Chapitre 4 : Le Rapport de L'administrateur en chef de la santé publique sur l'état de la santé publique au Canada 2010 – Créer les conditions pour un vieillissement en santé

Chapitre 4 : Créer les conditions pour un vieillissement en sante

En examinant la santé des Canadiens au travers la trajectoire de vie, ceci révèle que les interrelations complexes, entre les facteurs biologiques, comportementaux, psychologiques, sociaux et ceux liés au système de santé, ont une incidence sur le vieillissement en santéNote de bas de page 16, Note de bas de page 302. Les événements et les expériences qui surviennent à différents moments de la vie – de la petite enfance à la vieillesse – peuvent avoir des effets positifs ou négatifs sur la santé et le bien-être. De manière analogue, les initiatives et les interventions favorisant la santé et le bien-être, à toutes les étapes de la vie, permettent de prévenir les maladies et de promouvoir la santéNote de bas de page 15, Note de bas de page 16.

Le chapitre précédent, qui présentait l’état de santé et de bien-être des aînés du Canada, a permis de cerner les circonstances qui ont des effets sur le vieillissement en santé, tels que les chutes et les blessures qui en résultent, la santé mentale, les mauvais traitements et la négligence, l’appartenance sociale, les modes de vie sains ainsi que les soins et les services. Les mesures qui peuvent être prises pour promouvoir le vieillissement en santé au Canada en fonction de ces circonstances seront décrites dans le présent chapitre. Dans la mesure du possible, nous utilisons des exemples concrets, canadiens et internationaux, qui favorisent la santé ou le bienêtre des aînés ou qui en ont le potentiel. En général, ces exemples soulignent les pratiques exemplaires, les stratégies ou les interventions qui démontrent ce qu’il est possible d’accomplir en plus d’indiquer où l’on doit investir davantage d’efforts pour créer les conditions du vieillissement en santé au Canada. Les principaux enjeux sont explorés en détail, mais il est aussi important de comprendre que des facteurs sous-jacents peuvent promouvoir le vieillissement en santé ou lui nuire.

Répondre aux besoins fondamentaux

Sans la satisfaction des besoins de base – alimentation, logement, sécurité et soins de santé adéquats – il est impossible de résoudre adéquatement les problèmes de santé qui touchent les aînés. Le chapitre 3 montrait que des facteurs comme l’isolement, la perte d’autonomie, les mauvais traitements, les habitudes alimentaires néfastes, les difficultés d’accès aux soins, les risques plus élevés de chute, les blessures et certaines maladies chroniques peuvent compromettre, chez les aînés, la satisfaction des besoins fondamentauxNote de bas de page 7, Note de bas de page 22, Note de bas de page 303, Note de bas de page 304.

Disposer d’un revenu adéquat est essentiel au vieillissement en santé, et le Canada est parvenu à réduire la pauvreté chez les aînés. Au Canada, le taux des aînés à faible revenu se situe sous la moyenne de ceux des autres pays de l’OCDE, et le pays se classe au quatrième rang pour son taux d’aînés ayant un faible revenuNote de bas de page 240, Note de bas de page 305. Ces résultats s’expliquent en grande partie par l’admissibilité générale aux programmes gouvernementaux d’aide au revenu et aux pensions gouvernementales, soit la Sécurité de la vieillesse, le Régime de pensions du Canada, le Régime de rentes du Québec et le Supplément de revenu garantiNote de bas de page 238, Note de bas de page 245, Note de bas de page 305. La diminution du degré de pauvreté chez les aînés est aussi attribuable au fait que les aînés d’aujourd’hui possèdent des niveaux de scolarité et des revenus plus élevés grâce à leur rente de retraite et aux revenus de placements, et que davantage de femmes ont eu un emploi rémunéré au cours de leur vieNote de bas de page 238, Note de bas de page 245, Note de bas de page 305.

Bien que le Canada ait réduit efficacement la pauvreté chez les aînés, environ 250 000 aînés du Canada, dont plusieurs sont des femmes seules, ont encore un revenu net situé sous le seuil de faible revenuNote de bas de page 238, Note de bas de page 239. Les aînés qui prennent soin sans rémunération de leur conjoint, d’un enfant ou d’un pair ou qui consacrent une part importante de leur revenu aux services de santé non assurés (par exemple, les soins de la vue) ainsi qu’à l’achat de médicament, peuvent aussi éprouver des difficultés financièresNote de bas de page 7, Note de bas de page 238. Les aînés sans revenu adéquat sont plus sujets aux maladies chroniques et au stress psychosocial. Ces aînés sont aussi plus susceptibles que les aînés qui disposent d’un revenu plus élevé d’adopter des comportements à risque, de vivre dans des conditions insalubres et d’éprouver des difficultés d’accès aux soins de santéNote de bas de page 306.

Les aînés peuvent devenir extrêmement vulnérables si, pendant ou après une situation d’urgence ou une catastrophe naturelle, il n’est pas possible de satisfaire leurs besoins fondamentaux. S’assurer que les aînés reçoivent l’aide nécessaire et que leur santé et leur capacité fonctionnelle sont préservées dans pareilles situations représente un enjeu de premier plan en santé publique. Malgré cela, on oublie souvent ou on accorde une faible priorité aux besoins et aux risques uniques des aînés lors d’une situation d’urgenceNote de bas de page 307. Ce n’est pas l’âge comme tel qui fait des aînés un groupe vulnérable, mais plutôt une combinaison de facteurs qui peuvent compromettre leur capacité à pouvoir faire face à différentes situations. Cela est particulièrement vrai si des facteurs sociaux et des raisons de santé (comme un faible revenu, des problèmes de santé ou un trouble mental et des limitations fonctionnelles) interagissent et sont aggravés lorsque survient une situation d’urgenceNote de bas de page 307-Note de bas de page 310.

Les populations et les régions insuffisamment desservies, avant une situation d’urgence, perdent une bonne partie de leur soutien lorsque de tels événements se produisentNote de bas de page 309. La relocalisation peut perturber encore plus les personnes déjà en difficultéNote de bas de page 308, Note de bas de page 311. Cela double souvent le fardeau des populations vulnérables, comme les aînés. Dans certains cas, ils peuvent perdre leurs sources de soutien en même temps que leurs responsabilités augmentent (par example, prendre soin des petits-enfants)Note de bas de page 311. Toutefois, il est important de signaler que les aînés peuvent eux-mêmes devenir une ressource dans la préparation aux situations d’urgence, car ils peuvent agir comme bénévoles, fournir des soins et offrir des connaissances et des compétences (voir l’encadré 4.1Répondre aux besoins fondamentaux dans les situations d’urgence )Note de bas de page 307.

Encadré 4.1 Répondre aux besoins fondamentaux dans les situations d’urgence

Dans une série de 16 études de cas, l’Organisation mondiale de la Santé et ses partenaires, dont l’Agence de la santé publique du Canada, ont examiné la manière dont les aînés avaient été touchés par plusieurs catastrophes. Ces études de cas analysent les forces et les faiblesses de la planification d’urgence, de l’intervention et du rétablissement de la situation ainsi que la contribution des aînés à leur famille et à la collectivité. Ces études de cas ont aussi souligné l’importance de tenir compte des besoins particuliers des aînés à toutes les étapes de la gestion des urgences, de la planification au rétablissement de la situation, ce qui comprend l’aménagement de refuges, la prise en compte de besoins alimentaires particuliers et l’accès à des médicaments, à des aides fonctionnelles, à des services de santé et à des services sociauxNote de bas de page 312.

Dans presque toutes les études de cas, on a relevé les contributions importantes des aînésNote de bas de page 312, Note de bas de page 313. Par exemple, des aînés ont offert bénévolement leurs compétences professionnelles et leur savoir, en plus de faire de la sensibilisation et de fournir de l’information et du soutien émotionnel. On a pu constater la contribution des aînés pendant les inondations au Manitoba (en 1997) alors que plusieurs d’entre eux ont préparé des repas, distribué de l’argent et des vêtements, recueilli des fonds, transporté des sacs de sable, apporté de l’aide dans les refuges et noué des relations avec les évacués. De la même façon, lors de la tempête de feu en Colombie-Britannique (en 2003), des aînés bénévoles ont aidé leur famille immédiate, fourni des renseignements et des conseils, et mis à contribution leurs compétences techniques pendant la phase de rétablissement (par example, repérage des puits et évaluation des dommages aux bâtiments)Note de bas de page 312.

Le Canada a été l’un des principaux partenaires dans la préparation d’études de cas, facilitant ainsi l’échange de connaissances et la mise sur pied de nouveaux partenariats entre le secteur de la gestion des urgences et celui de la gérontologie. Plusieurs réseaux sectoriels collaborent actuellement afin de mettre en oeuvre les priorités et les recommandations stratégiques énoncées dans le cadre d’actions menées en 2008 à la suite de cette étudeNote de bas de page 314.

Vieillir à l’endroit de son choix

Vieillir à l’endroit de son choix fait référence à la capacité de choisir de vivre dans sa propre collectivité le plus longtemps possible et d’avoir accès à des services à domicile et à des services communautaires qui soutiennent cette capacitéNote de bas de page 8, Note de bas de page 315-Note de bas de page 317.

Tous les Canadiens devraient être en mesure de vieillir à l’endroit de leur choix. Toutefois, cette volonté de choisir ne représente qu’un des nombreux facteurs qui servent à déterminer la résidence d’une personne. D’autres facteurs, comme les possibilités d’emploi, le revenu familial, les besoins de la famille (par exemple, la proximité de la famille élargie et la prestation de soins), le type de collectivité (rurale ou urbaine) et l’état de santé peuvent aussi jouer un rôle. Pour les aînés, le choix de l’endroit où habiter peut aussi reposer sur d’autres facteurs, comme le désir de rester dans leur résidence ou leur collectivité, ou celui de vivre dans une habitation qui nécessite moins d’entretien et où sont offerts des services de soutienNote de bas de page 274.

Bien que la plupart des aînés au Canada déclarent vouloir vivre dans une maison privée, l’évolution des circonstances (par exemple, la perte du conjoint, l’absence d’enfant, la détérioration de la santé, la diminution du revenu, le manque d’accès à des services) de même que des considérations pratiques liées à la grandeur d’une maison, sa disposition intérieure et les exigences relatives à son entretien peuvent inciter ou forcer les aînés à déménagerNote de bas de page 318. Afin de régler certaines de ces questions, des programmes comme Logements adaptés : aînés autonomes, de la SCHL, permettent d’offrir une aide financière aux propriétaires et aux locateurs pour adapter les logements afin que les aînés à faible revenu (ceux dont le revenu est inférieur au plafond établi par le programme) puissent vivre plus longtemps, en toute autonomie, dans leur propre logementNote de bas de page 62. Des adaptations à l’aménagement, comme l’ajout de rampes, l’installation d’armoires, de lieux de rangement, de poignées de porte accessibles et de barres d’appui dans la salle de bains, visent à compenser les incapacités liées au vieillissement. Les aînés peuvent aussi profiter du Programme d’aide à la remise en état des logements pour les personnes handicapées, également de la SCHL. Dans le cadre de ce programme, les propriétaires et les locateurs peuvent obtenir de l’aide financière pour adapter les logements des Canadiens à faible revenuNote de bas de page 63. Afin de supprimer les obstacles liés à l’abordabilité, le gouvernement du Canada, dans son Plan d’action économique, a investi dans la construction de logements sociaux pour les aînés à faible revenuNote de bas de page 319. Grâce à des ententes fédérales, provinciales et territoriales, les provinces et les territoires versent des contributions égales aux fonds fédéraux consacrés au logement à prix abordable.

