Fiche Technique Santé-Sécurité : Agents Pathogènes – Trichinella spp.

FICHE TECHNIQUE SANTÉ-SÉCURITÉ: AGENTS PATHOGÈNES

SECTION I — AGENT INFECTIEUX

NOM: Trichinella spp.

SYNONYME OU RENVOI: Trichinellose(1-3), trichinose(2,4), trichiniase. Les pathogènes infectant l'humain et les animaux sont notamment: T. spiralis, T. nativa, T. britovi, T. murrelli, T. nelsoni, T. pseudospiralis, T. papuae, T. zimbabwensis et les génotypes T6, T8, T9 et T12 de Trichinella.

CARACTÉRISTIQUES: Les espèces du genre Trichinella sont des nématodes intestinaux appartenant à la famille des Trichinellidae. L'organisme est infectieux au stade larvaire(1,3). Les vers adultes se reproduisent dans la muqueuse intestinale. Les mâles mesurent de 1,4 mm à 1,6 mm de longueur; les femelles sont environ deux fois plus longues que les mâles. Les larves migrent dans les cellules des muscles striés et les infectent. Les espèces se divisent en deux variantes: i) les espèces qui s'encapsulent dans les tissus musculaires de l'hôte (T. spiralis, T. nativa, T. britovi, T. murrelli, T. nelsoni et les génotypes T6, T8, T9 et T12 de Trichinella), et ii) les espèces qui ne s'encapsulent pas après envahissement des cellules musculaires (T. pseudospiralis, T. papuae et T. zimbabwensis)(1,3).

SECTION II — DÉTERMINATION DU RISQUE

PATHOGÉNICITÉ ET TOXICITÉ: Les espèces du genre Trichinella sont à l'origine de la trichinellose parasitaire(1-4). L'infestation se limite presque toujours aux muscles striés, causée par des larves infectieuses. Les larves proviennent de viande crue ou mal cuite ingérée et sont libérées lors du processus de digestion, pendant lequel ils envahissent la muqueuse de la partie supérieure de l'intestin grêle. Les larves deviennent des vers adultes qui se reproduisent et entraînent une multiplication de larves. Ces larves migrent vers les muscles striés, les transforment en cellules de soutien où elles peuvent croître et s'encapsuler. La gravité de l'infection, qui peut aller de légère à grave, dépend du nombre de larves ingérées et/ou de la charge parasitaire(1,2,4). Les symptômes gastro-intestinaux apparaissent peu après l'infestation et comprennent des nausées, des vomissements, des douleurs épigastriques, une diarrhée et/ou une constipation. Les symptômes cardinaux, qui apparaissent à la migration et la pénétration des larves, sont la fièvre, un œdème (en particulier l'œdème périorbital), une myalgie et une éosinophilie périphérique marquée, qui forment ensemble le syndrome trichinellotique ou le syndrome général de trichinellose. Des complications neurologiques et cardiaques peuvent apparaître et entraîneront le décès si elles sont graves (surtout la myocardite).

ÉPIDÉMIOLOGIE: Les espèces du genre Trichinella se retrouvent partout dans le monde, et surtout dans les régions à climat tempéré(2,4). Le genre n'infecte pas une espèce en particulier, mais peut plutôt infecter tous les animaux à sang chaud. Les oiseaux et les reptiles sont infectés par des espèces particulières de ce genre. Les infestations humaines sont fréquentes en Europe orientale, au Kenya, dans les pays de l'ancienne Union soviétique, en Amérique du Sud, en Alaska, en Asie continentale et dans d'autres régions où l'on consomme de la viande crue ou peu cuite(2). On soupçonne qu'environ 27 millions de personnes sont infectées dans le monde. Plusieurs épidémies liées à Trichinella ont été signalées dans les pays de la présente Union européenne entre 1975 et 1999, pour un total de 6250 cas. Des répartitions plus précises des différentes espèces formant le genre sont présentées ci-après:

  • T. spiralis et T. pseudospiralis se trouvent partout dans le monde(2,3).
  • T. nativa est observée dans les zones arctiques et subarctiques.
  • T. britovi est observée dans la zone tempérée de l'Europe et de l'Asie et dans les régions du nord et de l'ouest de l'Afrique.
  • T. nelsoni se trouve dans les zones tropicales et orientales de l'Afrique.
  • T. papuae se trouve en Nouvelle-Guinée(2).
  • T. murrelli est observée dans les zones tempérées d'Amérique du Nord(3).
  • Le génotype T6 se trouve dans les zones arctiques et subarctiques d'Amérique du Nord(3).
  • Le génotype T9 est présent au Japon.
  • Le génotype T12 est présent en Argentine.

