ARCHIVÉ : Résumé : Les jeunes au Canada : leur santé et leur bien-être

 

L'enquête sur les comportements de santé des jeunes d'âge scolaire (enquête HBSC) est menée au Canada tous les quatre ans depuis 1990 par le Groupe d'évaluation des programmes sociaux de l'Université Queen's en partenariat avec Santé Canada. L'enquête HBSC est parrainée par l'Organisation mondiale de la santé (OMS), et elle est réalisée par des équipes de chercheurs de 35 pays d'Europe et d'Amérique du Nord.

Les chercheurs qui ont mené l'enquête de 2001-2002 ont utilisé le modèle axé sur la santé de la population. Ce modèle, préconisé par l'OMS et Santé Canada, tient compte d'une grande variété de déterminants de la santé et de comportements liés à la santé chez les enfants et les adolescents. L'enquête a été menée auprès de jeunes de trois groupes d'âge (11, 13 et 15 ans) considérés comme représentatifs des périodes critiques du début du développement des adolescents. Plus de 7 000 élèves de cinq niveaux scolaires (6e, 7e, 8e, 9e et 10e années) ont été sélectionnés pour représenter ces trois groupes d'âge au Canada. L'enquête HBSC avait principale-ment pour objet d'examiner les caractéristiques des déterminants de la santé de ces élèves chez ces groupes d'âge ainsi que certaines tendances concernant leurs comportements et attitudes liés à la santé. Les principales conclusions de l'enquête sont présentées ci-dessous.

Les inégalités socio-économiques

Les inégalités socio-économiques sont associées à diverses observations relatives à la santé chez les jeunes Canadiens. Dans l'échantillon de l'enquête HBSC, plus de la moitié des élèves interrogés ont indiqué que leur famille était à l'aise sur le plan financier. La proportion des élèves qui ont donné cette réponse diminue toute-fois dans les classes des niveaux supérieurs. Par ailleurs, 13 p. 100 des élèves en moyenne ont indiqué qu'il leur arrivait parfois d'aller au lit sans avoir mangé à leur faim parce qu'il n'y a pas assez de nourriture à la maison. Les élèves dont la famille est assez riche ou très riche étaient plus nombreux à considérer que leur santé est bonne et à être satisfaits de leur vie, ce qui fait ressortir le lien entre les facteurs socio-économiques, l'évaluation que font les jeunes de leur état de santé et la mesure dans laquelle ils sont satisfaits de leur vie.

Le foyer

On observe des différences évidentes entre les garçons et les filles en ce qui concerne les relations des élèves avec leurs parents. Les filles sont plus nombreuses à avoir des relations diffi-ciles avec leurs parents. Ainsi, les filles plus âgées ont indiqué dans une proportion plus élevée que les garçons de leur âge ou les filles plus jeunes qu'elles ont du mal à parler à leur père, qu'elles n'ont pas l'impression que leurs parents les comprennent et qu'elles sont assez peu satisfaites de leur vie à la maison. Les filles sont aussi plus nombreuses à se disputer avec leurs parents et à vouloir partir de la maison. Par ailleurs, tant chez les garçons que chez les filles, le fait d'avoir de bonnes relations avec ses parents est associé à une plus grande satisfaction à l'égard de sa vie et à une moins grande propension à prendre des risques, notamment en ce qui concerne l'usage du tabac et la consommation d'alcool et de marijuana. De plus, les élèves dont la famille est moyennement ou très aisée sur le plan financier sont plus nombreux non seule-ment à considérer que leurs parents leur apportent l'aide dont ils ont besoin à l'école, mais aussi à être tout à fait satisfaits de leur vie à la maison.

Le groupe de camarades

Les amitiés sont essentielles au développement des adolescents. Les garçons, plus parti-culièrement dans les classes des niveaux inférieurs, trouvent plus difficile que les filles de communiquer ou de parler des choses qui les tracassent avec leurs amis du même sexe. Les jeunes en viennent par ailleurs à communiquer plus facilement avec leurs camarades du sexe opposé à mesure qu'ils vieillissent et prennent de l'assurance. Le temps que les jeunes passent avec leurs amis ou amies est un bon indicateur de l'importance qu'ils accordent à l'amitié. À cet égard, les garçons avaient tendance à passer plus de temps que les filles avec leurs camarades, tant après l'école que durant la soirée.

Les élèves qui sont bien intégrés socialement et qui sont influencés positivement par leurs camarades ont tendance à être davantage satis-faits de leur vie et à avoir moins de comportements à risque que les élèves qui sont mal intégrés socialement et qui subissent l'influence négative de leurs camarades.