Des pratiques communautaires et environnementales plus générales peuvent aussi aider à vieillir à l’endroit de son choix. Pour cela, on adapte les habitations et les collectivités aux besoins des aînés. Par exemple, les plans de développement communautaire et local devraient tenir compte de la population vieillissante. Des normes généralisées peuvent aussi contribuer à leur bien-être. Le Code national du bâtiment du Canada en vigueur contient des dispositions touchant les normes de sécurité, comme les sorties libres d’obstacles et l’installation de rampes. Toutefois, les exigences du Code en matière d’accessibilité ne s’appliquent pas aux maisons individuelles ou jumelées, ni aux duplex et aux triplexNote de bas de page 61. Les planificateurs, les constructeurs et les inspecteurs doivent être davantage sensibilisés aux normes de conception relatives à l’accessibilité des bâtiments et mieux les appliquer. Il est aussi nécessaire d’aménager des accès faciles dans l’ensemble de la collectivité – un concept intégré dans une approche adaptée aux besoins des aînés. Les projets réalisés dans les collectivités amies des aînés respectent ces normes en créant des milieux inclusifs, accessibles, propices à tous les aspects du vieillissement actifNote de bas de page 10. Étant donné les besoins croissants en matière de conception adaptée aux aînés, les promoteurs ont tout intérêt à intégrer ces modifications dans les nouvelles constructions.

Collectivités amies des aînés et conception universelle

Le Guide mondial des villes-amies des aînés, publié par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), définit les principaux environnements sociaux bâtis qui offrent des services nécessaires dans une collectivité amie des aînésNote de bas de page 177, Note de bas de page 320. Une ville amie des aînés comprend des elements destinés à tous les groupes d’âge : des espaces intérieurs et extérieurs accessibles, des moyens de transport et des logements disponibles et accessibles, un éventail de possibilités sociales et économiques, le soutien communautaire et l’accès à des services de santé appropriésNote de bas de page 8, Note de bas de page 83, Note de bas de page 177, Note de bas de page 321, Note de bas de page 322. Ces éléments permettent aux personnes de vieillir chez elles et sont accessibles à tous, peu importe le degré de mobilité ou l’état de santé. Le Canada a joué un rôle de premier plan dans la création de milieux amis des aînés en participant à la préparation du Guide de l’OMS et en mettant sur pied l’Initiative des collectivités amies des aînés. Cette initiative incite les aînés canadiens à participer à la planification et à la conception d’aménagement au sein de leur propre collectivité afin d’en faire un endroit plus sain et plus sûr où ils peuvent vivre et s’épanouir. De plus, un guide semblable à celui de l’OMS a été préparé au Canada à l’intention des collectivités rurales et éloignées et qui reconnaît la nécessité que tous les milieux soient amis des aînés (voir l’encadré 4.2 Collectivités et villes-amies des aînés)Note de bas de page 82, Note de bas de page 83.

Encadré 4.2 Collectivités et villes-amies des aînés

De nombreux aînés vivent dans des milieux qui n’ont pas été conçus pour le bien vieillir. Pour remédier à ces conditions de vie inadéquates, on a créé un mouvement international qui a permis de définir des facteurs, comme l’utilisation du terrain et l’aménagement urbain, qui peuvent améliorer l’état de santé des aînés vivant dans différentes collectivitésNote de bas de page 177, Note de bas de page 323. Afin de régler ce genre de problème et de définir les indicateurs concrets de « villes-amies des aînés », l’OMS a lancé, en 2005, un projet de villes-amies des aînésNote de bas de page 177. Ce projet encourage les collectivités à créer des environnements urbains, physiques et sociaux, adaptés aux besoins des aînés, et qui aideront les citoyens plus âgés lorsque seront prises des décisions destinées à améliorer leur santé et leur bien-être. Ces environnements les inciteront aussi à participer davantage à la vie communautaire et à mettre à profit leurs compétences, leurs connaissances et leur expérienceNote de bas de page 7. Le projet de l’OMS permet aussi de mieux faire connaître les lacunes et les besoins locaux et de suggérer aux collectivités participantes des améliorations qui encouragent la création d’un environnement mieux adapté aux besoins des aînésNote de bas de page 177.

Le projet des villes-amies des aînés de l’OMS favorise le développement concret et spécifique de la collectivité et la modification des politiques qui favorise ainsi la mise sur pied de collectivités amies des aînésNote de bas de page 177.Dans le cadre de ce processus, des groupes de consultation formés d’aînés et des aidants des soins et de services ont cerné les éléments favorables ou défavorables aux aînés. Cette étude a été réalisée dans 22 pays et 33 villes participantes (dont quatre villes canadiennes) et a mené à la rédaction du Guide mondial des villesamies des aînés, publié en 2007Note de bas de page 82, Note de bas de page 177, Note de bas de page 322.

Les aînés, les municipalités et leurs partenaires peuvent utiliser cet outil d’évaluation en vue d’améliorer les éléments favorables aux aînés dans leur collectivité, à savoir :

  • des milieux propres, tranquilles et agréables;
  • des rues et des trottoirs bien éclairés et bien entretenus (par exemple, le déneigement, une surface égale, plane et antidérapante), qui minimisent les risques de chute;
  • des chemins piétonniers à l’abri des adeptes du vélo, du patin à roues alignées et de la planche à roulettes, et donnant sur des toilettes à proximité;
  • du transport en commun accessible et abordable, doté de sièges réservés aux aînés;
  • des rues et des immeubles qui ne présentent pas de danger (par exemple, des planchers antidérapants et des escaliers adaptés [ni trop hauts ni trop à pic] munis de rampes);
  • un aménagement des logements qui intègre les aînés à la collectivité;
  • des occasions, pour les aînés, de prendre part aux activités communautaires, culturelles, éducatives et bénévoles, qui sont abordablesNote de bas de page 177, Note de bas de page 322.

En septembre 2006, de concert avec l’initiative de l’OMS, et conscients des différents besoins des collectivités canadiennes, les ministres fédéral, provinciaux et territoriaux responsables des aînés ont approuvé l’Initiative des collectivités rurales et éloignées amies des aînés. En 2007, l’Agence de la santé publique du Canada, les provinces et les territoires ont lancé le document intitulé Initiative des collectivités rurales et éloignées amies des aînés : un guide (pour les collectivités comptant 5 000 habitants ou moins). Jusqu’à présent, environ 100 collectivités en Colombie-Britannique, au Manitoba, au Québec et en Nouvelle-Écosse ont mis en oeuvre ces stratégiesNote de bas de page 322.

Un exemple canadien : les collectivités amies des aînés au Québec

En 2008, le Québec a lancé un programme appuyant les municipalités dans leurs efforts pour créer des collectivités amies des aînésNote de bas de page 324. Dès la première année de ce programme, des projets pilotes ont été mis en oeuvre dans six municipalités et une municipalité régionale de comté. Une première évaluation réalisée à Sherbrooke, l’une des six municipalités participantes, indique que le nombre des espaces publics accessibles aux personnes à mobilité réduite a augmenté et que la Ville a acheté plusieurs autobus à plancher basNote de bas de page 324, Note de bas de page 325. À Drummondville, on a lancé un code de conduite pour les utilisateurs d’aide à la mobilité motorisée, le premier du genre au Québec. Cette ville a aussi modifié ses règlements afin de faciliter la construction ou l’aménagement de maisons intergénérationnellesNote de bas de page 326.

La conception universelle, élément important des collectivités amies des aînés, comprend la conception de produits et d’environnements qui peuvent être pleinement utilisés par tousNote de bas de page 327. Le concept de l’élimination des obstacles et de la conception universelle a évolué depuis les années 1950 en raison de l’accroissement de la population et de sa plus grande longévité (dont une portion est aux prises avec des handicaps), changements aux lois concernant les droits de la personne (l’accessibilité pour tous) ainsi que de la sensibilisation du public aux avantages d’une conception sans obstacle et des technologies d’aideNote de bas de page 328. La conception universelle s’appuie sur sept principes, notamment :

  • l’utilisation équitable par des personnes ayant des habiletés différentes;
  • la souplesse d’utilisation, qui tient compte d’une gamme de préférences et d’habiletés;
  • une utilisation simple ou intuitive, facile à comprendre;
  • une utilisation multisensorielle, qui permet à plusieurs sens de capter l’information;
  • une utilisation accidentelle ou fortuite peu probable ou sans conséquence grave;
  • une utilisation efficace et confortable, requérant peu d’efforts physiques;
  • les dimensions et l’espace qui conviennent aux personnes ayant différentes capacitésNote de bas de page 327.

Essentiellement, une bonne conception convient à tout le monde, peu importe l’âge ou les capacités. Certaines villes, comme Shizuoka au Japon, ont adopté la conception universelle (voir l’encadré 4.3 Conception universelle à Shizuoka). Étant donné le vieillissement de la population, les collectivités devront trouver le moyen de soutenir et de faciliter le vieillissement en santé de leurs citoyens en plus de les faire participer à la sociétéNote de bas de page 329, Note de bas de page 330.

Au Canada, la Commission canadienne des droits de la personne a publié, en 2006, un rapport intitulé : Pratiques exemplaires de conception universelle à l’échelle internationale : Examen général. Ce rapport fournit des renseignements sur différents sujets, notamment la conception d’édifices accessibles à tous, les critères d’accessibilité dans les codes du bâtiment et les normes de construction au Canada, les besoins en espace pour adapter les lieux aux fauteuils roulants électriques et l’utilisation du contraste des couleurs et des changements de textures afin de faciliter l’utilisation d’un édificeNote de bas de page 331. En 2008, le gouvernement de l’Ontario a adopté des dispositions législatives et des normes d’accessibilité pour le service à la clientèle, qui obligent tous les organismes privés et publics à prendre des mesures répondant aux besoins des personnes handicapéesNote de bas de page 332, Note de bas de page 333.

Encadré 4.3 Conception universelle à Shizuoka

La préfecture de Shizuoka, au Japon, a adopté la conception universelle dans son environnement pour s’assurer que l’on tient compte des personnes de tout âge au moment de la conception, de la construction ou de la création d’édifices, de produits, de collectivités et de milieuxNote de bas de page 329, Note de bas de page 330.

