Surveillance active de l'infection par le virus de la grippe chez les enfants au Stollery Children's Hospital pendant la saison grippale 2003-2004

Introduction

Des recommandations ont été formulées à l'échelle nationale(1) et internationale(2) en vue d'étendre la vaccination antigrippale systématique à tous les enfants âgés de 6 à 23 mois. Anticipant sur cette recommandation, nous avons entrepris une surveillance active de l'infection grippale au Stollery Children's Hospital d'Edmonton (Alberta), pendant la saison grippale 2003-2004, grâce à l'aide financière du ministère de la Santé et du Bien-être de l'Alberta (AHW).

Méthodologie

La surveillance prospective active de l'infection grippale chez les enfants de < 17 ans a débuté au Stollery Children's Hospital (SCH) le 14 octobre 2003 et se poursuit. Cette surveillance a été confiée à l'unité à l'hôpital du Programme de surveillance active des effets secondaires associés aux vaccins (IMPACT) de la Société canadienne de pédiatrie et de Santé Canada. L'étude a été présentée au comité d'éthique de la recherche en santé de l'Université de l'Alberta et approuvée par ce dernier. Plusieurs méthodes ont été employées pour identifier les cas.

  1. Surveillance en laboratoire : Identification, par immunofluorescence ou par culture rapide, au Laboratoire provincial de virologie de tous les échantillons positifs pour la grippe qui provenaient des urgences, des services de consultations externes ou des services d'hospitalisation de l'hôpital. La date du cas correspondait à la date à laquelle le test diagnostique s'était révélé positif.

  2. Lutte contre les infections : Surveillance des cas identifiés dans le cadre de la lutte contre les infections. Tous les cas supplémentaires ont été ajoutés à ceux visés par la surveillance.

  3. Examen des hospitalisations quotidiennes : Examen de tous les diagnostics établis au moment de l'hospitalisation qui présentaient les caractéristiques cliniques d'une infection grippale. Les cas d'infection grippale confirmée par un autre laboratoire ont été ajoutés à ceux visés par la surveillance.

  4. Vérification quotidienne avec les infirmières et le personnel médical et un consultant en infectiologie.

Pour être incluse dans la surveillance, l'infection grippale devait être le motif de l'hospitalisation ou exacerber sensiblement les symptômes de l'affection sous-jacente et nécessiter une hospitalisation ou avoir été acquise à l'hôpital. Les cas chez lesquels l'infection grippale a été diagnostiquée de manière fortuite n'ont pas été inclus.

Un formulaire de déclaration des cas a été conçu pour recueillir des données démographiques, ainsi que des indications sur les problèmes de santé sous-jacents, les antécédents de vaccination antigrippale, les manifestations cliniques, le motif de l'hospitalisation, le traitement antiviral, les complications, l'antibiothérapie, les soins nécessaires et les voyages. Ces données ont été recueillies, d'une part, dans les dossiers des patients et, d'autre part, dans le cadre d'entretiens avec leurs parents. Le diagnostic d'infection bactérienne secondaire reposait sur les manifestations cliniques. Les pneumonies étaient classées par le chercheur dans la catégorie «Infection bactérienne secondaire» si celles-ci présentaient les caractéristiques cliniques, radiographiques ou biologiques d'une infection bactérienne secondaire. Les cas de pneumonie n'étaient pas tous d'origine bactérienne, certains étant la manifestation d'une infection grippale primaire.