La vie à l'école

La plupart des élèves canadiens interrogés dans le cadre de l'enquête HBSC de 2002 ont indiqué qu'ils aiment l'école mais, après avoir atteint un sommet en 1994, la proportion d'élèves qui disent aimer l'école a diminué progressivement. Les élèves du secondaire sont plus nombreux que ceux du primaire, et les garçons plus nom-breux que les filles, à avoir une opinion généralement négative de l'école.

Les élèves qui sont heureux à l'école sont plus souvent ceux qui ont la perception d'avoir de bons enseignants qui les traitent équitable-ment, qui peuvent compter sur l'aide de ces enseignants et qui sont relativement autonomes en classe. Les élèves des classes des niveaux supérieurs ont l'impression qu'ils ont peu à dire sur le déroulement des cours. Plus de garçons que de filles trouvent difficile le travail scolaire. Pourtant, les garçons consacrent moins de temps à leurs devoirs et ils sont plus nombreux à considérer que leurs enseignants sont trop exigeants envers eux. Une des constatations importantes de ce volet de l'enquête est que les élèves dont la vie à l'école est positive sont moins susceptibles d'avoir des comportements dangereux pour la santé, notamment de fumer, de boire de l'alcool et de consommer de la marijuana.

Les comportement dangereux pour la santé

Il est encourageant de constater que les pour-centages de filles plus âgées et d'élèves de 8e année qui fumaient chaque jour en 2002 ont diminué par rapport aux pourcentages observés dans les enquêtes HBSC précédentes.

Au Canada, les jeunes font l'expérience de l'alcool tôt dans leur vie et leur consommation d'alcool augmente de façon notable entre 12 et 14 ans. Fait intéressant, les filles sont presque aussi nombreuses que les garçons à consommer une quantité excessive d'alcool, ce qui indique que les « beuveries » sont peut-être un attrait des soirées auxquelles participent les adolescents. La consommation de marijuana avait tou-jours beaucoup d'adeptes parmi les adolescents en 2002, leur nombre ayant même augmenté chez les garçons de 10e année. Les élèves qui consommaient de la marijuana étaient plus nombreux à fumer du tabac, à boire de l'alcool, à avoir des comportements sexuels à risque, à avoir des relations difficiles avec leurs parents et à avoir une perception défavorable de l'école.

Il ressort en outre de l'enquête qu'un peu plus du quart des élèves de 10e année avaient déjà eu des rapports sexuels. Cependant, seulement les deux tiers des élèves actifs sexuellement ont indiqué qu'ils avaient utilisé le condom la der-nière fois qu'ils avaient eu des relations sexuelles et un peu moins de la moitié d'entre eux qu'ils avaient utilisé la pilule contraceptive.

Le mode de vie sain

Dans l'échantillon de l'enquête HBSC, les filles étaient plus nombreuses que les garçons à manger des aliments nutritifs comme les fruits et les légumes. Cependant, plus de filles que de garçons ont indiqué qu'elles ne prenaient pas de petit déjeuner et qu'elles suivaient un régime ou faisaient quelque chose d'autre pour perdre du poids, surtout celles des classes des niveaux supérieurs. Par ailleurs, les garçons étaient plus nombreux que les filles à consommer des aliments qui contiennent beaucoup de sucre, de sel ou de caféine, par exemple des boissons gazeuses, des boissons gazeuses diète, des croustilles, des frites et des pâtisseries.

Les constatations de l'enquête concernant le temps que les élèves consacrent à l'activité physique sont encourageantes; toutefois, de façon étonnante, ils n'en font pas beaucoup à l'école. Fait intéressant, les garçons consacrent pas mal plus de temps que les filles à l'activité physique, tant à l'école qu'à l'extérieur de l'école, ce qui montre, d'une part, que les sports sont, encore aujourd'hui, avant tout une affaire de garçons et, d'autre part, que les écoles pourraient faire davantage pour intéresser les filles aux activités physiques. Une proportion élevée d'élèves ont répondu qu'ils consacraient plusieurs heures par jour ou plus à regarder la télévision. Les élèves passaient aussi pas mal de temps à se distraire avec leur ordinateur, plus des deux tiers des élèves plus âgés ayant indiqué qu'ils consa-craient au moins une heure chaque jour de semaine à s'amuser avec des jeux électroniques.