En 1999, un bureau principal, responsable de promouvoir la conception universelle auprès des municipalités, des entreprises et de la population en général, a été établi à Shizuoka. Depuis, des représentants gouvernementaux et d’autres personnes font connaître la conception universelle à l’aide d’une vaste gamme de stratégies de sensibilisation à l’aide, entre autres, de publications, de séminaires, d’ateliers et d’activités sur InternetNote de bas de page 329, Note de bas de page 330.

À Shizuoka, la conception universelle est déjà bien intégrée au milieu urbain quotidien. En voici des exemples :

  • des autobus et d’autres véhicules de transport en commun munis d’entrées larges et basses qui en facilitent l’accès;
  • davantage d’abribus munis de sièges de différentes hauteurs;
  • un revêtement de la chaussée plus fin qui rend la marche plus sûre – surtout pour les personnes utilisant une canne ou un fauteuil roulant;
  • des trottoirs accessibles et plus sûrs, grâce à des joints situés au même niveau que le trottoir, et à la surface perméable afin d’éviter de glisser quand il pleut;
  • dans les locaux de l’université, les couloirs et les escaliers sont munis de mains courantes cannelées; de plus, les numéros d’identification des étages sont indiqués en braille pour les personnes mal voyantes et des places sont réservées pour fauteuils roulants dans les salles de conférence;
  • les téléphones publics sont disposés plus bas et sont munis de boutons de réglage du volume;
  • dans les hôpitaux, des panneaux faciles à lire portent les numéros et les noms des départements;
  • des meubles de style japonais faciles à utiliser sont fabriqués pour les aînésNote de bas de page 329, Note de bas de page 334-Note de bas de page 336.

La conception universelle encourage et soutient l’interaction sociale et l’activité physique de tous les membres de la société, tout au long de leur vie.

Prévention des chutes et des blessures

Comme il est indiqué au chapitre 3, la plupart des blessures que subissent les aînés découlent de chutes ou d’accidents de la routeNote de bas de page 148. Les causes des blessures sont complexes et peuvent être attribuées à plusieurs facteurs de risque, imputables tant aux individus qu’à la collectivité. On dénombre cinq interventions qui peuvent contribuer à réduire les chutes et à prévenir les blessures, ou à en atténuer les effets sur la santé des aînés :

  • mettre au point des lignes directrices sur la prévention des chutes;
  • concevoir de nouveaux programmes d’information et de sensibilisation à grande échelle;
  • favoriser les comportements et les choix santé;
  • créer des milieux plus sûrs;
  • prévenir les blessures liées aux accidents de la route.

Certains programmes mis en oeuvre dans ces domaines d’intervention se sont avérés efficaces, et il y aurait lieu d’en généraliser l’application; quant à ceux qui se sont révélés prometteurs, ils devraient faire l’objet de plus amples recherches.

Mettre au point des lignes directrices sur la prévention des chutes

La mise en oeuvre de lignes directrices en matière de soins de santé et de santé publique peut contribuer à réduire les facteurs de risque associés à la chute des aînés et conduire à la création de conditions propices à un vieillissement en santé. Bien que les lignes directrices ne préviennent pas directement les chutes, les pratiques, les normes et les mesures de gestion et d’évaluation peuvent, elles, mener à une stratégie générale de prévention des chutes. Les lignes directrices concernant la prévention des chutes servent à évaluer les risques, les comportements et les difficultés d’une personne en vue d’établir des normes conduisant à la réduction du nombre de chutes et leurs conséquences. En outre, elles peuvent faire appel à la contribution de différents secteurs, ce qui permet de minimiser les facteurs de risque tant pour les personnes que pour la collectivité, en plus d’intégrer les évaluations et les interventions dans une stratégie généraleNote de bas de page 148, Note de bas de page 337. Au Canada, des organismes et des gouvernements ont établi des lignes directrices en matière de prévention des chutes; cependant, il n’existe actuellement aucune directive du genre à l’échelle nationale.

Les efforts du Canada en matière de stratégies de prévention des chutes ont porté sur les actions conjointes de plusieurs intervenants. Par exemple, Santé Canada et Anciens Combattants Canada ont établi, de 2000 à 2004, une Initiative pour la prévention des chutes, qui comprend une approche communautaire de promotion de la santé servant à déterminer les stratégies de prévention des chutes efficaces auprès des anciens combattants. Des organisations professionnelles canadiennes ont aussi créé des lignes directrices en matière de prévention des chutes chez les aînés, telle l’Association des infirmières et infirmiers autorisés de l’Ontario. La Prevention of Falls and Falls Injuries in the Older Adult est une trousse de pratiques exemplaires que l’Association a conçue à l’intention des professionnels de la santé. Cette trousse est conçue à partir de lignes directrices cliniques probantes qui ont été mises en oeuvre et évaluéesNote de bas de page 337, Note de bas de page 338.

Dans l’ensemble, les lignes directrices de l’American Geriatrics Society (Guidelines for the Prevention of Falls in Older Persons [2001]) servent de norme internationale en ce qui concerne les stratégies de prévention des chutes chez les aînésNote de bas de page 148, Note de bas de page 339. Elles sont fondées sur des données recueillies au cours d’examens systématiques, de métaanalyses, d’essais aléatoires et d’études des cohortesNote de bas de page 339. Ces données ont servi à formuler des recommandations, notamment :

  • évaluer de façon systématique les antécédents de chutes et cerner les facteurs de risque potentiels;
  • évaluer, chez les personnes ayant des antécédents de chutes, des facteurs de risque, comme des anomalies de la démarche, une mobilité réduite, une maladie chronique, une déficience visuelle ou les effets de verres correcteurs, des anomalies du système nerveux ou des problèmes cognitifs;
  • procéder à des interventions multifactorielles, comme l’exercice et l’utilisation d’aides fonctionnelles;
  • procéder à des interventions ciblées, comme les modifications apportées au logement et la gestion des médicaments;
  • procéder à des interventions plus générales, comme des stratégies de renforcement des os et le port de chaussures appropriéesNote de bas de page 148, Note de bas de page 339.

D’autres pays, notamment le Royaume Uni et l’Australie, ont aussi adopté des lignes directrices et des stratégies visant à prévenir les chutesNote de bas de page 148, Note de bas de page 340, Note de bas de page 341.Au Royaume-Uni, on a instauré la Clinical Guideline 21: The Assessment and Prevention of Falls in Older People (2004), une ligne directrice qui englobe la détermination du risque, les évaluations multifactorielles et les interventionsNote de bas de page 148, Note de bas de page 340. Le gouvernement australien a établi des lignes directrices s’appliquant aux pratiques exemplaires et aux guides de mise en oeuvre conçus en particulier pour des environnements que fréquentent les aînés, comme les hôpitaux, les résidences pour aînés et les établissements de soins en milieu communautaireNote de bas de page 341.

Concevoir de nouveaux programmes d’information et de sensibilisation à grande échelle

Bien des chutes chez les aînés peuvent être prévenues. Des programmes et des campagnes de sensibilisation appropriés, combinés à des interventions à domicile, ont permis de réduire le taux de chutesNote de bas de page 342. Les interventions fondées sur la sensibilisation servent à mieux faire comprendre les risques et les conséquences des chutes ainsi que les avantages des stratégies de préventionNote de bas de page 155, Note de bas de page 337. Les interventions de ce genre doivent s’adresser à un éventail d’auditoires, notamment aux professionnels de la santé qui travaillent auprès des aînés, à l’ensemble de la collectivité, à la famille des aînés, aux personnes jouant le rôle de soignants et aux aînés eux-mêmesNote de bas de page 159. Cela est très important, car, pour réduire les risques de chute, les personnes qui s’occupent d’aînés doivent connaître les facteurs qui contribuent à ces risquesNote de bas de page 337, Note de bas de page 343.

Plusieurs provinces et territoires ont lancé des campagnes de sensibilisation destinées aux aînés afin de les renseigner sur les risques de chute. Par exemple, l’Alberta Centre for Injury Control and Research et l’Alberta Medical Association ont lancé une campagne intitulée Finding Balance afin de sensibiliser les aînés – et les futures générations d’aînés – à l’importance de pratiques saines et sécuritairesNote de bas de page 344. De plus, il a été établi que des programmes qui sensibilisent la population aux facteurs de risque de chute et encouragent des changements dans la pratique des activités et les choix, comme Steady As You Go (De pied ferme) en Alberta, entraînent une augmentation des activités et rendent les aînés plus sûrs d’eux (voir l’encadré 4.4 Steady As You Go [De pied ferme])Note de bas de page 337, Note de bas de page 345. Comme il est noté au chapitre 3, les aînés qui ont été victimes d’une chute peuvent craindre de tomber de nouveau; toute campagne de sensibilisation doit donc viser à combattre ces craintesNote de bas de page 339, Note de bas de page 343, Note de bas de page 346. Le Cours sur la prévention des chutes, qui a été évalué, met à profit les connaissances et les compétences des professionnels de la santé et des dirigeants communautaires qui travaillent auprès des aînés à la prévention des chutesNote de bas de page 347. Les participants y découvrent l’efficacité des programmes actuels et les ressources servant à repérer et à évaluer les facteurs de risque ainsi que la manière de faire participer les aînés à la mise en place de stratégies et d’interventions efficacesNote de bas de page 347, Note de bas de page 348. De tels programmes de sensibilisation doivent tenir compte de la diversité des aînés (y compris les différents profils linguistiques et les niveaux d’alphabétisme) et être offerts en plusieurs langues et dans différents formats.

Encadré 4.4 Steady As You Go (De pied ferme)

Le programme Steady As You Go (SAYGO) [De pied ferme] a été conçu en Alberta en vue de réduire les risques de chute pour les aînés relativement en bonne santé et mobiles qui vivent dans la collectivitéNote de bas de page 337, Note de bas de page 349.

SAYGO compte deux séances de 90 minutes présentées par des aînés ayant reçu une formation et appuyés par des professionnels en santé communautaire. Les participants apprennent à déterminer leurs propres risques de chute, comme le port de chaussures inappropriées, les effets secondaires de médicaments et les sources de danger au foyer, puis ils sont invités à créer et à mettre en oeuvre des stratégies destinées à réduire ces risques. On montre aussi aux aînés des exercices qui renforcent leurs jambes et améliorent leur équilibre. Un mois après la première séance, les participants se réunissent et discutent des changements qu’ils ont adoptés pour réduire leurs risques de chuteNote de bas de page 337, Note de bas de page 345, Note de bas de page 349.

Selon les résultats de l’évaluation des premières séances, les aînés sont satisfaits du programme SAYGO. Une évaluation du programme a révélé que les 235 participants ont réduit huit des neuf facteurs de risque décrits dans SAYGO. Quatre mois après avoir assisté à une séance SAYGO, les participants présentaient 30 % moins de risque de tomber que les aînés qui n’y avaient pas participéNote de bas de page 349.