La plupart des cas hospitalisés ont été identifiés de manière prospective, au moment de leur admission à l'hôpital, ce qui a permis de recueillir auprès des parents des données plus exhaustives sur l'origine ethnique, les antécédents en matière de voyages et la vaccination antigrippale. Ces informations n'étaient pas consignées de manière fiable dans les dossiers médicaux. On a confirmé les antécédents d'immunisation des sujets qui étaient admissibles à la vaccination, d'après les directives alors en vigueur de l'AHW et du Comité consultatif national de l'immunisation (CCNI)(3), soit en examinant le dossier de santé publique, soit en interrogeant les parents. Dans la mesure du possible, les motifs de non-vaccination ont été analysés. Les cas d'infection survenus pendant les deux premières semaines d'octobre ont été identifiés de manière rétrospective, ce qui explique la moins grande exhaustivité des données sur les voyages et la vaccination. Les dossiers des cas d'infections contractées à l'hôpital ont été examinés et recueillis pendant toute la durée de l'hospitalisation, après et pendant les manifestations de l'infection grippale ou de ses complications.

Des rapports réguliers précisant le nombre total de cas et la morbidité importante correspondante ont été transmis à l'AHW pendant la surveillance. Les différences entre les groupes ont été évaluées au moyen d'un test-t de Student, d'un test du chi carré et d'une régression logistique.

Résultats

Cent cinquante-neuf cas d'infection par le virus de la grippe ont été détectés au SCH; 93 d'entre eux étaient des patients hospitalisés, 90 ayant été hospitalisés pour cause d'infection grippale et 3 l'ayant acquise à l'hôpital; les 66 autres cas ont été décelés dans les services externes et plus particulièrement aux urgences.

Épidémiologie

L'éclosion a débuté très tôt à Edmonton, les premiers cas ayant été identifiés au SCH le 2 octobre 2003. Le dernier cas a été recensé le 4 janvier 2004. L'éclosion s'est poursuivie à un rythme soutenu de la mi-octobre à la mi-novembre, plus de 20 cas par semaine ayant été enregistrés pendant cette période de 4 semaines (figure 1).


Figure 1. Éclosion d'infection grippale, Stollery Children's Hospital , octobre 2003 - janvier 2004, nombre total de cas chaque semaine

Figure 1. Éclosion
            d'infection grippale, Stollery Children's Hospital ,
            octobre 2003 - janvier 2004, nombre total de cas chaque
            semaine

Virologie

Tous les isolats étaient infectés par le virus de la grippe A, et ceux qui ont été caractérisés contenaient le variant A/Fujian (H3N2).

Données démographiques

  1. Âge et état de santé - L'âge moyen de tous les enfants identifiés était de 3,1 ans; 55 % d'entre eux avaient < 2 ans. Soixante et un pour cent des enfants hospitalisés avaient < 2 ans et 23 %, < 6 mois. Soixante pour cent des enfants hospitalisés de < 2 ans étaient par ailleurs en bonne santé. Les enfants de < 2 ans ont ensuite été séparés en deux groupes, selon l'âge : ceux de < 6 mois (non encore visés par la vaccination) et ceux âgés de 6 à 23 mois (tableau 1). Les enfants plus jeunes admis à l'hôpital étaient plus nombreux à être en bonne santé : 90 % des nourrissons de < 6 mois, 42 % des enfants âgés de 6 à 23 mois et 19 % des enfants de > 2 ans étaient par ailleurs en bonne santé (p < 0,001). L'affection sous-jacente la plus fréquente était soit pulmonaire, soit neurologique. L'âge gestationnel a été déterminé pour 77 d'entre eux : 21 (27 %) étaient nés à moins de 37 semaines de gestation. La prématurité est le facteur de risque le plus important chez les enfants âgés de 6 à 23 mois. L'immunodéficience est un facteur de risque rare chez les enfants de < 2 ans et n'a été relevée que chez 8 (11 %) des 72 enfants plus âgés ayant fait l'objet d'un diagnostic d'infection grippale, les enfants hospitalisés et non hospitalisés étant également touchés.

