ARCHIVÉ - Non-divulgation de sa séropositivité à l'égard du VIH/sida : conclusions d'un groupe de travail d'experts

 

Volume 31-05 - Mars 1 2005

Renseignements de base

Le problème des personnes infectées par le VIH qui ne dévoilent pas leur séropositivité est une question qui n'a pas été examinée de façon satisfaisante par les responsables de la politique publique, le corps médical ni par les gens de justice. Les sujets qui cachent leur séropositivité à leurs partenaires sexuels et à ceux avec qui ils partagent des drogues peuvent transmettre la maladie par l'échange de liquides organiques comme le sperme, le sang ou les sécrétions vaginales. Dans ces situations et dans d'autres circonstances, les personnes en cause n'ont pas la chance d'évaluer si elles souhaitent ou non participer à certaines activités à risque avec un sujet infecté par le VIH.

En septembre 2002 et en février 2003, le Comité consultatif fédéral-provincial-territorial sur le VIH/sida a organisé une table ronde d'experts issus de diverses disciplines liées au VIH/sida. On y retrouvait des médecins, des psychologues, des psychiatres, des autorités sanitaires, des avocats et des personnes séropositives qui travaillent dans la collectivité. Le principal objectif de la table ronde était de recueillir des opinions concernant l'élaboration d'un cadre régissant la non-divulgation de la séropositivité à l'égard du VIH/sida qui devraient être examinées par les provinces et les territoires. Les experts se sont rencontrés pour 1) discuter du risque de transmission du VIH associé à des comportements particuliers; 2) évaluer différentes stratégies pour s'attaquer à la question de la non-divulgation de la séropositivité à l'égard du VIH/sida; et 3) conseiller le Comité consultatif fédéral-provincial-territorial sur le VIH/sida. Les évaluations et les recommandations des experts sont résumées dans le présent document et seront examinées par des autorités sanitaires et d'autres professionnels et travailleurs communautaires dans les provinces et les territoires.

Le contexte juridique et éthique dans lequel s'inscrit la question de la non-divulgation de la séropositivité à l'égard du VIH/sida a été examiné par les experts participant à la table ronde. Il faut tenir compte des considérations juridiques et éthiques dans l'élaboration des politiques et des pratiques touchant la non-divulgation de la séropositivité. Le présent document ne traite pas des questions juridiques et éthiques liées à la non-divulgation de la séropositivité, car elles ont été déjà étudiées ailleurs(1). Les autorités sanitaires sont invitées à consulter d'autres sources pour avoir un aperçu plus complet du contexte juridique et éthique entourant cette question avant d'adopter ou d'adapter des modèles d'intervention spécifiques que nous proposons ici.

Éléments importants d'un cadre régissant la non-divulgation de la séropositivité à l'égard du VIH

Les participants à la table ronde considéraient que les principes suivants étaient essentiels à l'élaboration d'un cadre régissant la non-divulgation de la séropositivité :

  • La prévention devrait être l'objectif principal. Le cadre devrait être basé essentiellement sur une approche axée sur la santé publique plutôt que sur le droit pénal.
  • La stratégie d'intervention « la moins perturbante, la plus efficace » devrait être adoptée.
  • L'accent devrait être mis sur le risque de transmission associé aux comportements particuliers. Les comportements devraient être classés dans des catégories de risque.
  • La suite donnée à la non-divulgation devrait être proportionnelle au risque que pose le comportement en cause.
  • Des mesures spécifiques ne devraient pas être prescrites, mais une liste devrait plutôt être fournie aux dispensateurs de soins et aux autorités sanitaires, liste qu'ils peuvent consulter dans les situations particulières.
  • Si une personne a un comportement à risque et divulgue sa séropositivité à l'égard du VIH à un partenaire sexuel ou toxicomane, le dispensateur de soins devrait néanmoins conseiller à la personne infectée de modifier le comportement à risque.
  • Il faut respecter le droit à une procédure équitable et la Charte des droits dans les interventions imposées par l'État à une personne. Parmi ces droits figurent l'avis préalable de l'intervention, le droit d'être représenté par un avocat, des réexamens rapides des décisions rendues, le droit à une audition équitable et le droit d'en appeler des décisions.

Voici certains des avantages d'une approche axée sur la santé publique plutôt que sur le droit pénal :

  • La santé publique accorde plus de place à la prévention et permet davantage d'exercer une surveillance du VIH.
  • La confidentialité est davantage maintenue dans une approche axée sur la santé publique.
  • La personne infectée est moins stigmatisée.
  • Le VIH risque moins de passer dans la clandestinité si l'on adopte un cadre axé sur la santé publique.