Un deuxième programme SAYGO a été mis sur pied pour les aînés à mobilité et à énergie réduites. Au cours de cette initiative, les professionnels de la santé ont calculé les risques de chute et ont recommandé aux clients et à leur famille des manières de réduire ces risques. Les participants ont aussi reçu la visite d’animateurs formés, en plus d’être encouragés à apporter les changements nécessaires. À la suite d’une évaluation portant sur un an, on a constaté que ce second programme a permis de réduire de 30 % le nombre d’aînés fragiles victimes de chutesNote de bas de page 345, Note de bas de page 350.

Pour que les campagnes de sensibilisation attirent l’attention des aînés, il faut utiliser différents outils et différentes méthodes de communication, notamment des séances d’information axées sur des présentations, des séances de questions et de réponses, des périodes de discussion ainsi que des documents imprimés (dépliants, bulletins). Les séances de groupe peuvent aussi être fécondes, car elles favorisent le contact social, la mise en commun d’idées et l’entraide entre pairs. Toutefois, pour encourager la participation, il faut organiser les séances de groupe dans des lieux accessibles et tenir compte des perceptions qui peuvent influer sur le degré de participation et la motivation des aînés. Par exemple, les aînés, quel que soit leur âge, hésitent à participer aux programmes de prévention des chutes par peur d’être considérés comme fragiles ou vulnérables aux blessuresNote de bas de page 337, Note de bas de page 351. Les initiatives qui réussissent à les faire participer portent sur un large éventail de capacités et s’adaptent au niveau de langue, à la culture et au statut socialNote de bas de page 337.

Favoriser les comportements et les choix santé

Bien que l’éducation joue un rôle important dans la diminution des risques de chute, ce facteur à lui seul ne suffit pas. Les programmes d’exercices destinés à la prévention des chutes couvrent habituellement l’endurance cardiovasculaire, l’équilibre et la souplesse, et ils comprennent des activités générales, comme la marche, la bicyclette et les exercices aérobiquesNote de bas de page 148, Note de bas de page 343. En outre, dans les initiatives et les programmes axés sur la prévention des blessures, il faut tenir compte des comportements et des styles de vie qui influent sur le risque de chute et les conséquences chez les aînés. Par exemple, l’activité physique peut améliorer l’équilibre, la mobilité et le temps de réaction, augmenter la densité osseuse et, pour ceux qui ont subi une chute, réduire le temps de récupérationNote de bas de page 148, Note de bas de page 337. Une méta-analyse portant sur l’efficacité de différents types de programmes d’exercices a révélé que ceux fondés sur l’équilibre, en particulier, ont une influence positive sur la prévention des chutes, et que les programmes qui offrent plusieurs séances d’entraînement par semaine sont plus efficaces que ceux dont les séances sont moins fréquentesNote de bas de page 148. Même si les programmes axés sur la force et la souplesse se soldent aussi par des effets bénéfiques sur la santé, rien ne prouve qu’ils préviennent directement les chutesNote de bas de page 352. De vastes interventions encourageant le maintien d’un mode de vie actif tout au long de la vie peuvent réduire de 15 % le risque de chute et de 22 % le nombre de chutes chez les aînésNote de bas de page 148. Il est indispensable de pratiquer des exercices tout au long de la vie, et les programmes d’activité physique doivent inciter les plus jeunes à maintenir une pratique régulière et continue de l’exerciceNote de bas de page 353.

Des recherches du Centre for Hip Health and Mobility de l’Université de la Colombie-Britannique consolident ces idées. Les programmes de recherche intégrée du Centre, destinés à prévenir les chutes et les fractures de la hanche, ciblent toutes les populations, des enfants aux aînés. Les programmes et la recherche, qui portent entre autres sur le dépistage précoce des maladies, l’éducation et la formation des cliniciens, les interventions auprès des aînés à risque et l’information sur la recherche qu’échangent les professionnels de la santé, semblent en effet réduire les chutes et le nombre de remplacements de la hancheNote de bas de page 354. Des études démontrent que les fractures peuvent être évitées grâce à des exercices appropriés accomplis tout au long de la vieNote de bas de page 354.

La prise en charge clinique des maladies chroniques ou aiguës permet d’évaluer et de gérer les programmes d’exercice personnalisés afin de réduire les risques de chuteNote de bas de page 148, Note de bas de page 343. Ces dernières peuvent être causées par les effets indésirables de médicaments prescrits pour traiter des maladies chroniques. Par conséquent, vérifier la liste des médicaments pris par un patient et la modifier, au besoin, est crucial pour évaluer les risques de chute et la capacité de se rétablir après une chuteNote de bas de page 148, Note de bas de page 337.Pour procéder à cette vérification, il faut bien maîtriser l’utilisation des médicaments (par exemple, la dose efficace la plus faible pour des symptômes précis), connaître les interactions médicamenteuses tout comme les effets que les médicaments peuvent avoir sur les activités quotidiennes d’une personne, y compris sa capacité de marcher et d’utiliser des aides fonctionnelles. L’établissement et le maintien d’une base de données des médicaments fréquemment utilisés par les aînés permettent, entre autres, de prévenir les interactions médicaments et les risques connexes pour la santé. Le Canada dispose d’une Base de données nationale sur les produits pharmaceutiques qui porte sur les produits à usages humain et vétérinaire, les médicaments biologiques et les désinfectants, et qui donne des renseignements sur les médicaments homologués au CanadaNote de bas de page 355.Pour les professionnels de la santé, elle représente une bonne source d’information sur divers médicaments en usage. Cependant, l’information sur les médicaments que prend une personne et sur leurs effets secondaires possibles est en général conservée par son professionnel de la santé et n’est pas mise à la disposition des autres intervenants du milieu de la santé (y compris d’autres fournisseurs de soins et les pharmaciens). Le programme d’information pharmaceutique mis sur pied en Saskatchewan est un système électronique centralisé des dossiers pharmaceutiques de patients (voir l’encadré 4.5 Programme d’information pharmaceutique)Note de bas de page 356, Note de bas de page 357.L’adoption d’un système général de gestion des médicaments pourrait réduire les risques d’effets indésirables pour la santé associés à la prise de médicaments (comme les chutes) et améliorer la capacité des professionnels de la santé à suivre et à gérer les ordonnances et la distribution de médicaments dans les pharmacies.

Encadré 4.5 Programme d’information pharmaceutique

En 2005, la Saskatchewan a lancé un programme innovateur permettant aux professionnels de la santé autorisés d’accéder au dossier pharmaceutique de leurs patients en vue de mieux gérer les médicaments sur ordonnance. Le Programme d’information pharmaceutique permet aux médecins, aux infirmières et aux pharmaciens d’accéder au dossier pharmaceutique complet des patients afin d’éviter les interactions médicamenteuses indésirables et de vérifier la duplication des traitements, l’abus possible de médicaments sur ordonnance et l’utilisation adéquate des médicaments. Ce programme est un outil utile tant pour le patient que pour les fournisseurs de soins de santé. Il permet de faire le tri dans les nombreux médicaments d’un patient traité pour de multiples troubles médicaux ou de renseigner les intervenants quand ils sont plusieurs à participer aux soins fournis au patient. Il s’est aussi révélé utile dans des situations d’urgence où le patient n’était pas en mesure de parlerNote de bas de page 356, Note de bas de page 357.

Ce programme a été mis en oeuvre dans toutes les pharmacies, les salles d’urgence et plus de 100 cabinets de médecins de la SaskatchewanNote de bas de page 357. Cette province est la première, au Canada, qui offre à ses résidants un système qui compile l‘information sur tous les médicaments prescrits sur son territoireNote de bas de page 356.

Si l’utilisation des aides fonctionnelles peut donner aux aînés un sentiment accru de liberté, de mobilité, d’indépendance et de confiance, la mauvaise utilisation d’un tel appareil peut être dangereuse et présenter un risque de chuteNote de bas de page 148. Les fournisseurs de soins de santé doivent savoir comment bien utiliser les aides fonctionnelles, connaître les précautions à prendre et veiller à ce que tous les utilisateurs en soient informés. Des participants aux groupes de discussion de l’Initiative pour la prévention des chutes, mise sur pied par Santé Canada et Anciens Combattants Canada (y compris des citoyens, des fournisseurs de soins de santé et des intervenants de l’industrie), ont souligné que les aînés perçoivent parfois l’utilisation d’aides fonctionnelles comme une source de stigmatisation, un signe de vieillissement et de déclin inévitable, ce qui a un effet sur la volonté d’utiliser un tel appareilNote de bas de page 148. Mêlant humour et conseils d’experts, le Programme de mobilité du Canada permet de sensibiliser les aînés et leur famille aux avantages de l’utilisation des aides fonctionnelles. Il aborde la question des stigmates associés à leur utilisation et les réfute, en plus de fournir des renseignements pratiques sur ces appareils. Des aînés des collectivités d’Oliver, en Colombie-Britannique, de Nipawin, en Saskatchewan et de Middleton, en Nouvelle-Écosse, ont participé au projet d’antistigmatisation des personnes utilisant des aides fonctionnelles de l’Institut de technologie de la Colombie-Britannique, mis en oeuvre auprès d’aînés, de professionnels de la santé et des médias. Des ergothérapeutes et des physiothérapeutes utilisent des ressources issues de ce projet, lequel sera offert dans tout le Canada par l’entremise d’ateliers et de tournées multimédiasNote de bas de page 358.

Des recherches prometteuses sur les aides fonctionnelles sont en cours. Elles permettent d’étudier une vaste gamme d’environnements dans lesquels peuvent se retrouver les aînés qui utilisent ces appareils. Afin d’aider les personnes à vivre quotidiennement et à surmonter des incapacités, l’Institut de réadaptation de Toronto a créé un laboratoire muni d’une énorme plateforme mobile hydraulique et de plusieurs modules de recherche qui simulent le mauvais temps (comme le froid et la neige), l’intérieur d’une maison de plain-pied ainsi que l’intérieur d’un hôpital, d’un centre d’hébergement et d’un établissement de soins de longue duréeNote de bas de page 359.

Il faudrait mieux sensibiliser la population aux avantages de l’utilisation d’aides fonctionnelles et aux risques que ces dernières présentent, tout comme il faut trouver des moyens de favoriser l’éducation et la recherche dans ce domaineNote de bas de page 148, Note de bas de page 351. De plus, il est nécessaire d’offrir une formation ciblée aux personnes qui travaillent avec les utilisateurs d’aides fonctionnelles.