  2. Origine ethnique - Il n'a pas toujours été possible de préciser l'origine ethnique, surtout pour les consultants externes dont le dossier à l'urgence était généralement examiné après leur congé. L'origine ethnique de 65 des 93 enfants hospitalisés a pu être établie. Trente enfants étaient autochtones (10 membres des Premières nations, 1 Inuit, 19 issus d'autres groupes autochtones), soit 46 % des enfants dont l'origine ethnique a pu être établie et 32 % de tous les enfants hospitalisés. Vingt-neuf (45 % des enfants dont l'origine ethnique était connue, 31 % de tous les enfants hospitalisés) étaient de race blanche. Parmi les enfants hospitalisés de < 2 ans, 25 étaient autochtones (64 % des enfants dont l'origine ethnique était connue, 42 % de tous les enfants hospitalisés de < 2 ans).

Tableau 1. Cas de grippe selon l'âge et l'état de santé, Stollery Children's Hospital pendant la saison gripple 2003-2004

HOSP.

< 6 mois, n(%)

6-23 mois, n(%)

> 2 ans, n(%)

Tous les âges, n(%)

STATUT

BS

MS

Total

BS

MS

Total

BS

MS

Total

BS

MS

Total

Hospitalisé

19(90)

2(10)

21

15(42)

21(38)

36

7(19)

29(81)

36

41(44)

52(56)

93

Non hospitalisé

4(80)

1(20)

5

19(76)

6(24)

25

20(56)

16(44)

36

43(65)

23(35)

66

Total

23(88)

3(12)

26

34(56)

27(44)

61

27(38)

45(62)

72

84(53)

75(47)

159

BS = en bonne santé; MS = en mauvaise santé


Manifestations cliniques

Le symptôme le plus courant était la fièvre, (94 % des enfants). Dix pour cent des enfants présentaient une léthargie, 55 % une rhinorrhée et 88 % une toux. La pharyngite et l'otite moyenne ont été l'une et l'autre diagnostiquées chez 10 % des enfants. Vingt-trois pour cent des cas présentaient une détresse respiratoire, dont 15 % une pneumonie et 5 % un croup. Aucun ne souffrait d'apnée. Les nausées et vomissements (34 %), la diarrhée (16 %) et la déshydratation (18 %) étaient courants. Huit pour cent des enfants ont présenté des convulsions, qu'il s'agisse de crises convulsives fébriles simples ou de crises convulsives récurrentes pour les enfants souffrant déjà d'un trouble convulsif. Un cas d'encéphalite et deux cas de méningite ont été identifiés.

Infection bactérienne secondaire

Au total, 16 enfants (10 %) et 13 % des cas hospitalisés ont fait l'objet d'un diagnostic d'infection bactérienne secondaire. Cinq pneumonies, 2 bactériémies (Streptococcus pneumoniae et Pseudomonas aeruginosa), 2 infections urinaires, 2 cas de cellulite et 5 autres diagnostics, dont une érythrodermie bulleuse avec épidermolyse et une mastoïdite, ont par ailleurs été recensés.

Traitement par des antimicrobiens

Plus de la moitié (58 %) de tous les enfants identifiés ont reçu des antibiotiques. Le recours aux antibiotiques semble avoir été plus fréquent chez les enfants plus jeunes (< 6 mois, 65 %; 6 à 23 mois, 49 %; > 2 ans, 40 %), encore que cela ne soit pas statistiquement significatif. Toutefois, le traitement par des antibiotiques était significativement plus fréquent chez les enfants hospitalisés (82 %), que chez les enfants non hospitalisés (25 %) (p < 0,001). Quatre enfants ont reçu de l'oseltamivir. Aucun autre antiviral n'a été prescrit.

Aggravation de l'affection sous-jacente

En tout, 38 enfants (24 %) ont présenté une aggravation de leur affection sous-jacente. L'asthme est l'affection sous-jacente dont la détérioration était la plus fréquente, 15 enfants (39 %) ayant signalé une respiration plus sifflante et 7 (18 %) ayant nécessité une supplémentation en oxygène ou une ventilation mécanique. Six enfants (16 %) souffrant de troubles convulsifs sous-jacents ont fait état de crises convulsives plus fréquentes.