Quantification du risque de transmission du VIH associé à certains comportements

La Division de l'épidémiologie et de la surveillance du VIH/sida, Centre de prévention et de contrôle des maladies infectieuses, Direction générale de la santé de la population et de la santé publique, Santé Canada, a rédigé un document en 2003 sur le risque de transmission du VIH associé à des comportements donnés. Certains des renseignements contenus dans le document « Overview of the Estimated Per-Act Probabilities of HIV Transmission » sont reproduits dans les paragraphes qui suivent :

Transfusion sanguine : Le risque de transmission lors de la transfusion d'une unité de sang infecté par le VIH est d'environ 90 % à 95 %.

Injection de drogues : Le risque estimatif associé au partage de matériel d'injection est de 0,67 %.

Transmission verticale : Le risque est de 20 % à 25 % en l'absence de traitement antirétroviral.

Blessure par piqûre d'aiguille : Le risque moyen d'infection à VIH après une seule piqûre d'aiguille contaminée par un sujet séropositif est de 0,32 %. Ce risque dépend de plusieurs facteurs et est, en général, plus élevé si la charge virale du patient infecté est plus grande (p. ex., immédiatement après l'infection par le VIH), si la blessure est profonde et s'il y a injection accidentelle de matériel.

Exposition sexuelle lors de rapports péno-vaginaux hétérosexuels : Selon plusieurs études sur le VIH, la probabilité de transmission est légèrement plus grande des hommes aux femmes (intervalle de 0,05 % à 0,6 %) que des femmes aux hommes (intervalle de 0,03 % à 0,4 %). Ces intervalles sont toutefois très larges. La probabilité de transmission hétérosexuelle d'un homme à une femme a été étudiée le plus à fond aux É.-U. et en Europe, où l'on a observé un intervalle plus modeste de 0,08 % à 0,14 %. En général, le risque de transmission sexuelle du VIH augmente avec la charge virale et en présence d'une autre maladie transmise sexuellement (en particulier une maladie ulcérative telle que la syphilis ou l'herpès génital) chez la personne exposée ou celle à l'origine de l'infection.

Exposition sexuelle lors de relations péno-anales homosexuelles : Une relation anale passive non protégée avec un homme séropositif pour le VIH, peut comporter, s'il y a éjaculation, un risque de transmission du VIH de l'ordre de 0,5 % à 3 % par acte. Relativement peu d'études ont tenté d'estimer la probabilité de transmission liée au fait d'avoir des relations sexuelles anales actives, de sorte que cette probabilité est moins bien comprise.

Exposition sexuelle lors de relations orales : Des données montrent que le VIH peut être transmis lors des relations orales. Bien que la probabilité d'une telle transmission demeure obscure, il semble qu'elle soit inférieure à celle associée aux rapports oraux ou vaginaux.

Le modèle des niveaux de risque de transmission du VIH de la Société canadienne du sida

Le document publié par la Société canadienne du sida (SCS), « La transmission du VIH : guide d'évaluation du risque »(2), fournit un bon modèle pour déterminer les niveaux de risque de transmission du VIH associés à différents comportements. Les niveaux de risque sont classés en quatre catégories :

Risque élevé : Les pratiques énumérées dans cette catégorie présentent un risque de transmission du VIH parce qu'elles comportent l'échange de liquides organiques comme le sperme, les sécrétions vaginales, le sang ou le lait maternel. Un nombre important d'études scientifiques ont maintes fois associé ces activités à l'infection à VIH. Citons à titre d'exemples les relations péno-anales ou péno-vaginales actives ou passives sans condom, l'échange d'aiguilles ou de seringues et l'insertion passive de jouets sexuels partagés.

Faible risque : Les pratiques dans cette catégorie présentent un risque de transmission du VIH parce qu'elles comportent l'échange de liquides organiques, comme le sperme, les sécrétions vaginales, le sang, le lait maternel; quelques cas d'infection signalés ont été associés à ces pratiques. Citons comme exemples la fellation passive sans barrière, le cunnilingus actif sans barrière, les relations péno-anales ou péno-vaginales actives ou passives avec barrière et l'injection d'une substance au moyen d'une aiguille et d'une seringue usagées qui n'ont pas été nettoyées.