Prévenir les chutes grâce à des milieux plus sûrs

Étant donné que la majorité des chutes surviennent à domicile ou à proximité de celui-ci, procéder à l’évaluation du logement d’un aîné, puis maintenir ou modifier cet aménagement aide à réduire le risque de chute et améliore la sécurité en généralNote de bas de page 148, Note de bas de page 337. Les modifications peuvent comprendre l’ajout de rampes dans les escaliers, un meilleur éclairage et des rénovations dans la salle de bains. Il se peut que certains aînés ne soient pas en mesure, physiquement ou financièrement, d’apporter les changements nécessaires pour rendre leur domicile plus sécuritaire. D’autres, qui craignant d’être stigmatisés, sont réticents à modifier leur domicile. Par exemple, quelques aînés pensent que de telles modifications révéleraient leur handicap, qu’elles sont peu esthétiques, font ressembler leur maison à un hôpital ou dévaluent leur propriétéNote de bas de page 360. Les programmes de soutien aux aînés devraient s’attacher aux avantages qu’apportent les modifications résidentielles en vue de prévenir les chutes et d’encourager la sécurité; dans le cadre de ces programmes, il faudrait, au besoin, offrir de l’aide à la rénovation et amortir une partie des coûts (voir la section « Vieillir à l’endroit de son choix » au début de ce chapitre)Note de bas de page 337. Selon des ergothérapeutes, faire participer les clients au projet de modification de leur domicile et leur montrer des exemples de projets terminés (par exemple, des photos de projets semblables) aide à convaincre les aînésNote de bas de page 360. Un réaménagement approprié permet de prévenir les chutesNote de bas de page 361. Les programmes qui fonctionnent bien sont adaptés aux besoins des aînés et administrés par un professionnel de la santé dûment forméNote de bas de page 362. En améliorant la capacité fonctionnelle des aînés et en leur permettant d’accomplir leurs activités quotidiennes à domicile, le réaménagement des lieux contribue donc à ce que ces personnes puissent à vieillir chez ellesNote de bas de page 363.

L’aménagement de milieux plus sécuritaires dans la collectivité permet parfois d’éliminer certains risques de chuteNote de bas de page 337. Lorsque la collectivité se mobilise, elle favorise la sensibilisation et encourage l’acceptation des programmes de prévention des chutesNote de bas de page 337. Pour garantir la participation à des programmes de prévention des chutes, les collectivités doivent éliminer les préjugés tels que l’âgisme et la stigmatisation. De tels programmes doivent susciter l’enthousiasme et la participation en s’adressant à une population diversifiée tant par ses besoins, ses capacités, son accessibilité, sa culture que par sa langue.

Prévenir les blessures liées aux accidents de la route

Bien que la population ait une perception négative de la conduite automobile des aînés, il faut souligner que l’âge n’est pas un facteur déterminant de la conduite dangereuseNote de bas de page 364. Présumer de la capacité de conduire d’une personne selon son âge revient à faire de l’âgisme (voir la section « Enrayer la discrimination fondée sur l’âge » plus loin dans ce chapitre)Note de bas de page 365.

L’adoption de politiques en matière de sécurité routière qui s’adressent à tous les conducteurs tend à un équilibre entre droits individuels et sécurité publique. Comme dans les autres groupes d’âge, seule une petite proportion d’aînés ne conduit pas prudemment. Il arrive souvent qu’un incident impliquant un aîné au volant soit causé par une maladie ou une limite fonctionnelle (y compris la prise de médicaments). La plupart des aînés qui conduisent évaluent leur propre capacité à conduire prudemment et limitent au besoin l’utilisation qu’ils font de leur véhicule; toutefois, lorsque les circonstances le demandent, toutes les administrations provinciales et territoriales exigent des médecins qu’ils signalent aux autorités compétentes les conducteurs qui présentent un risque en matière de santé. Bien que l’Évaluation médicale de l’aptitude à conduire de l’Association médicale canadienne donne aux médecins des lignes directrices, il n’existe pas encore de distinction nette entre les limites fonctionnelles et la capacité à conduire prudemmentNote de bas de page 144, Note de bas de page 366. De plus, les professionnels de la santé peuvent être réticents à appliquer ces lignes directrices en raison des effets potentiellement négatifs sur la santé des aînés que peut entraîner la perte du droit de conduire, comme une réduction de la participation aux activités ou un plus grand isolementNote de bas de page 366.

Pour traiter de la sécurité des aînés au volant, il faut sensibiliser les aînés à la conduite prudente et approfondir les recherches sur les pratiques cliniques et les politiques publiques en matière de conduite. L’Agence de la santé publique du Canada a collaboré avec l’Association canadienne des ergothérapeutes et l’Université McGill à la conception du Plan d’action national pour la prévention des blessures chez les conducteurs âgés. Ce plan vise à prévenir les blessures en encourageant des pratiques de conduite sécuritaires. On y indique plusieurs options pour rendre la conduite plus sécuritaire et prévenir les blessures, par exemple, offrir un cours en conduite automobile aux personnes à risque pour leur permettre de rafraîchir leurs connaissances et encourager les décideurs à mettre en oeuvre des mesures incitatives (comme des crédits d’impôt et le permis conditionnel) dont profiteraient les personnes qui suivent ce coursNote de bas de page 367. Au Canada, on a mis sur pied le programme de recherche Candrive (Canadian Driving Research Initiative for Vehicular Safety in the Elderly) afin d’améliorer la santé, la sécurité et la qualité de vie des aînés au volant; ce faisant, on a adopté une méthode de recherche interdisciplinaire pour cerner, analyser et approfondir les questions relatives à la conduite automobile sécuritaire des aînés. Candrive a plusieurs objectifs, notamment approfondir les connaissances (par exemple, des méthodes et des outils servant à évaluer l’aptitude à conduire), en appliquer les résultats tant aux pratiques cliniques qu’aux politiques qui touchent à la santé et aux transports et, enfin, mettre de l’avant des campagnes de sensibilisation du publicNote de bas de page 368. Depuis sa création en 2002, ce programme a permis d’établir des partenariats avec des groupes importants d’aînés ainsi qu’avec des organismes gouvernementaux et non gouvernementaux. Grâce à cette collaboration, on a :

  • une trousse d’information sur la conduite automobile et la démence, un quide sur les conducteurs plus âgé destiné aux médicins;
  • le guide Évaluation médicale de l’aptitude à conduire de l’Association médicale canadienne;
  • une conférence canadienne de consensus sur la démence (conduite);
  • de nombreux ateliers au pays et à l’étranger sur l’évaluation de l’aptitude à conduireNote de bas de page 368.

Il est primordial de promouvoir la conduite automobile sécuritaire auprès de tous les conducteurs, y compris les aînés.

Santé mentale

On ne s’est pas suffisamment attardé à la question de la santé mentale chez les aînés, même si la sensibilisation et la recherche dans ce domaine sont à la hausse. En général, si on les compare à celles des autres groupes d’âge, les données sur la santé mentale des aînés sont limitées, tout comme le sont les services, les programmes évalués et les interventions qui ciblent expressément cette population. Un des principaux obstacles aux améliorations dans ce domaine demeure l’idée erronée selon laquelle les problèmes de santé mentale représentent une inévitable conséquence du vieillissement. C’est pourquoi les problèmes de santé mentale chez les aînés ne sont pas reconnus, diagnostiqués ni traitésNote de bas de page 369.

Peu importe l’âge, la santé mentale est importante dans la trajectoire de vie. Même si certaines personnes n’éprouvent jamais de problème de santé mentale, d’autres peuvent en connaître en vieillissantNote de bas de page 206. Les personnes qui ont ou qui développeront une maladie mentale peuvent quand même maintenir une bonne santé mentale et jouir d’un certain bien-être si la maladie est diagnostiquée et traitée à temps. Bien que la présence d’un facteur de comorbidité, d’un handicap, de la prise de médicaments ou d’un manque de soutien social et économique puisse compliquer la situation, des interventions, des politiques et des programmes appropriés peuvent faire en sorte que les problèmes de santé mentale, à tout âge, et quels que soient les facteurs aggravants, soient évités ou traités.

La discussion qui suit porte sur quatre secteurs qui touchent tout particulièrement à la santé mentale chez les aînés, notamment :

  • la promotion de la santé mentale;
  • la lutte à la stigmatisation et la sensibilisation;
  • le transfert et l’échange de connaissances;
  • les stratégies générales en matière de santé mentale.

Certains programmes mis en oeuvre dans ces domaines se sont avérés efficaces, et il y aurait lieu d’en généraliser l’application; quant à ceux qui se sont révélés prometteurs, ils devraient faire l’objet de plus amples recherches.

Promotion de la santé mentale

La promotion d’une bonne santé mentale et du bien-être peut être avantageuse pour tous les Canadiens. Il faut l’encourager à toutes les étapes de la vie, car cela représente un aspect important du vieillissement en santé. En outre, la santé mentale peut dépendre de facteurs socioéconomiques déterminants pour la santé en généralNote de bas de page 370. En particulier, les liens d’appartenance sociale et les modes de vie sains peuvent avoir une influence positive sur le bien-être général d’une personne et sur sa capacité à gérer le stress et les changements qui surviennent dans sa vieNote de bas de page 370. Par conséquent, la promotion de la santé mentale comprend aussi des initiatives qui ciblent des facteurs de nature environnementale, sociale, économique, ou en lien avec les services sociaux et les soins de santé, et qui ensemble jouent un rôle déterminant sur le vieillissement en santé.

Les programmes et les initiatives qui ciblent les comportements, de même que d’autres facteurs déterminants de la santé, contribuent à l’amélioration de la santé mentale et du bien-être. Par exemple, l’essai contrôlé randomisé Healthy and Vital, effectué aux Pays-Bas, fait la promotion de modes de vie sains et de l’activité physique auprès d’immigrants âgés d’origine turque en deux séances combinées – l’une portant sur l’éducation et l’autre, sur l’exercice physiqueNote de bas de page 371. Pour cette population « difficile à joindre » par l’entremise d’activités universelles de promotion de la santé, les séances combinées ont donné de meilleurs résultats sur la santé mentale et le bien-être. Les résultats positifs ont surtout été remarqués dans le sous-groupe des personnes les plus âgéesNote de bas de page 371.

Le programme Active Living in Vulnerable Elders (ALIVE) qui fait la promotion de la santé et du bien-être, s’adresse aux aînés à faible revenu vivant dans des ensembles d’habitations collectives. Il permet d’améliorer la qualité de vie des aînés par l’entremise de séances d’exercice et d’information et de bulletins d’information qui encouragent l’autonomie. Ce programme a permis aux participants de mieux comprendre les avantages de l’exercice. Certains ont ainsi indiqué qu’ils se sentaient mieux, qu’ils appréciaient les interactions sociales et qu’ils trouvaient que le programme était « rassurant »Note de bas de page 372.