Utilisation des ressources hospitalières

  1. Patients hospitalisés : Au total, 435 jours ont été passés à l'hôpital à cause de la grippe : 72 jours pour les enfants de < 6 mois; 168 jours pour ceux de 6 à 23 mois; 195 jours pour les > 2 ans. Quarante-sept enfants (51 %) ont nécessité une supplémentation en oxygène. Cinq enfants ont dû être placés sous ventilation mécanique. La durée d'hospitalisation des enfants plus jeunes semble avoir été plus courte et ceux-ci ont nécessité moins de jours d'oxygénothérapie, mais cela n'est pas significatif sur le plan statistique.

  2. Cas nosocomiaux : Trois cas d'infection nosocomiale ont été recensés. L'un de ces trois cas était un enfant de 7 mois, hospitalisé pour une chimiothérapie et testé positif pour le virus de la grippe le jour de sa sortie. Cet enfant a été réhospitalisé dans les 24 heures avec détresse respiratoire aggravée; il a été admis aux soins intensifs pédiatriques avec un choc septique à S. pneumoniae. L'enfant a dû recevoir des soins intensifs pendant 11 jours, a dû être placé sous ventilation mécanique pendant 8 jours et a bénéficié d'une supplémentation en oxygène pendant 22 de ses 29 jours d'hospitalisation.

  3. Admission aux soins intensifs : Sept enfants ont été admis aux soins intensifs pédiatriques pour un total de 60 jours (intervalle de variation : 1 à 11 jours). Un nourrisson était âgé de < 6 mois, 3 étaient âgés entre 6 et 23 mois et 3 avaient > 2 ans.

Résultats

Aucun décès pour cause d'infection grippale n'a été déploré. Tous les patients hospitalisés se sont rétablis et ont quitté l'hôpital ou sont encore hospitalisés pour d'autres raisons. L'état d'un enfant s'est amélioré et il a été transféré dans un autre établissement (encore qu'il ne se soit pas complètement rétabli de son encéphalite).

Facteurs de risque/indications pour la vaccination

Soixante enfants présentaient des facteurs de risque justifiant une vaccination antigrippale, selon les lignes directrices de 2003 de l'AHW et du CCNI3, soit 38 % des enfants de l'étude, 42 % des patients hospitalisés et 24 % des patients non hospitalisés. Le facteur de risque le plus fréquent était la maladie pulmonaire (47 % des cas). La deuxième catégorie de risque la plus fréquente (22 %) englobait les maladies chroniques non précisées dans les lignes directrices du CCNI. L'«autre maladie chronique» la plus courante était à caractère neurologique. Dix enfants avaient été vaccinés et 7 d'entre eux ont été hospitalisés. Tous ces enfants ont présenté des symptômes dans les 14 jours suivant l'immunisation; aucun échec vaccinal n'a été documenté.

Motifs de non-vaccination

Sur les 60 enfants admissibles à la vaccination, 32 % ont été infectés trop tôt pendant la saison grippale pour que le vaccin soit efficace (c.-à-d. dans les 14 jours après que le vaccin eut commencé à être offert dans la collectivité le 14 octobre) : 20 % des familles ignoraient que la vaccination était indiquée pour leur enfant; 2 enfants étaient allergiques aux œufs; 1 était trop jeune et la famille d'un des enfants avait pris rendez-vous pour une vaccination, mais l'enfant a contracté l'infection avant (cet enfant a été hospitalisé aux soins intensifs pédiatriques).

Voyages

Les antécédents en matière de voyages n'ont pas pu être obtenus dans 60 % des cas signalés. Lorsque ces antécédents ont été obtenus, il s'est avéré que les membres de la famille de 12 enfants (19 %) avaient voyagé au cours des 30 derniers jours : 3 dans leur province d'origine, 4 dans d'autres régions du Canada, 1 dans la partie continentale des États-Unis, 1 en Asie (Chine), 1 en Australie, 1 en Amérique centrale (El Salvador) et 1 dans un pays qui n'a pas été déterminé.