Risque négligeable : Bien que les pratiques dans cette catégorie présentent un risque de transmission du VIH parce qu'elles comportent l'échange de liquides organiques, les quantités, les conditions et les milieux d'échange contribuent à réduire de beaucoup l'efficacité de la transmission du VIH. Il n'y a pas de rapports confirmés de cas d'infection associés à ces activités. Citons comme exemples les relations digito-anales, la fellation/cunnilingus actif ou passif avec barrière et l'anilingus.

Aucun risque : Aucune de ces pratiques dans cette catégorie ne semble entraîner la transmission du VIH. Il n'y a aucun risque d'infection à VIH vu qu'aucune des conditions de base essentielles à la transmission du virus n'est présente. Citons comme exemples le baiser, le frottement corps à corps et l'injection d'une substance avec une nouvelle aiguille et une nouvelle seringue.

Le comité d'experts a recommandé que la nouvelle édition du guide de la SCS (publiée en 2004) quantifie les niveaux de risque associé à différents comportements et que la charge virale soit prise en compte dans la transmission du VIH. Il a également recommandé que le guide contienne une analyse complète du risque de transmission du VIH de la mère à l'enfant de même que ceux associés aux enfants séropositifs.

Cadre possible pour la non-divulgation de la séropositivité à l'égard du VIH/sida - le modèle de la Région sanitaire de Calgary

La Région sanitaire de Calgary, en Alberta, a élaboré un modèle pour la non-divulgation de la séropositivité à l'égard du VIH/sida. Il se fonde sur une réponse graduée face à des personnes qui refusent de dévoiler leur séropositivité. Cela va des mesures moins interventionnistes, moins restrictives, à d'autres plus restrictives ou plus coercitives, y compris les sanctions légales au besoin. Les interventions doivent se faire en collaboration avec les services de santé mentale, les services de police, les services sociaux, médicaux et communautaires.

Voici certains des principes sous-tendant le modèle de la Région sanitaire de Calgary :

  • Le mandat des services de santé publique est de protéger les gens et non de les punir.
  • Les mesures les plus efficaces pour freiner la propagation du VIH dans la population sont la participation à un dépistage volontaire, l'éducation et les programmes de promotion de la santé visant à atteindre les personnes ou les groupes qui sont ou qui peuvent être à risque.
  • On tente par tous les moyens de s'assurer que le soutien ou les interventions nécessaires sont offerts aux personnes qui peuvent ne pas vouloir ou ne pas être capables de se protéger elles-mêmes ou de protéger les autres. Les services de santé publique doivent s'efforcer de protéger les besoins de tous les groupes dans la société, y compris ceux qui peuvent être marginalisés.
  • Les services de santé publique essaient de travailler en partenariat avec d'autres médecins, dispensateurs de soins et groupes commu- nautaires afin d'empêcher que ne surviennent des cas difficiles et de gérer ceux-ci lorsqu'ils se présentent.
  • Les interventions en santé publique doivent concilier les droits de l'individu avec le devoir de protéger la population, lorsque le risque pour la sécurité publique peut l'emporter sur les droits individuels.
  • Les médecins hygiénistes ont le devoir et le pouvoir, conformément à l'Alberta Public Health Act(3), de trouver un équilibre entre les droits individuels et les risques pour la population.
  • Lorsque des mesures volontaires pour gérer un cas difficile s'avèrent inefficaces, on devrait intervenir dans le cadre de la législation sur la santé publique à moins qu'on ne soit en présence d'un comportement criminel évident. Une fois que toutes les interventions et mesures de soutien possibles ont échoué, une ordonnance peut être émise à la discrétion du médecin hygiéniste en chef ou encore un certificat ou une ordonnance peuvent être délivrés en vertu de l'Alberta Public Health Act pour mieux prendre en charge une personne récalcitrante ou incapable.
  • La prise indue de mesures punitives contre des cas difficiles relativement peu nombreux pourrait entraver l'efficacité des programmes volontaires destinés au grand nombre de cas courants en stigmatisant davantage les personnes ou en éveillant chez elles la crainte d'être victimes de discrimination, ce qui peut contribuer à augmenter la propagation du VIH.

La figure 1 présente un diagramme en cours d'élaboration par la Région sanitaire de Calgary sur le continuum des interventions en santé publique en cas de non-divulgation de la séropositivité à l'égard du VIH/sida. On trouvera après le diagramme une description des cinq niveaux d'intervention dans le cas des personnes qui ne veulent pas ou ne peuvent pas dévoiler leur séropositivité.