Des collectivités en meilleure santé peuvent aussi contribuer à une bonne santé mentale grâce à leur aménagement, ou par d’autres facteurs, en favorisant l’inclusion de tous les membres, sans égard à l’âge ou aux capacités. Les collectivités dont les ressources permettent de soutenir des programmes et des services facilement accessibles offrent des milieux propices aux rapports sociaux et favorisent la santé mentale (voir la section « Les collectivités amies des aînés et la conception universelle » plus tôt dans le présent chapitre). Pour être considérées comme amies des aînés, les collectivités doivent tenir compte des facteurs qui touchent la santé mentale et le bien-être des aînés. À cette fin, la Coalition canadienne pour la santé mentale a conçu des lignes directrices portant sur les pratiques exemplaires en matière d’évaluation, de traitement et de gestion des facteurs déterminants pour la santé mentale des aînés qui vivent au sein de leur collectivitéNote de bas de page 373.

Lutte à la stigmatisation et la sensibilisation

« Il y a stigmatisation lorsque des gens ou des groupes sont, sans aucune justification, humiliés, mis à l’écart ou victimes de discrimination »Note de bas de page 374.

La stigmatisation touche les gens, les familles et les soignants, et elle apparaît dans divers milieux. Elle peut avoir des effets néfastes sur l’état de santé et la vie sociale des individus parce qu’elle influe sur leur capacité d’entretenir des relations sociales, de travailler ou d’oeuvrer comme bénévole, ou encore d’obtenir de l’aide et des soinsNote de bas de page 375. Certaines personnes sont doublement victimes de stigmatisation, car elles sont âgées et ont un problème de santé mentale. En outre, la stigmatisation de la maladie mentale peut inciter à prodiguer des soins médiocres, à marginaliser la victime à l’extérieur du système de santé ou encore à « l’entreposer » (l’abandonner dans un établissement). La stigmatisation peut aussi entraîner une marginalisation sociale, un isolement, des mauvais traitements et de la négligence, voire un placement injustifiéNote de bas de page 374. Il existe au Canada des initiatives antistigmatisation sur le plan de la santé mentale mais, jusqu’à présent, les efforts ont surtout visé les jeunes adultesNote de bas de page 374.

Les préjugés associés aux problèmes de santé mentale, comme la dépression, la démence, le delirium, la toxicomanie et les troubles de la personnalité, représentent d’autres sources de stigmatisation. Par exemple, la démence est considérée à tort comme une étape normale du processus de vieillissementNote de bas de page 374. Les aînés qui subissent des pertes de mémoire peuvent se voir traiter par leur entourage comme s’ils étaient absents et incapables de faire des choix. Un problème de santé mentale comme la toxicomanie est souvent perçu comme un trouble qui touche seulement les jeunes et passe donc souvent inaperçu chez les aînésNote de bas de page 374.

L’ensemble de la population canadienne gagnerait à mieux connaître les troubles de santé mentale et à comprendre l’importance d’une bonne santé mentale. Grâce à la sensibilisation, il est possible de bousculer les idées reçues et d’éliminer la stigmatisation. On peut alors réduire les facteurs qui empêchent les aînés ayant des problèmes de santé mentale d’obtenir des soins et des traitements. Grâce à une formation et à une sensibilisation accrues, les gens, les soignants, les familles et les professionnels de la santé sont davantage en mesure de cerner et d’évaluer les problèmes de santé mentale chez les aînés. En outre, le fait de diffuser de l’information sur les programmes et les services aide les aînés, les soignants et les familles à trouver, si nécessaire, d’autres possibilités de formation, d’intervention, de soins, d’aide et de soutien.

En 2009, la Commission de la santé mentale du Canada a lancé une campagne décennale contre la stigmatisation et la discrimination appelée Changer les mentalités. Il s’agit du plus vaste effort visant systématiquement à réduire la stigmatisation associée à la maladie mentale au CanadaNote de bas de page 376, Note de bas de page 377.Grâce à cette initiative, plusieurs programmes locaux d’éducation portant sur les soins de santé mentale ont été lancés, dont Changing Minds (St. John’s); Extra Ordinary People – Centre for Building a Culture of Recovery (Penetanguishene); le Programme de soins infirmiers psychiatriques de l’Université de Brandon (Brandon); et Stand Up for Mental Health (Vancouver). Ces programmes utilisent des techniques différentes (récits, comédie, présentation en groupe) pour faire découvrir aux professionnels de la santé la réalité des personnes atteintes d’un trouble mentalNote de bas de page 378. Bien que ces programmes soient prometteurs, ils visent surtout les jeunes et ont pour objectif de sensibiliser les professionnels de la santéNote de bas de page 376. D‘autres efforts seront nécessaires pour lutter contre la discrimination et la stigmatisation dont les aînés sont victimes.

L’Australie, la Nouvelle-Zélande, le Royaume-Uni et les États-Unis ont lancé de vastes campagnes et stratégies contre la stigmatisation dont le Canada peut s’inspirer. À titre d’exemple, le programme Like Minds, Like Mine (Nouvelle-Zélande) ainsi que See Me (Écosse) utilisent des campagnes de marketing social qui encouragent la participation sociale des gens ayant des problèmes de santé mentale pour s’attaquer aux attitudes du public et à la stigmatisationNote de bas de page 379, Note de bas de page 380. Il faut effectuer d’autres travaux et recherches pour déterminer l’efficacité de ces campagnes, destinées à réduire la stigmatisation et à modifier les attitudes à l’égard de la santé et de la maladie mentales, de manière à déterminer l’orientation future des travaux de rechercheNote de bas de page 381.Les campagnes antistigmatisation ont une efficacité limitée en raison du manque de soutien et d’évaluation aux étapes de conception et de suiviNote de bas de page 375. De plus, les campagnes existantes tendent à englober l’ensemble de la population plutôt que de cibler les problèmes propres à un groupe d’âge. Il est possible de s’attaquer aux questions de santé mentale chez les aînés dans un contexte général, mais il faut tout de même prendre en considération les situations propres à ce groupe.

Transfert et échange de connaissances

L’application des connaissances est un processus dynamique et itératif qui englobe la synthèse, la diffusion, l’échange et la mise en pratique des acquis; elle permet d’améliorer la santé des gens et de fournir de meilleurs services de santéNote de bas de page 382, Note de bas de page 383.

La Coalition canadienne pour la santé mentale des personnes âgées (CCSMPA) collabore avec des partenaires de partout au pays afin de faciliter et de défendre les initiatives qui améliorent et favorisent la santé mentale des aînés. La CCSMPA a aussi établi des lignes directrices nationales sur la prévention, l’évaluation, le traitement et la gestion des problèmes de santé mentale chez les aînésNote de bas de page 207, Note de bas de page 384. En 2005, la Coalition a lancé les Lignes directrices nationales de la CCSMPA sur la santé mentale chez les aînés en vue de formuler des recommandations fondées sur des données probantes dans quatre secteurs importants : le délire; la dépression; les problèmes de santé mentale dans les établissements de soins de longue durée; les risques de suicide et la prévention. Grâce à ce projet, on a établi les premières lignes directrices interdisciplinaires nationales permettant de s’attaquer à ces questionsNote de bas de page 207, Note de bas de page 384. La CCSMPA s’en est depuis inspirée pour rédiger des guides destinés aux aînés et aux famillesNote de bas de page 385.

Après l’établissement des lignes directrices de la CCSMPA, on a lancé sept projets pilotes pour les implanter dans divers endroits au Canada. À titre d’exemple, mentionnons une trousse de prévention du suicide en fin de vie destinée aux fournisseurs de soins ainsi qu’aux éducateurs de programmes d’enseignement en santé des universités et des collèges. La trousse contient des DVD interactifs qui présentent des exemples de cas, les lignes directrices nationales de la CCSMPA sur la prévention du suicide et l’évaluation des risques de suicide, une fiche à consultation rapide ainsi que des matériaux pour les éducateursNote de bas de page 386, Note de bas de page 387.La CCSMPA offre, en outre, le guide Suicide : Évaluation et prévention chez la personne âgée pour aider les aînés, les familles et d’autres intervenants à reconnaître les facteurs de risque et les signes du suicide de manière à leur proposer des moyens de limiter ces risques. Ce guide semble être un moyen efficace d’appliquer les connaissances relatives aux risques de suicide et à sa prévention chez les aînésNote de bas de page 388. D’autres guides, à l’intention des aînés et des membres de leurs familles, ont également été créés pour traiter de la dépression, du delirium et des problèmes de santé mentale dans les établissements de soins de longue duréeNote de bas de page 384.

À l’heure actuelle, la majorité (de 80 à 90 % environ) des résidants des établissements de soins de longue durée ont un trouble cognitif ou d’un trouble de santé mentaleNote de bas de page 206, Note de bas de page 207. En outre, près de la moitié ont reçu un diagnostic de dépression ou présentent des symptômes de cette maladie, dont les effets négatifs sur la vie sociale, la santé, le fonctionnement et la qualité de vie doivent être pris en considération dans les établissements de santéNote de bas de page 221. Il se peut même que l’on sous-estime la proportion de résidants aux prises avec des troubles de santé mentale, car il est difficile de poser un diagnostic chez les aînés, en particulier chez ceux qui vivent dans un établissement de soins. Toutefois, selon des études récentes (2010), les outils d’évaluation clinique normalisés permettent de recueillir de meilleures informations à propos des aînés qui risquent d’être en mauvaise santé en raison d’une dépression ou de symptômes de dépression, et ce, en ciblant des symptômes et des comportements précis. Ces outils peuvent aussi servir à évaluer l’efficacité des interventions existantesNote de bas de page 221. Par exemple, à Whitehorse, au Yukon, des fournisseurs de soins utilisent des outils d’évaluation des symptômes de dépression pour dépister les patients atteints de dépression et comprendre leurs besoins qui, autrement, passeraient inaperçus. Ainsi, les fournisseurs de soins peuvent offrir des services complets et bien orientés. À ce titre, le personnel mentionne une diminution des symptômes de dépression chez les résidants et une amélioration des facteurs qui contribuent à leur qualité de vieNote de bas de page 389.

Il faut se préoccuper de l’état de santé des aînés vivant dans des établissements de soins, en apportant notamment des changements quant au nombre d’employés et à leurs compétences, aux services de soutien ainsi qu’aux ressources requises dans un établissement de ce genre afin de prendre soin de ce groupe vulnérable. Le manque actuel de ressources a des conséquences néfastes sur la santé et le bien-être et peut se traduire par la surconsommation de médicaments, une mauvaise utilisation des tactiques de contention, un fort roulement de personnel lié au stress et l’entreposage des personnesNote de bas de page 206. En échangeant de l’information sur les troubles de santé mentale avec divers professionnels de la santé et le grand public, il est possible de mieux faire comprendre ces problèmes et de cerner les mesures à prendre afin de mieux gérer et de satisfaire les besoins des employés des établissements de santé, des résidants et des familles.