Analyse

Cet article fait le bilan de la première surveillance prospective active de l'infection grippale chez les enfants en milieu hospitalier. Le caractère actif et prospectif de la collecte de données permet d'obtenir une description complète des données démographiques, des facteurs de risque, des antécédents en matière de vaccination, des manifestations cliniques, des complications et des besoins en ressources hospitalières associés à la grippe chez des enfants traités dans un hôpital spécialisé de soins tertiaires au Canada. Puisque cette surveillance a coïncidé avec la première éclosion d'infection grippale due à la souche Fujian, nous avons pu obtenir une description complète et rapide des manifestations cliniques chez les enfants gravement malades.

Comme nous l'avons précisé plus haut(4-6), le fardeau de la grippe est particulièrement lourd chez les jeunes enfants par ailleurs en bonne santé. La majorité des enfants hospitalisés avaient < 2 ans et une grande proportion d'entre eux était en bonne santé. On a également relevé une morbidité et une durée d'hospitalisation importantes chez les enfants de < 6 mois pour lesquels la vaccination n'était alors pas indiquée. Les enfants hospitalisés étaient légèrement plus âgés dans cette étude que ceux de l'étude rétrospective menée à l'Hôpital de Montréal pour enfants(6) (3,3 ans contre 26 mois) et la proportion de nourrissons de < 6 mois était également inférieure (23 % contre 34 %). Cet écart tient peut-être aux manifestations cliniques de la nouvelle souche Fujian ou résulter de différences dans les habitudes d'orientation des deux hôpitaux. La représentation des enfants autochtones dans cette étude est en outre disproportionnée. Les Autochtones représentent environ 3 % de la population de l'Alberta et pourtant un nombre équivalent d'enfants autochtones et d'enfants de race blanche ont été hospitalisés. Cette surreprésentation est peut-être le signe d'une prédisposition génétique à des infections plus graves ou le résultat de conditions socio-économiques qui majorent le risque d'infection, de complications ou d'hospitalisation.

Les manifestations cliniques de l'infection par le virus de la grippe correspondaient au tableau attendu. Les plus courantes étaient les suivantes : détresse respiratoire, léthargie, déshydratation et convulsions. D'autres chercheurs ont déjà souligné le lien important entre les convulsions et l'infection par le virus de la grippe(7). Un cas d'encéphalite a été associé à une infection aiguë des voies respiratoires; toutefois, aucun test virologique à visée diagnostique n'a été pratiqué sur du liquide céphalo-rachidien ou des tissus cérébraux. Même si l'enfant s'est rétabli, il restait quelques séquelles neurologiques au moment de son transfert. La survenue d'une encéphalopathie grave après une infection par le virus de la grippe a déjà été décrite, particulièrement au Japon(8), mais aussi au Canada(9) et aux États-Unis(10).

De nombreux enfants ont présenté des co-infections bactériennes. Le diagnostic de pneumonie bactérienne est difficile à établir chez les jeunes enfants et peut avoir été inexact vu qu'il reposait sur des paramètres radiographiques et cliniques plutôt que sur des preuves microbiologiques. Toutefois, un effort a été fait pour distinguer les cas de pneumonie résultant de l'infection par le virus de la grippe, des cas de pneumonie due à une surinfection bactérienne, conformément à la description fournie à la section «Méthodologie». Deux cas de bactériémie ont été associés à l'infection grippale. Un enfant immunodéprimé a développé une infection grippale à l'hôpital puis a présenté dans les 24 heures un choc septique à S. pneumonia et a été admis aux soins intensifs pédiatriques pendant 11 jours. Un deuxième enfant souffrait d'une immunodéficience et portait un cathéter à demeure. Ce dernier a développé une bactériémie à P. aeruginosa après avoir fait l'objet d'un diagnostic d'infection grippale et a répondu à l'antibiothérapie. Deux cas d'infection urinaire ont été diagnostiqués chez des enfants présentant des anomalies structurelles des voies urinaires et souffrant d'infections urinaires à répétition.