L'intimidation et les bagarres

Plus de 20 p. 100 des élèves ont indiqué qu'ils avaient commis des actes d'intimidation ou qu'ils avaient été victimes de tels actes. Cependant, la proportion des élèves qui disent avoir été victimes d'actes d'intimidation est plus élevée que celle de ceux qui disent avoir intimidé des camarades de classe. Cet écart montre que les jeunes qui sont victimes d'actes d'intimidation perçoivent ces actes différemment de ceux qui les commettent. C'est pourquoi il faudrait expliquer, dans le cadre des programmes d'éducation, les différentes formes d'agression et leurs conséquences néfastes. Il ressort par ailleurs de l'enquête HBSC que le nombre de filles qui sont victimes de harcèlement sexuel augmente avec l'âge et atteint un sommet en 9e année. Les garçons ont indiqué dans une plus forte proportion que les filles qu'on les avait harcelés à cause de leur race, de leur origine ethnique ou de leur religion. Les garçons avaient aussi plus tendance à en venir aux coups et ils se battaient plus souvent que les filles. Les garçons se battent le plus souvent avec des amis ou d'autres personnes qu'ils connaissent tandis que les filles se battent aussi souvent avec un frère ou une soeur.

Les blessures

Pas moins de la moitié des élèves canadiens ont indiqué qu'ils avaient subi, au cours de la dernière année, une blessure exigeant les soins d'un médecin ou d'une infirmière. Ces blessures vont des entorses et des foulures aux déchirures, aux ecchymoses, aux fractures et aux blessures à la tête. Généralement, les garçons se blessent plus souvent que les filles; c'est en 8e année que les garçons aussi bien que les filles se blessent en plus grand nombre.

La très grande majorité des blessures causées par la pratique d'un sport et des autres blessures surviennent à des endroits où un contrôle s'exerce, notamment à la maison, à l'école et dans des installations sportives. Fait intéressant, la proportion des blessures qui surviennent durant des activités organisées augmente de façon appréciable dans les classes des niveaux supérieurs.

La santé émotionnelle

La plupart des élèves interrogés dans le cadre de l'enquête ont une bonne santé émotionnelle. Cependant, entre 20 p. 100 et 30 p. 100 d'entre eux ont indiqué qu'ils avaient un problème émo-tionnel ou psychosomatique quelconque. Les filles ont été plus nombreuses que les garçons à indiquer qu'elles sont déprimées et qu'elles ont des maux de tête, leur nombre augmentant avec l'âge. Un moment critique pour les filles survient à la fin de la 7e année, lorsqu'elles ont besoin de plus d'aide pour faire face aux change-ments qui surviennent dans leur vie et dans leur corps. D'une manière générale, les élèves qui avaient moins de symptômes psychosomatiques étaient davantage satisfaits de leur vie.

Les adolescents qui ont indiqué que leurs parents les aidaient beaucoup étaient plus nombreux à être satisfaits de leur vie et à considérer être en bonne santé. Le fait d'avoir un réseau étendu d'amis a un effet favorable sur l'équilibre émotionnel des jeunes, mais cet effet n'est pas aussi important que celui de l'aide apportée par les parents.

Les implications

Dans une perspective de santé de la population, les principaux déterminants de la santé physique et émotionnelle des jeunes qui ressor-tent clairement de l'enquête HBSC de 2002 sont liés au sexe, au degré d'aisance de la famille sur le plan financier, à la vie à l'école ainsi qu'à l'in-fluence des camarades sur les risques qu'ils prennent.

De toute évidence, il faudra mettre en place des stratégies d'intervention diversifiées pour agir sur ces déterminants. Les responsables des administrations fédérale, provinciales, territo-riales et municipales ainsi que les professionnels et les représentants du monde des affaires doivent discuter ouvertement de la santé de la prochaine génération avec les jeunes eux-mêmes. Tous ces intervenants n'ont pas, jusqu'à maintenant, accordé suffisamment d'attention aux jeunes, en partie à cause du caractère transi-toire de l'adolescence et de la poursuite de l'indépendance qui caractérise cette période de la vie. Il faut faire plus d'efforts relatifs aux initiatives axées sur les adolescents pour assurer leur participation à l'élaboration des politiques et des programmes qui les visent. L'établisse-ment d'un plan d'action inclusif intersectoriel pour les préadolescents et les adolescents contribuerait à la visibilité et à la viabilité des stratégies d'intervention et pourrait aussi permettre de rallier l'appui et d'assurer la participation de nombreux jeunes aux initiatives.

William F. Boyce Ph.D
Groupe d'évaluation des programmes sociaux
Université Queen's
Kingston (Ontario)
 http://educ.queensu.ca/~speg/ (anglais)

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