L’Initiative nationale pour le soin des personnes âgées (INSPA) est un exemple d’initiative qui tient compte de l’importance d’utiliser des réseaux d’échange du savoir pour concrétiser les travaux de recherche. Elle offre un programme de formation qui permet aux intervenants de diverses professions et disciplines, comme la médecine, les soins infirmiers, la réadaptation et le travail social en gérontologie, d’échanger de l’information. L'INSPA fonctionne au moyen d’un réseau d’équipes thématiques et de comités ayant pour mission d’améliorer les soins donnés aux aînés au Canada et à l’étranger. Elle couvre plusieurs aspects importants, notamment les prestations des soins généraux, les soins offerts aux personnes atteintes de démence, la violence envers les aînés, les questions de fin de vie, la santé mentale, l’ethnicité et le vieillissement (voir plus loin dans le présent chapitre l’encadré 4.7 Équipe de la lutte à la violence faite aux aînés [INSPA] : savoir pour agir)Note de bas de page 390-Note de bas de page 392.

Le Réseau d’application de la recherche sur les démences a aussi pour objectif de concrétiser les travaux de recherche. Il facilite et accélère l’application des connaissances par l’intermédiaire d’un réseau national de chercheurs et de groupes d’utilisateurs qui s’intéressent à la maladie d’Alzheimer et aux affections connexes. Il est ainsi possible de renforcer les capacités et de combler les lacunes sur le plan des diagnostics, des soins et du traitement de la maladie d’Alzheimer et des affections connexesNote de bas de page 393, Note de bas de page 394. Le Réseau d’application de la recherche sur les démences permet aussi d’établir et de maintenir des collaborations à long terme à l’échelle nationale et internationaleNote de bas de page 395, Note de bas de page 396. À l’heure actuelle, le réseau regroupe plus de 200 chercheurs et fournisseurs de soins de partout au pays et couvre trois secteurs thématiques : éducation et formation en application des connaissances, échange de connaissances et de ressources sur les démences au Canada et application des connaissances axées sur les malades et les soignants. Ensemble, ces trois secteurs améliorent notamment l’accès des malades et des soignants à des renseignements sur la démence et renforcent l’application des résultats de recherche dans les soins donnés aux personnes atteintes de démenceNote de bas de page 397.

Il serait utile d’avoir une initiative pancanadienne qui soutiendrait la recherche et permettrait d’échanger de l’information sur les problèmes de santé mentale chez les aînés, ainsi que sur les causes, les traitements et les interventions. Des intervenants de partout au Canada, et probablement aussi de l’étranger, auraient ainsi la possibilité de collaborer. La Commission de la santé mentale du Canada met sur pied un centre d’échange de connaissances qui donne accès à des renseignements fondés sur des données probantes touchant la santé mentale et la maladie mentale, et offre aux citoyens la possibilité de participer aux efforts déployés en ce sens. Au sein de ce centre, des réseaux d’échange de connaissances axés sur la santé mentale des aînés soutiendraient les progrès en recherche et en développement, ce qui permettrait de mieux servir ce groupe.

Stratégies générales en matière de santé mentale

Les stratégies et politiques en matière de santé mentale doivent être suffisamment souples pour combler différents besoinsNote de bas de page 398.Il existe, en ce moment, des stratégies nationales qui couvrent des problèmes de santé mentale précis chez certains sous-groupes d’aînés. Par exemple, la Stratégie en matière de santé mentale d’Anciens Combattants Canada comporte quatre éléments principaux (continuum des services, création de capacités, leadership et partenariats). Elle repose sur une approche axée sur la personne considérée comme un tout. Elle renforce aussi les ressources, ce qui permet d’évaluer, d’aider et de soigner les personnes en état de stress post-traumatiqueNote de bas de page 399.

Afin de répondre aux besoins en santé mentale actuels et futurs des Canadiens, y compris des aînés, la Commission de la santé mentale du Canada (CSMC) a préparé un document intitulé Vers le rétablissement et le bien-être : Cadre pour une stratégie en matière de santé mentale au Canada. L’objectif est d’établir une stratégie qui permettra à toute personne résidant au Canada de jouir du meilleur état de santé mentale et de bien-être possibleNote de bas de page 398. À cette fin, la CSMC a formé huit comités consultatifs chargés de conseiller et de mobiliser les intervenants. Un de ces comités s’occupe plus particulièrement de la santé mentale des aînés et veille à ce que les travaux et les initiatives de la CSMC intègrent cet aspect dans une perspective qui tient compte des étapes de vie. Ce comité est notamment chargé de cerner des stratégies axées sur la santé mentale des aînés, y compris des initiatives de lutte contre la stigmatisation et la discriminationNote de bas de page 373, Note de bas de page 400. De façon similaire, le comité consultatif des Premières nations, des Inuit et des Métis cherche à favoriser la santé mentale des peuples autochtones au Canada, y compris celle de leurs aînés. Au fil du temps, tout en s’assurant que sa structure reflète les croyances culturelles, ce comité aide à combler les besoins de ce groupe et à mieux faire connaître et comprendre les questions de sécurité culturelle, de justice sociale, de responsabilité éthique et de diversité dans les compétences. Par ailleurs, le comité cherche aussi à promouvoir et à établir des directives émanant des Autochtones, lesquelles serviront à mettre en oeuvre, dans des collectivités autochtones, des programmes de première ligne en matière de santé mentale et de toxicomanieNote de bas de page 401.

Approuvé par le comité consultatif sur les aînés de la CSMC, l’Outil d’évaluation des politiques en matière de santé mentale des aînés représente une autre initiative ayant une portée nationale. Cet outil d’évaluation a été créé pour renforcer la capacité des organisations gouvernementales et non gouvernementales d’établir des politiques, des lois, des programmes et des services qui favorisent la santé mentale des aînés. Mis au point par la British Columbia Psychogeriatric Association, cet outil analytique sert aussi à cerner et à prévoir les effets négatifs non intentionnels, directs ou indirects, des initiatives prévues ou existantes en matière de santé mentale des aînés. À cette fin, cet outil tient compte de divers facteurs, comme le revenu et l’accessibilité des servicesNote de bas de page 402. L’Association a aussi établi des lignes directrices pour répondre aux besoins en santé mentale des aînés qui sont traités pour un cancer. Ces lignes directrices présentent de façon unique le point d’intersection entre la santé mentale et une maladie chronique, et elles offrent des renseignements pratiques aux soignantsNote de bas de page 403.

Prévention de la violence et de la négligence envers les aînés

Comme il est mentionné au chapitre 3, de 4 à 10 % des aînés au pays sont victimes de mauvais traitements ou de négligenceNote de bas de page 283. Ce problème reste souvent caché et sousdéclaré, et n’est devenu une question d’intérêt général que tout récemmentNote de bas de page 274, Note de bas de page 287, Note de bas de page 404. Il y a peu de données sur les mauvais traitements et la négligence envers les aînés, mais l’existence même de tels cas est inacceptable. Il faut donc s’attaquer à ce problème au moyen d’interventions, de lois et de politiques qui veillent à la protection et à la santé de tous les aînés au Canada. Les trois secteurs clés suivants se sont montrés efficaces ou se sont avérés prometteurs pour le dépistage et la réduction de la violence et de la négligence infligées aux aînés :

  • les lois et la législation;
  • la sensibilisation, l’éducation et la formation;
  • des collectivités fortes et viables.

Lois et législation

Au Canada, des lois pénales portant sur la violence familiale, la protection et la tutelle des adultes permettent de protéger les aînés des mauvais traitements et de la négligence. Le droit pénal s’applique partout au Canada, mais le droit civil peut varier d’une province ou d’un territoire à l’autre, et il peut s’appliquer différemment selon l’état mental de l’adulte victime de mauvais traitements et de négligence.

Certaines formes de mauvais traitements, comme la fraude, les voies de fait, les menaces verbales et le harcèlement, constituent des crimes en vertu du Code criminel du CanadaNote de bas de page 297. De plus, les infractions aux lois relatives à la tutelle, au droit de la santé, aux mandataires et aux lois sur les successions visant à protéger les aînés, y compris l’abus de procuration ou la contravention aux lois sur les fiduciaires, sont des crimes selon les lois provinciales et territoriales.

La plupart des provinces et des territoires disposent de lois sur la protection et la tutelle qui fournissent des mesures juridiques supplémentaires protégeant les aînés victimes de mauvais traitements, de même qu’une gamme d’interventions en service social ayant pour but de protéger les aînés en cas de détérioration de leurs capacités physiques ou mentalesNote de bas de page 297, Note de bas de page 405-Note de bas de page 412. Plusieurs administrations ont également des lois relatives à l’abus institutionnel, ce qui leur permet de répondre au signalement de mauvais traitements infligés à des personnes recevant des soinsNote de bas de page 297, Note de bas de page 413-Note de bas de page 417. En outre, la plupart des administrations ont des lois sur la violence familiale qui offrent une protection civile aux victimes de violence familiale, y compris les ordonnances d’intervention d’urgenceNote de bas de page 297, Note de bas de page 418-Note de bas de page 426. Au Québec, les lois sur les droits de la personne peuvent également contribuer à protéger les adultes maltraités en précisant les droits des personnes à chargeNote de bas de page 427.

L’équilibre entre la protection et la nécessité de respecter l’autonomie des aînés est une question importante pour le système de santé canadien et les travailleurs des services communautaires. Bien que des lois protègent les Canadiens, celles-ci ne sont pas toujours connues et les gens hésitent à prendre les mesures prévues par ces lois. Les mauvais traitements et la négligence sont des questions complexes à aborder et posent des problèmes aux fournisseurs de soins de santé et de services communautaires sur les plans juridique et éthique. De nombreux intervenants ne possèdent pas la formation ni l’information nécessaire, et ils ne sont pas outillés pour reconnaître les signes de mauvais traitements et de négligence. De plus, il peut être difficile de respecter à la fois les lignes directrices relatives aux pratiques propres à leur discipline, les lois provinciales (en ce qui concerne les aînés vulnérables) et les règlements régissant leur lieu de travailNote de bas de page 428. Dans de nombreux cas, les aînés qui sont victimes de mauvais traitements infligés par des membres de leur famille souhaiteraient que ces mauvais traitements cessent, mais ils ont peur d’être isolés et coupés de leur famille. Par conséquent, il arrive souvent que les mauvais traitements et la négligence ne soient pas déclarésNote de bas de page 429. Cette situation peut aussi résulter d’une mauvaise compréhension de ce qui constitue des mauvais traitements et de la négligence envers les aînés ainsi que des lois connexes qui criminalisent les comportements abusifsNote de bas de page 429, Note de bas de page 430.