Figure 1. Diagramme de Législation et procédures pour les clients que ne veulent pas ou ne peuvent pas

  • Approche graduée en santé publique en collaboration avec les services de santé mentale, les services sociaux, les services médicaux et communautaires
  • Les interventions peuvent se faire à plusieurs niveaux simultanément
  • Les interventions visent à améliorer la qualité de vie, la réinsertion sociale et à protéger la santé de la population.

Plainte initiale

  • Avis - formule 2 pour patient récalcitrant ou
  • Rapport verbal reçu par MH/MHA/ID* concernant un client qui peut ne pas vouloir ou ne pas être capable de prévenir la transmission du VIH

Formulaire de prévaluation

Le MH/MHA/ID consigne les détails de la plainte, confirme de diagnostic d’infection à VIH et détermine si le client a reçu le counselling approprié au moment du diagnostic.

Le client n’a pas reçu un counselling approprié

Le diagnostic d’infection à VIH est confirmé et on a des preuves que la personne ne veut pas ou ne peut pas protéger les autres

Évaluation

  • L’ID évalue les connaissances, la capacité d’observance et les antécédents lors de l’entrevue avec le client
  • Elle oriente ce dernier vers des services d’évaluation neurocognitive/psychiatrique au besoin
  • Elle remplit le formulaire d’évaluation et le transmet au MH ou au MHA.

Client qui ne peut pas
Le client est incapable de prévenir la transmission du VIH pour des raisons « internes » telles qu’une maladie mentale organique ou « externes », telles que des pressions exercées par d’autres(4)

Client qui ne veut pas
Il adopte intentionnellement des comportements à haut risque tout en ayant la capacité et la chance de prévenir la transmission du VIH

Aucune intention
Aucune preuve de comportement à risque

Niveau 1 : Counselling et éducation
L’ID :

  • offre des services de counselling, d’éducation et de suivi
  • oriente la personne vers des organismes communautaires de soins et de traitement au besoin
  • examine régulièrement la situation avec le client
  • discute des questions juridiques
  • transmet un rapport mensuel au MH/MHA

Niveau 2 : Aide pour accéder aux services
L’ID :

  • offre une aide au client pour avoir accès à un logement, à de la nourriture, à du counselling, à des soins et à des traitements
  • examine régulièrement la situation avec le client
  • transmet un rapport mensuel au MH/MHA

Niveau 3 : Ordonnance de santé publique
Le MH/MHA est au courant que les risques perdurent et émet une ordonnance en vertu de l’article 29 de la Public Health Act.

Étape 1. L’ordonnance contient des conditions relatives aux aspects suivants : divulgation de la séropositivité, protection des partenaires, interdiction d’échanger des aiguilles ou de donner du sang/tissue, notification de résidence, rencontres régulières avec l’ID, observance du traitement médical et counselling.

Étape 2. Si le client continue de ne pas vouloir/pouvoir modifier son comportement malgré l’ordonnance et l’intervention, des conditions visant à limiter davantage le comportement du client sont imposées, telles que l’interdiction d’activités qui exposent les autres à des risques ou des restrictions quant aux endroits où la personne peut aller.
L’ID :

  • assure un suivi et une coordination des cas avec les organismes compétents
  • examine régulièrement la situation avec les clients
  • transmet un rapport mensuel au MH/MHA

Niveau 4a : Ordonnance d’arrestation**

(Peut être utilisée pour les clients une fois l’évaluation terminée, avec ou sans ordonnances de santé publique).

Le MH/MHA est au courant que les risques persistent et émet le formulaire 3 Certificat du médecin hygiéniste (article 39 de la Loi) pour qu’un agent de la paix amène le client dans un établissement désigné, tel qu’une unité médico-légale d’un hôpital ou un centre de santé communautaire sécurisé. (Ce certificat doit être délivré dans les 72 heures de la réception d’un formulaire 2, si la personne est évaluée comme ne voulant pas ou ne pouvant pas protéger les autres.) Le MH envoie l’information à l’établissement désigné en réclamant une évaluation médicale et un examen de l’état mental du client. L’examen doit être effectué dans les 24 heures.

