiseaux ou de chauves-souris, qui fournissent les éléments nutritifs nécessaires à la sporulation(2). Généralement, les symptômes de l'histoplasmose se manifestent de 7 à 14 jours après l'exposition aux spores. Comme l'inhalation est presque le seul mode de pénétration de cet agent, on compte habituellement au nombre des facteurs de risque environnemental le brassage du sol ou d'autres matières inoculées. Des aérosols peuvent être produits à la suite de projets d'excavation, de construction ou de démolition, du nettoyage de sites où des déjections d'oiseaux ou de chauves-souris se sont accumulées et de l'exploration de grottes(3-5). Une exposition à de la terre brassée s'est manifestement produite durant la période d'incubation de la maladie chez les cas de la série présentée, ce qui montre que l'histoplasmose s'est développée en grappe.

Nous signalons la première grappe connue d'histoplasmose contractée localement d'une source ponctuelle dans l'Ouest du Canada. Bien que l'infection ne soit pas rare dans de nombreuses régions des États-Unis et de l'Ontario, où des grappes semblables d'histoplasmose ayant une source ponctuelle sont observées occasionnellement, la prévalence d'H. capsulatum à l'extérieur de ces régions est mal connue. Lamaladie pourrait être sousdiagnostiquée en Alberta parce qu'on croit qu'elle n'y est pas endémique. Cette grappe de cas met en évidence une histoplasmose chez des personnes qui ne se sont pas déplacées à l'extérieur de l'Alberta durant la période d'incubation, ce qui laisse croire à l'existence d'au moins unmicrofoyer local d'H. capsulatum. Il conviendrait d'envisager en clinique la possibilité de cette infection chez les patients présentant des symptômes compatibles à la suite d'activités à risque élevé en Alberta, étant donné qu'il est désormais démontré que l'infection est présente dans cette région. Bien qu'actuellement l'histoplasmose ne soit pas une maladie à déclaration obligatoire(6), les autorités sanitaires de l'Alberta envisagent de l'ajouter à la liste desmaladies à déclaration obligatoire à l'échelle individuelle dans la législation provinciale en matière de santé publique afin d'en faciliter la surveillance.

Références

  1. Wheat J. Histoplasmosis: experience during outbreaks in Indianapolis and review of the literature. Medicine 1997;76:339-54.
  2. Salomon J, Flament Saillour M, De Truchis P et coll. An outbreak of acute pulmonary histoplasmosis in members of a trekking trip in Martinique, French West Indies. J Travel Med 2003;10:87-93.
  3. Gurney JW, Conces DJ. Pulmonary histoplasmosis. Radiology 1996;199:297-306.
  4. Wheat LJ, Kauffman CA. Histoplasmosis. Infect Dis Clin North Am 2003;17:1-19.
  5. Schlech WF,Wheat LJ, Ho, JL et coll. Recurrent urban histoplasmosis, Indianapolis, Indiana, 1980-1981. Am J Epidemiol 1983;118:301-12.
  6. Government of Alberta. Public Health Act Communicable Diseases Regulation 238/85. Edmonton: Queen's Printer, 2001.

Source : Dr H Anderson, Dr G Taylor, Dr EA Fanning, Département de médecine, Université de l'Alberta; L Honish, MSc, Dr M Johnson, J Jaipaul, BScN, S Probert, MSc, C Tovstiuk, BScN, Public Health Division, Capital Health; G Tyrrell, PhD, Provincial Laboratory of Public Health; R Rennie, PhD, C Sand, BSc, National Centre for Mycology, Edmonton (Alberta).

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