GAMME D'HÔTES: Les hôtes naturels des espèces encapsulées du genre Trichinella sont règle générale les mammifères domestiques et sauvages (porcs, chevaux, ours, sangliers et autres) et les carnivores sauvages terrestres et marins(1,3). Les hôtes naturels des espèces non encapsulées du genre Trichinella sont les mammifères domestiques et sauvages (surtout les porcs), les oiseaux et les reptiles (crocodiles).

DOSE INFECTIEUSE: Inconnue(1).

MODE DE TRANSMISSION: Les espèces du genre Trichinella sont surtout transmises par la consommation de viande crue ou mal cuite provenant d'animaux infectés, en particulier les porcs d'élevage(1-4).

PÉRIODE D'INCUBATION: Les symptômes gastro-intestinaux causés par les vers intestinaux apparaissent dès le 2e jour après l'infection, tandis que les symptômes généralisés causés par les larves infectieuses apparaissent de 1 à 3 semaines après l'infection(1).

TRANSMISSIBILITÉ: Aucune donnée probante indiquant une transmission directe d'une personne à une autre.

SECTION III - DISSÉMINATION

RÉSERVOIR: Les porcs, les chevaux, les ours et le gibier sont les principaux réservoirs des espèces du genre Trichinella amenant la transmission du microorganisme aux humains(2,3). Les animaux anthropophiles (comme les rats) peuvent aussi servir de réservoir aux espèces du genre Trichinella(1).

ZOONOSE: Une zoonose survient après ingestion de viande crue ou mal cuite provenant d'animaux infectés (surtout les porcs d'élevage)(1-4).

VECTEURS: Aucun.

SECTION IV — VIABILITÉ ET STABILITÉ

SENSIBILITÉ AUX MÉDICAMENTS: Les vers intestinaux et les larves non encapsulées sont sensibles aux anthelminthiques, dont le mébendazole, le pyrantel et l'albendazole(1,2,4,5). Les vers intestinaux sont également sensibles au thiabendazole, bien que cet agent ne soit pas recommandé en raison de ses effets secondaires(2,4,6).

SENSIBILITÉ AUX DÉSINFECTANTS: Des mélanges à parts égales de xylol et d'éthanol à 95 %, et de phénol et de xylol se sont révélés efficaces pendant les stades infectieux des nématodes(7).

INACTIVATION PHYSIQUE: Les larves de Trichinella présentes dans la viande peuvent être inactivées: i) par la cuisson de la viande à une température (interne) de 71 °C ou plus pendant au moins 1 minute, ii) par la congélation (à au moins -15 °C) de pièces de viande de 15 cm ou moins d'épaisseur pendant au moins 3 semaines et de pièces de 50 cm ou moins d'épaisseur pendant au moins 4 semaines, et iii) par irradiation (0,3 kGy) dans le cas uniquement d'aliments dans des emballages scellés(1,8). Il existe toutefois des espèces qui résistent à la congélation et qui ne seront donc pas inactivées par cette méthode.

SURVIE À L'EXTÉRIEUR DE L'HÔTE: Les espèces du genre Trichinella peuvent survivre sur de longues périodes dans des carcasses en décomposition(1). Les espèces dont les larves sont encapsulées peuvent survivre plus longtemps que les espèces dont les larves ne sont pas encapsulées. On a noté que T. papuae (espèce non encapsulée) survivait 9 jours dans les tissus en putréfaction de porcs à une température de 35 °C. Des études ont montré que T. spiralis pouvait survivre jusqu'à 4 mois dans de la viande en état de putréfaction avancée. Ces espèces peuvent même survivre sur de longues périodes à de basses températures de congélation.

SECTION V — PREMIERS SOINS ET ASPECTS MÉDICAUX

SURVEILLANCE: Surveiller les symptômes de la maladie. Les méthodes courantes de diagnostic sont notamment la trichinoscopie(1-4), les épreuves sérologiques et des méthodes de digestion artificielle(3). La trichinoscopie consiste en l'examen microscopique direct d'une pièce biopsique prélevée d'un muscle à la recherche de larves de Trichinella(2-4). Les épreuves sérologiques (hémagglutination indirecte, floculation de la bentonite, immunofluorescence indirecte, test au latex et dosage immunoenzymatique ou ELISA) sont souvent utilisées pour déceler les anticorps dirigés contre ce pathogène. Le test ELISA est hautement sensible et donne des résultats fiables lorsque suivi par des techniques de digestion artificielle et par la trichinoscopie(3).