Niveau 4b : Ordonnance d’isolement

Une fois que le client est admis dans l’établissement, deux médecins peuvent délivrer une ordonnance d’isolement (article 44 de la Loi) permettant de détenir le client pour qu’il reçoive un traitement ou soit stablisé. Un médecin réexaminera le client au moins une fois tous les 7 jours afin de déterminer s’il peut être relâché en vertu d’une ordonnance de libération. Des copies des ordonnances d’isolement et de leur annulation sont transmises au médecin hygiéniste en chef.

Niveau 5 : Criminel

Le MH/MHA est au courant que le risque persiste et que malgré le soutien important offert par la région sanitaire, le client continue de s’exposer et d’exposer autrui de façon intentionnelle à des risques. Le client peut être accusé en vertu de la Public Health Act ou de Code criminel.

Description des cinq niveaux d'intervention du modèle de la Région sanitaire de Calgary

Niveau 1 : Le premier niveau d'intervention comporte des services de counselling et d'éducation en santé publique pour les personnes qui ne veulent pas ou ne peuvent pas dévoiler leur état, p. ex., concernant l'injection de drogue à risque réduit et les pratiques sexuelles sûres. Il peut être obligatoire pour une personne de suivre un traitement médical et d'utiliser une forme de protection. La personne est suivie par l'ID et est orientée vers des organismes de santé communautaire et de traitement. L'ID présente des rapports mensuels au MH/MHA.

Niveau 2 : Le deuxième niveau comporte une assistance pour avoir accès aux services nécessaires qui peuvent aider les personnes atteintes d'une infection à VIH ou du sida à se conformer à l'Alberta Health Act. Il peut s'agir d'aide pour le logement, la nourriture, le counselling, les soins de santé et la désintoxication. L'ID organise des rencontres régulières avec la personne qui ne veut ou ne peut pas protéger les autres et transmet des rapports mensuels au MH/MHA.

Niveau 3, étape 1 : Une ordonnance de santé publique est délivrée lorsque le MH/MHA sait que la personne présente un risque de transmission du VIH à d'autres et que l'évaluation indique qu'elle continuera d'exposer les autres à des risques. L'ordonnance de santé publique décrit les conditions de divulgation de la séropositivité et les mesures qui doivent être prises pour protéger les partenaires sexuels. Elle interdit le partage de matériel d'injection, le don de sang ou de tissu ainsi que l'utilisation de substances illégales. La personne qui ne veut ou ne peut pas protéger les autres est tenue d'identifier son lieu de résidence, de rencontrer régulièrement l'ID et d'observer le traitement médical prescrit et de recevoir les services de counselling. L'ordonnance précise que tout défaut de se conformer résultera en poursuites qui seront intentées en vertu de l'Alberta Health Act et/ou le Code criminel. Une copie de l'ordonnance de santé publique est transmise à l'association provinciale de la santé.

Pour déterminer si la personne peut passer de l'étape 1 à l'étape 2, il faut effectuer un suivi et coordonner le cas avec les organismes compétents tels que l'Alberta Mental Health Association, les services policiers de Calgary, les organisations de lutte contre la toxicomanie, les organisations de lutte contre le sida, les organisations venant en aide aux personnes déficientes sur le plan du développement et les groupes de femmes.

Niveau 3, étape 2 : Si le comportement persiste malgré l'ordonnance rendue à l'étape 1 et malgré les interventions en santé publique, une ordonnance de santé publique est délivrée à l'étape 2 et renferme des conditions qui limitent encore davantage le comportement de la personne. On peut interdire à cette dernière de fréquenter certains endroits et elle peut être tenue de suivre un régime thérapeutique prescrit par un médecin. L'ordonnance de santé publique peut comporter des interdictions visant certains actes sexuels, le don de sang et le partage d'aiguilles et de seringues. L'ID surveille le comportement de la personne qui ne veut/peut pas protéger les autres et assure une coordination/gestion du cas avec les organismes compétents. L'ID présente des rapports mensuels au MH/MHA. Si la personne séropositive continue de ne pas se protéger et de ne pas protéger les autres, des interventions plus strictes, y compris des poursuites, peuvent être entreprises.