Le recours empirique aux antibiotiques a été beaucoup plus fréquent que le diagnostic d'infection bactérienne, ce qui témoigne vraisemblablement de la difficulté, pour les cliniciens, de distinguer l'étiologie virale ou bactérienne des symptômes et de reconnaître le risque d'infection bactérienne secondaire associée à la grippe. Le recours aux antiviraux a été minime et seul l'oseltamivir a été utilisé.

De nombreux enfants ont présenté une détérioration de leur affection sous-jacente, le plus souvent une maladie respiratoire, notamment l'asthme. La morbidité accrue résultant de l'infection par le virus de la grippe chez les enfants asthmatiques a déjà été documentée11. Dans cette étude, certains enfants asthmatiques (même ceux dont l'asthme était cliniquement modéré et ne nécessitait pas de traitement chronique) ont dû être hospitalisés pour des sifflements et une dyspnée. Les enfants atteints de troubles neurologiques sous-jacents étaient le deuxième groupe à avoir vu leur maladie se détériorer, un accroissement de leurs crises convulsives ayant été signalé.

Un total de 93 enfants ayant fait l'objet d'un diagnostic virologique d'infection grippale aiguë ont passé plus de 400 jours dans un hôpital spécialisé de soins tertiaires, dont 60 aux soins intensifs. Pendant la plupart de ces journées à l'hôpital, ces enfants ont nécessité une supplémentation en oxygène, une ventilation mécanique et des antibiotiques par voie intraveineuse. Il est important de savoir que ces cas d'infection grippale, ayant fait l'objet d'un diagnostic virologique au moment de l'hospitalisation, ne reflètent probablement qu'une fraction du fardeau dû à la grippe chez les enfants. Une bonne part de la morbidité et de la mortalité éventuelle résulte de complications ultérieures de la grippe, et aucun test de laboratoire ne permet de diagnostiquer une infection grippale antérieure. Les études en population générale du taux de morbidité pendant la saison grippale donnent une meilleure idée de l'ampleur du problème(4-5). Si l'on reconnaissait le coût des soins à prodiguer aux enfants infectés par le virus de la grippe, il serait possible de justifier le coût de l'élargissement des programmes de vaccination recommandé récemment par le Comité consultatif national de l'immunisation (CCNI)(9). L'infection nosocomiale par le virus de la grippe s'est soldée par une morbidité importante dans la présente étude et souligne l'importance de vacciner les enfants à risque, y compris les enfants hospitalisés.

Compte tenu du moment auquel cette éclosion s'est produite à Edmonton en 2003, il est difficile de juger adéquatement de l'efficacité du programme de vaccination, car la plupart des enfants de l'étude ont été infectés avant que le vaccin ne soit disponible. Aucun échec vaccinal n'a toutefois été documenté, encore que cela puisse être dû au fait que cette éclosion était pratiquement terminée avant que la majorité de la population ne se soit fait vacciner. Il est cependant intéressant de signaler que 20 % des parents des enfants à risque hospitalisés pour une grippe ignoraient que la vaccination était particulièrement indiquée pour leur enfant. Cela donne à penser qu'il faut continuer d'éduquer les fournisseurs de soins quant à la nécessité d'administrer le vaccin antigrippal à cette population à haut risque.

Nous avons pu obtenir des données sur les voyages, mais leur interprétation dans le cadre de cette étude s'est révélée difficile. Une surveillance prospective active en temps réel pourrait toutefois permettre de recueillir des données sur les voyages dans les régions éloignées touchées par une éclosion de maladies respiratoires.

Conclusion et recommandations

  1. La vaccination antigrippale devrait être offerte à tous les enfants de 6 à 23 mois et à leurs contacts familiaux.

  2. Les contacts familiaux des enfants de < 6 mois devraient être vaccinés pour offrir un environnement protecteur aux nourrissons à haut risque.