Remarque: Les méthodes de diagnostic ne sont pas nécessairement toutes disponibles dans tous les pays.

PREMIERS SOINS ET TRAITEMENT: Le traitement de la trichinellose varie en fonction du stade et de la gravité de la maladie(1,2,4). Le traitement repose surtout sur l'administration d'anthelminthiques comme le pyrantel (actif pendant la phase intestinale, limite l'envahissement musculaire)(5), le mébendazole et l'albendazole(1,2,4). Les anthelminthiques ne sont pas recommandés chez les femmes enceintes et les enfants de moins de 2 ans(1), mais le pyrantel peut être administré aux femmes enceintes. On peut administrer des corticostéroídes, des salicylates et des antihistaminiques aux patients atteints de myosite et de myocardite, et ceux présentant des symptômes évoquant une inflammation(2,3).

IMMUNISATION: Aucune.

PROPHYLAXIE: Aucune.

SECTION VI — DANGERS POUR LE PERSONNEL DE LABORATOIRE

INFECTIONS CONTRACTÉES AU LABORATOIRE: Il est possible que des infections par des espèces du genre Trichinella acquises en laboratoire soient survenues; cependant, comme c'est le cas avec d'autres helminthes, le personnel de laboratoire peut devenir infecté par de faibles charges parasitaires entraînant peu de symptômes, voire aucun, et réduisant ainsi les chances de diagnostic(9).

SOURCES ET ÉCHANTILLONS: Tissu musculaire ou viande(1,3,4). Les sites de prédilection courants, surtout chez les animaux, sont le diaphragme, la langue et les muscles masséters(1,3).

DANGERS PRIMAIRES: Ingestion et/ou inoculation parentérale accidentelle d'échantillons contenant des larves infectieuses(10).

DANGERS PARTICULIERS: Aucun.

SECTION VII — CONTRÔLE DE L'EXPOSITION ET PROTECTION PERSONNELLE

CLASSIFICATION DU GROUPE DE RISQUE: Groupe de risque 2(11). Le groupe de risque associé aux espèces du genre Trichinella s'applique au genre en tant que groupe et peut ne pas refléter la classification de chaque espèce du genre.

EXIGENCES DE CONFINEMENT: Installations, équipement et pratiques opérationnelles de niveau de confinement 2 pour le travail avec des matières, cultures ou animaux infectieux ou potentiellement infectieux. Ces exigences de confinement s'appliquent au genre en entier, et peuvent ne pas s'appliquer à toutes les espèces à l'intérieur du genre(12).

VÊTEMENTS DE PROTECTION: Sarrau. Gants, lorsqu'un contact direct de la peau avec des matières infectées ou des animaux est inévitable. Une protection pour les yeux doit être utilisée lorsqu'il y a un risque connu ou potentiel d'éclaboussure(12).

AUTRES PRÉCAUTIONS: Toutes les procédures pouvant produire des aérosols ou mettant en cause des concentrations ou des quantités élevées doivent s'effectuer dans une enceinte de sécurité biologique (ESB). L'utilisation d'aiguilles, de seringues et d'autres objets tranchants doit être strictement restreinte. Des précautions supplémentaires doivent être envisagées pour les activités avec des animaux ou à grande échelle(12).

SECTION VIII — MANUTENTION ET ENTREPOSAGE

DÉVERSEMENTS: Laisser les aérosols se déposer et, tout en portant des vêtements de protection, couvrir délicatement le déversement avec des essuie-tout et appliquer un désinfectant approprié, en commençant par le périmètre et en se rapprochant du centre. Laisser agir suffisamment longtemps avant de nettoyer.

ÉLIMINATION: Décontaminer avant la mise au rebut par stérilisation à la vapeur, incinération ou désinfection chimique(12).

ENTREPOSAGE: L'agent infectieux doit être conservé dans un contenant scellé et clairement étiqueté(12).