Niveau 4A, ordonnance d'arrestation : Dans ce quatrième niveau d'intervention, le MH/MHA délivre une ordonnance d'arrestation (certificat - formulaire 3) dans le cas d'un client qu'on a évalué comme étant récalcitrant ou non capable et qui présente un risque immédiat pour les autres. Une ordonnance de santé publique peut ou non avoir déjà été émise dans son cas. Le MH/MHA, conscient que le risque persiste, délivre une ordonnance autorisant un agent de la paix à arrêter la personne récalcitrante/non capable et à l'amener dans un établissement désigné dans les sept jours suivant l'ordonnance. Le MH/MHA transmet l'information à un établissement désigné, tel qu'une unité médico-légale d'un hôpital ou un centre de santé communautaire sécurisé et demande qu'une évaluation de la santé et qu'un examen de l'état mental soient effectués. Cet examen doit être réalisé dans les 24 heures suivant l'arrivée de la personne dans l'établissement.

Niveau 4B, ordonnance d'isolement : Si, après l'arrestation, il faut admettre le client, une ordonnance d'isolement doit être émise pour détenir la personne dans l'établissement afin qu'elle reçoive un traitement ou qu'elle soit stabilisée. Le client doit avoir été évalué et deux médecins doivent signer. Un médecin doit réexaminer le patient au moins une fois tous les 7 jours afin de déterminer si celui-ci peut être libéré conformément à une ordonnance en vertu de l'Alberta Health Act. Les MH/MHA/ID participent activement au processus.

Niveau 5, poursuites au criminel : Le niveau ultime d'intervention en santé publique consiste en des poursuites au criminel intentées contre une personne récalcitrante qui refuse de se conformer aux mesures visant à prévenir la transmission du VIH. Les poursuites en justice peuvent être entreprises en même temps que d'autres niveaux d'intervention. Dans le cas d'une intervention de niveau 5, le MH/MHA sait que le risque persiste et que malgré le soutien offert par la région sanitaire, la personne continue intentionnellement de s'exposer et d'exposer les autres à des risques. La région sanitaire et les partenaires communautaires peuvent entamer des poursuites en vertu de l'Alberta Public Health Act et/ou du Code criminel. La personne peut être poursuivie pour nuisance publique en vertu du Code criminel, la peine maximale d'emprisonnement étant de 2 ans.

Recommandations du comité d'experts

Le comité d'experts a approuvé le modèle proposé par la Région sanitaire de Calgary, sous réserve des recommandations suivantes.**

On a proposé que le modèle de Calgary utilise le document de la SCS, « La transmission du VIH : guide d'évaluation du risque » (risque élevé, faible risque, risque négligeable et aucun risque). On a également recommandé que les principes suivants soient pris en considération par les provinces et les territoires dans l'élaboration d'un cadre régissant la non-divulgation de la séropositivité à l'égard du VIH/sida :

  • Peu importe le niveau de risque, s'il y a divulgation, la personne ne devrait pas faire l'objet de mesures coercitives de santé publique. Toutefois, des services de counselling et d'éducation devraient continuer d'être offerts à la personne séropositive.
  • S'il n'y a pas de risque et si la séropositivité n'est pas divulguée, aucune autre intervention en santé publique que des services de counselling et d'éducation n'est effectuée.
  • Si le risque est négligeable et qu'il n'y a pas de divulgation, aucune autre intervention en santé publique que des services de counselling et d'éducation n'est effectuée.
  • Si le risque est élevé et que la séropositivité n'est pas divulguée, on interviendra conformément à un modèle de santé publique. Les mesures les moins interventionnistes devraient être généralement adoptées avant l'imposition de mesures coercitives.

Plusieurs facteurs peuvent être considérés dans la détermination du niveau d'intervention :

  • le niveau de risque associé au comportement;
  • la fréquence du comportement à risque;
  • la vulnérabilité des personnes qui risquent d'être infectées par le VIH, p. ex., un enfant;
  • la réaction de la personne séropositive à l'intervention;
  • la divulgation ou non de la séropositivité au partenaire;
  • la vulnérabilité de la personne séropositive s'il y a divulgation, p. ex., situations de violence conjugale, cas des détenus dans des établissements correctionnels.

La divulgation de la séropositivité est l'objectif ultime même si le risque d'infection par le VIH est négligeable et qu'aucune intervention en santé publique n'est entreprise.

Le comité d'experts a proposé qu'on définisse clairement les droits à une procédure équitable de la personne séropositive. Cette dernière devrait également être avisée des interventions qui peuvent être imposées. Un défenseur des droits des patients devrait être disponible à la fois pour défendre les droits indépendants du patient et offrir un soutien, par exemple lorsqu'une ordonnance d'arrestation ou d'isolement est rendue contre la personne. Celle-ci devrait avoir accès à un avocat. Les protections indiquées dans la Charte des droits et libertés du Canada doivent être respectées en cas d'intervention de l'État.