  3. Il faudrait accentuer la promotion de la vaccination antigrippale des enfants à haut risque et des membres de leur famille.

  4. Certains groupes à risque doivent être visés par les programmes de vaccination :

    1. enfants atteints d'un trouble neurologique sous-jacent;

    2. enfants asthmatiques, même ceux dont l'asthme est léger;

    3. enfants autochtone

  5. La surveillance prospective active des hospitalisations pédiatriques peut permettre d'exercer une surveillance fiable et rapide des cas graves et devrait faire partie intégrante d'un programme de surveillance complet de l'infection par le virus de la grippe.

Remerciements

Cette étude a bénéficié d'une subvention du ministère de l'AHW. Les auteurs remercient le Dr D. Moore de l'Hôpital de Montréal pour enfants à Montréal (Québec) de ses commentaires sur le formulaire de déclaration des cas, ainsi que B. Leblanc, technicien du Laboratoire provincial de santé publique à Edmonton (Alberta), et enfin les membres du personnel du Vaccine Evaluation Centre de Vancouver (Colombie-Britannique), qui se sont occupés de la gestion des données.

Références

  1. Comité consultatif national de l'immunisation. Déclaration sur la vaccination antigrippale pour la saison 2004-2005. RMTC 2004;30:1-32.

  2. American Academy of Pediatrics Policy Statement. Recommendations for influenza immunization of children. Pediatrics 2004;113(5):1441-46.

  3. Comité consultatif national de l'immunisation. Déclaration sur la vaccination antigrippale pour la saison 2003-2004. RMTC 2003;29:1-20.

  4. Neuzil KM, Mellen BG, Wright PF et coll. The effect of influenza on hospitalizations, outpatient visits, and courses of antibiotics in children. N Engl J Med 2000;342(4):225-31.

  5. Izurieta HS, Thompson WW, Kramarz P et coll. Influenza and the rates of hospitalization for respiratory disease among infants and young children. N Engl J Med 2000;342(4):232-39.

  6. Quach C, Piche-Walker L, Platt R et coll. Risk factors associated with severe influenza infections in childhood: implication for vaccine strategy. Pediatrics 2003;112(3):e197-201.

  7. Chiu SS, Tse CY, Lau YL et coll. Influenza A infection is an important cause of febrile seizures. Pediatrics 2001;108(4):E63.

  8. Sugaya N. Influenza associated encephalopathy in Japan. Semin Pediatr Infect Dis 2002;13:79-84.

  9. Sazgar M, Robinson JL, Chan AKJ et coll. Influenza B acute necrotizing encephalopathy: a case report and literature review. Pediatr Neurol 2003;28:396-99.

  10. Weitkamp JH, Spring MD, Brogan T et coll. Influenza A virus-associated acute necrotizing encephalopathy in the United States. Pediatr Infect Dis J 2004;23:253-54.

  11. Neuzil KM, Wright PF, Mitchel EF et coll. The burden of influenza illness in children with asthma and other chronic medical conditions. J Pediatr 2000;137:856-64.

Source : W. Vaudry, MDCM, FRCPC, Division des maladies infectieuses, Département de pédiatrie, Université de l'Alberta, Stollery Children's Hospital, Edmonton (Alberta); A. Roth, inf. aut., Division des maladies infectieuses, Département de pédiatrie, Université de l'Alberta, Stollery Children's Hospital, Edmonton (Alberta); B. Lee, MD, FRCPC, Division des maladies infectieuses, Département de pédiatrie, Université de l'Alberta, Stollery Children's Hospital, Laboratoire provincial de santé publique (Microbiologie), Edmonton (Alberta); D. Spady, MD, MSc, Département de pédiatrie, Université de l'Alberta, Stollery Children's Hospital, Edmonton (Alberta)

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