SECTION IX — RENSEIGNEMENTS SUR LA RÉGLEMENTATION ET AUTRES

INFORMATION SUR LA RÉGLEMENTATION: L'importation, le transport et l'utilisation de pathogènes au Canada sont régis par de nombreux organismes de réglementation, dont l'Agence de la santé publique du Canada, Santé Canada, l'Agence canadienne d'inspection des aliments, Environnement Canada et Transports Canada. Il incombe aux utilisateurs de veiller à respecter tous les règlements et toutes les lois, directives et normes applicables.

DERNIÈRE MISE À JOUR: Juillet 2010.

PRÉPARÉE PAR: Direction de la règlementation des agents pathogènes, agence de la santé publique du Canada.

Bien que les renseignements, opinions et recommandations présentés dans cette Fiche de renseignements proviennent de sources que nous jugeons fiables, nous ne nous rendons pas responsables de leur justesse, de leur caractère exhaustif ou de leur fiabilité, ni des pertes ou blessures pouvant résulter de l'utilisation de ces renseignements. Comme on découvre fréquemment de nouveaux dangers, il est possible que ces renseignements ne soient pas tout à fait à jour.

Tous droits réservés
© Agence de la santé publique du Canada, 2010
Canada

RÉFÉRENCES

  1. Gottstein, B., Pozio, E., & Nockler, K. (2009). Epidemiology, diagnosis, treatment, and control of trichinellosis. Clinical Microbiology Reviews, 22 (1), 127-45, Table of Contents. doi:10.1128/CMR.00026-08
  2. Krauss, H., Weber, A., Appel, M., Enders, I.,H.D., Schiefer, H. G., Slenczka, W., Graevenitz, A. V., & Zahner, H. (2003). Parasitic Zoonoses. Zoonoses: Infectious Diseases Transmissible from Animals to Humans (3rd ed., pp. 377-381). Washington, USA: ASM Press.
  3. Gajadhar, A. A., Pozio, E., Gamble, H. R., Nockler, K., Maddox-Hyttel, C., Forbes, L. B., Vallee, I., Rossi, P., Marinculic, A., & Boireau, P. (2009). Trichinella diagnostics and control: mandatory and best practices for ensuring food safety. Veterinary Parasitology, 159 (3-4), 197-205. doi:10.1016/j.vetpar.2008.10.063
  4. Procop, G. W., & Neafie, R. C. (2007). Less Common Helminths. In P. R. Murray, E. J. Baron, J. H. Jorgensen, M. L. Landry & M. A. Pfaller (Eds.), Manual of Clinical Microbiology (9th ed., pp. 2188-2198). Washington, USA: ASM Press.
  5. Kim, C. W., & Campbell, W. C. (Eds.). (195). Trichinellosis (1st ed.). Albany, USA: State Univeristy of New York Press.
  6. Dupouy-Camet, J., Kociecka, W., Bruschi, F., Bolas-Fernandez, F., & Pozio, E. (2002). Opinion on the diagnosis and treatment of human trichinellosis. Expert Opinion on Pharmacotherapy, 3 (8), 1117-1130. doi:10.1517/14656566.3.8.1117
  7. Nareaho, A. (2008). Parasites. In L. M. L. Nollet, & F. Toldrá (Eds.), Handbook of Muscle Foods Analysis (pp. 647—662). USA: CRC Press.
  8. Gamble, H. R., Bessonov, A. S., Cuperlovic, K., Gajadhar, A. A., van Knapen, F., Noeckler, K., Schenone, H., & Zhu, X. (2000). International Commission on Trichinellosis: Recommendations on methods for the control of Trichinella in domestic and wild animals intended for human consumption. Veterinary Parasitology, 93 (3-4), 393-408. doi:DOI: 10.1016/S0304-4017(00)00354-X
  9. Herwaldt, B. L. (2001). Laboratory-acquired parasitic infections from accidental exposures. Clinical Microbiology Reviews, 14 (4), 659-88, table of contents. doi:10.1128/CMR.14.3.659- 688.2001
  10. Centers for Disease Control and Prevention. (2009). Biosafety in Microbiological and Biomedical Laboratories (5th ed.). USA: U.S. Department of Health and Human Services.
  11. Human Pathogens and Toxins Act. S.C. 2009, c. 24. Government of Canada, Second Session, Fortieth Parliament, 57-58 Elizabeth II, 2009, (2009).
  12. Public Health Agency of Canada. (2004). In Best M., Graham M. L., Leitner R., Ouellette M. and Ugwu K. (Eds.), Laboratory Biosafety Guidelines (3rd ed.). Canada: Public Health Agency of Canada.

Détails de la page

Date de modification :