On a également recommandé qu'il y ait un droit automatique d'appel dans le cas d'une ordonnance imposée par des services de santé publique à l'endroit d'une personne séropositive. C'est que certaines personnes ne sont pas en mesure d'intenter un appel, par exemple celles qui souffrent d'une maladie mentale ou qui sont analphabètes.

On a également recommandé la création d'un comité consultatif externe qui fonctionnerait du début à la fin de la procédure entreprise dans le cas de la personne qui n'a pas divulgué sa séropositivité. Ce comité serait composé de personnes issues de différentes disciplines, telles que la santé mentale, le travail social, la médecine, la police et les services communautaires.

* MH = médecin hygiéniste; MHA = médecin hygiéniste adjoint; ID = infirmière désignée **Un client peut transmettre un avis de requête à un juge de la Cour du Banc de la Reine à n’importe quel moment afin de faire annuler le certificat délivré en vertu de l’article 39.

Références

  1. Voir, par exemple, Réseau juridique canadien VIH/sida. Après l'arrêt Cuerrier : le droit criminel canadien et la non-divulgation de la séropositivité. Montréal, 1999. Commentaire sur R.V. Williams (Cour suprême du Canada, 2003) et des questions d'ordre juridique et éthique soulevées par le VIH/sida - bibliographie annotée.
  2. Société canadienne du SIDA. La transmission du VIH : Guide d'évaluation du risque. 3e édition. Ottawa, 1999.
  3. Alberta Public Health Act, 2000:37.
  4. Culver K. Les personnes qui ne sont pas disposées à prévenir la transmission du VIH ou qui en sont incapables : version concise d'une analyse législative et documentaire. Ottawa : Comité consultatif F/P/T sur le sida, Santé Canada, 2002.

Source : Rédigé par Ronda Bessner, conseillère juridique et politique (LLM, LLB, BCL, BA (Hons)) pour le Comité consultatif F/P/T sur le VIH/sida.

* Cet article rend compte des échanges entre les participants lors de la table ronde et peut ne pas refléter les opinions de l'Agence de la santé publique du Canada, des gouvernements provinciaux ou territoriaux ou du Comité consultatif fédéral-provincial-territorial sur le VIH/sida.

Nota. Les codes de déontologie de divers professionnels de la santé ont également été passés en revue lors de la table ronde, par exemple celui de l'Association médicale canadienne, de l'Association des infirmières et infirmiers du Canada et de l'Association des psychiatres du Canada. On a en outre examiné le pouvoir discrétionnaire des professionnels de la santé de violer le secret professionnel pour avertir un tiers d'un danger, qui a été étudié dans l'arrêt de la Cour suprême du Canada dans l'affaire Smith c. Jones (1999). La Cour déclare que trois conditions doivent être réunies : il doit y avoir 1) un lien clair avec une personne ou un groupe de personnes identifiables; 2) un risque de blessure grave ou de décès; et 3) un danger imminent. L'arrêt de la Cour suprême du Canada dans l'affaire R. c. Cuerrier (1998) a également fait l'objet de discussions. La question en litige était de savoir si la non-divulgation de la séropositivité pouvait constituer une fraude viciant le consentement d'un partenaire à des rapports sexuels, exposant la personne infectée par le VIH à être accusée de voies de fait en vertu du Code criminel. La Cour a statué que pour qu'il y ait fraude, trois facteurs doivent être présents : 1) une personne raisonnable doit considérer le comportement comme malhonnête (la non-divulgation de la séropositivité peut constituer un tel comportement malhonnête); 2) la malhonnêteté doit entraîner un risque important de préjudice corporel (il découle de l'argumentation dans Cuerrier que des relations sexuelles protégées avec un condom peuvent ne pas être jugées comme un risque important pour la santé); et 3) la personne n'aurait pas consenti à des actes sexuels si son partenaire avait divulgué sa séropositivité. Il convient de noter que la terminologie employée dans Cuerrier, « risque important de lésion corporelle grave », est intégrée dans plusieurs codes de déontologie de professionnels de la santé. Les membres du comité d'experts ont indiqué que les codes de déontologie aident peu à définir les seuils en ce qui concerne la divulgation des renseignements sur les patients.

**À noter que certains membres du comité d'experts étaient critiques à l'égard d'une législation qui oblige les médecins à signaler les comportements à risque.

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