Sensibilisation, éducation et formation

Pour prévenir les mauvais traitements et la négligence envers les aînés, il faut davantage sensibiliser la population et modifier ses attitudes. L’efficacité de la majorité des stratégies de prévention, des pratiques et des programmes relatifs aux mauvais traitements et à la négligence n’est pas évaluée. À mesure que les mauvais traitements et la négligence envers les aînés sont mieux connus, on s’attend à ce que les programmes de prévention soient améliorés, que plus de données soient accessibles et que des évaluations complètes soient effectuéesNote de bas de page 283. Ainsi, accroître la sensibilisation et investir dans des programmes d’éducation sur les mauvais traitements et la négligence envers les aînés procurera des avantages importants, notamment :

  • augmenter la capacité des professionnels de la santé et des services sociaux qui travaillent directement auprès des aînés à détecter les signes de mauvais traitements et à trouver le soutien adéquat;
  • renseigner les victimes éventuelles sur leurs droits et sur les mesures mises à leur disposition pour les protéger;
  • sensibiliser les aînés, leurs familles, leurs voisins et les collectivités à la question des mauvais traitements et de la négligence, ainsi qu’au soutien offert aux aînés et aux aidants de soins afin de les aider à gérer la situation.

Un élément clé de toute stratégie relative aux mauvais traitements est d’accroître la capacité des fournisseurs de soins de santé et de services sociaux à déceler les signes de mauvais traitements, de travailler avec les personnes touchées et leur famille, et de recommander les mesures et le soutien adéquats en vue de régler le problème. L’OMS recommande que les spécialistes en soins primaires reçoivent une formation sur les signes à surveiller et la façon de jouer un rôle actif dans la prévention des mauvais traitements et de la négligence, et ce, parce qu’un examen systématique révélait que la plupart des professionnels sous-estimaient la prévalence des mauvais traitements et de la négligence envers les aînésNote de bas de page 404, Note de bas de page 431.De plus, on signale que seulement un quart des médecins américains connaissent les lignes directrices de l’American Medical Association relatives aux mauvais traitements infligés aux aînés. Les professionnels de la santé ayant reçu de la formation sur ce sujet sont probablement mieux en mesure de déceler le problème et de recommander des interventions adéquatesNote de bas de page 431. Dans le même ordre d’idées, des études réalisées au Royaume-Uni révèlent que la plupart des omnipraticiens déclaraient qu’une formation leur serait bénéfique pour déceler et gérer les cas de mauvais traitements et de négligence à l’égard des aînésNote de bas de page 432. Au Canada, certains intervenants auprès des aînés ont signalé que la formation en prévention des mauvais traitements et de la négligence leur a permis d’accroître leurs connaissances et de se munir des outils les aidant à reconnaître de telles situations. La formation a également permis de revoir les lignes directrices portant sur la déclaration de cas soupçonnés, et d’aborder les conséquences des mauvais traitements sur la santé et la vie sociale ainsi que les conséquences qui surviennent à la suite de leur signalementNote de bas de page 283. Les participants ont trouvé la formation utile, mais ils ont déclaré que le programme de formation serait bénéfique s’il traitait d’un éventail de mauvais traitements (financiers, physiques, émotifs ou autres) et s’il était offert à divers fournisseurs de soins de santé et de services sociaux provenant de domaines comme la médecine, le travail social, la police et la justice criminelle, la religion, l’éducation, ainsi que ceux à qui revient le soin d’établir des politiques et de prendre des décisionsNote de bas de page 283.

Les pratiques d’éducation et de sensibilisation du public qui traitent de la violence familiale et des mauvais traitements infligés aux enfants ont connu un certain succès et pourraient s’appliquer à la prévention des mauvais traitements et de la négligence envers les aînés (voir l’encadré 4.6 Initiative fédérale de lutte contre les mauvais traitements envers les aînés)Note de bas de page 433. Pour assurer le succès des programmes d’éducation et de sensibilisation, il est essentiel de fournir de l’information visant à réduire les stéréotypes et la discrimination fondée sur l’âge (voir la section « Enrayer la discrimination fondée sur l’âge » plus loin dans ce chapitre) et de cibler différents groupes de population. Les programmes principalement consacrés aux aînés sont importants pour deux raisons : ils aident les aînés à évaluer leur propre situation et ils permettent de reconnaître les situations de mauvais traitements entre pairs. Les programmes destinés aux aînés doivent fournir de l’information, éliminer la stigmatisation et la honte et cerner les occasions qui leur sont offertes d’être actifs et de prendre part aux activités de leur collectivité (par example, à titre de mentors et de leaders)Note de bas de page 434. De plus, en raison de la diversité de cette classe de la population au Canada, on devrait aborder, dans le contexte des programmes d’éducation, la question des mauvais traitements et de la négligence en tenant compte de la langue et de la cultureNote de bas de page 283.

Encadré 4.6 Initiative fédérale de lutte contre les mauvais traitements envers les aînés

En 2008, le gouvernement du Canada a annoncé que, dans le cadre de l’Initiative fédérale de lutte contre les mauvais traitements envers les aînés (IFLMTA), il investissait la somme de 13 millions de dollars sur trois ans afin de sensibiliser les aînés, leurs familles et les groupes de professionnels aux mauvais traitements infligés aux aînés. Il s’agit d’une initiative menée par Ressources humaines et Développement des compétences Canada (RHDCC), en partenariat avec l’Agence de la santé publique du Canada (ASPC), le ministère de la Justice Canada et la Gendarmerie royale du Canada (GRC). L’initiative comprend une campagne nationale de sensibilisation ainsi que des mesures mises en place par de nombreux ministères dont les programmes et les activités sont destinés aux aînés et aux personnes travaillant auprès d’euxNote de bas de page 433, Note de bas de page 435.

Les quatre partenaires clés du gouvernement fédéral prenant part à l’IFLMTA contribuent à accroître la sensibilisation aux mauvais traitements envers les aînés. L’ASPC est chargée de promouvoir les activités liées à la santé publique qui sont destinées aux professionnels de la santé et à d’autres intervenants clés. Le ministère de la Justice Canada finance des associations publiques d’éducation et d’information juridiques, provinciales et territoriales, pour qu’elles diffusent des renseignements régionaux sur les mauvais traitements à l’égard des aînés. Il produit aussi des documents d’information nationale destinés aux aînés afin de les sensibiliser au risque de fraudeNote de bas de page 436. RHDCC prépare des documents d’information qui permettent aux associations professionnelles d’offrir à leurs membres des séances de sensibilisation aux mauvais traitements à l’égard des aînésNote de bas de page 433. La GRC collabore avec d’autres organismes et les collectivités afin de mettre au point des documents d’information, des outils et des ressources destinés autant au public qu’aux policiers, aux fins de prévention et de sensibilisation. Cela les aidera à reconnaître plus facilement les mauvais traitements envers les aînés et à intervenirNote de bas de page 437.

La campagne nationale de sensibilisation de l’IFLMTA, intitulée Les mauvais traitements envers les aînés – Il est temps d’ouvrir les yeux, a été lancée le 15 juin 2009. Elle coïncidait avec la Journée internationale des personnes âgées des Nations Unies, le 1er octobre 2009. La campagne reposait sur des publicités présentées à la télévision, dans Internet et dans des revues. Cette campagne a aidé les Canadiens à reconnaître les signes des mauvais traitements infligés aux aînés et elle a servi à fournir des renseignements importants sur l’aide et les mesures de soutien disponiblesNote de bas de page 435, Note de bas de page 438.

Un financement particulier et unique a été offert dans le cadre de Nouveaux Horizons pour les aînés. Ce programme offre du financement aux associations professionnelles afin qu’elles adaptent, personnalisent et diffusent de la documentation traitant des mauvais traitements à l’égard des aînés, et qu’elles utiliseront au sein de leurs organisations en vue d’aider les intervenants de première ligne du secteur juridique, des services sociaux et du secteur de la santé à reconnaître les cas de mauvais traitements envers les aînés et à intervenirNote de bas de page 438. Afin d’être admissibles au financement, les associations professionnelles doivent être canadiennes, avoir le statut d’organisation sans but lucratif et offrir leurs services à des membres situés dans au moins cinq provinces ou territoiresNote de bas de page 433, Note de bas de page 438.

Les projets financés dans le cadre de l’IFLMTA comprennent notamment :

  • L’Association canadienne des ergothérapeutes (ACE), par l’entremise d’Abus envers les aînés : une approche concertée à la sensibilisation et un projet d’éducation, établira une directive et un didacticiel Web pour sensibiliser les ergothérapeutes aux indicateurs de mauvais traitements, à la prévention, à l’évaluation, aux protocoles d’intervention, aux lois pertinentes, à la réglementation et aux ressources. L'ACE reconnaît que les ergothérapeutes sont souvent en mesure de reconnaître les signes des mauvais traitements infligés aux aînés et elle s’engage à leur procurer l’information dont ils ont besoin pour intervenir adéquatement. Ces ressources seront présentées à l’occasion de la conférence annuelle nationale de l’ACE, en 2011Note de bas de page 439, Note de bas de page 440.
  • L’Association canadienne des hygiénistes dentaires, dans le cadre du projet de reconnaissance des mauvais traitements et de la négligence envers les aînés par les hygiénistes dentaires, mettra sur pied un programme de perfectionnement professionnel sur le dépistage des mauvais traitements envers les aînés destiné aux hygiénistes dentaires. Le programme comprendra un cours en ligne, des séminaires web interactifs et des ressources imprimées servant à sensibiliser les membres de l’Association canadienne des hygiénistes dentaires à la question des mauvais traitements envers les aînés et à accroître leur capacité d’intervention en cas de mauvais traitementsNote de bas de page 439.
  • L’Association des infirmières et infirmiers du Canada, dans le cadre du projet de promotion de la sensibilisation aux mauvais traitements envers les aînés en établissements de soins de longue durée, mettra sur pied des séances d’éducation et accordera des ressources complémentaires sur la prévention des mauvais traitements chez les aînés. Elle les offrira aux fournisseurs de services dans cinq établissements de soins de longue durée au Canada afin d’accroître leur connaissance et leur compréhension de cette questionNote de bas de page 439.
  • La Fédération des associations de juristes d’expression française, dans le cadre du Projet de sensibilisation des juristes d’expression française, offrira des séances d’information personnalisées sur la sensibilisation aux mauvais traitements envers les aînés aux avocats de sept provinces canadiennes (la Colombie- Britannique, l’Alberta, la Saskatchewan, le Manitoba, l’Ontario, le Nouveau-Brunswick, la Nouvelle-Écosse) afin de les sensibiliser à cette question et d’améliorer la prestation des services offerts aux aînésNote de bas de page 439.
  • La Fédération des locataires d’habitation à loyer modique du Québec, dans le cadre du projet Vieillir en paix dans nos HLM, offrira une formation aux bénévoles, aux locataires et aux gestionnaires de même qu’aux travailleurs sociaux et aux intervenants communautaires de ses 300 associations de résidants sur la prévention et le dépistage des mauvais traitements à l’égard des aînésNote de bas de page 439.
  • La Fondation du Centre de santé et de services sociaux, dans le cadre du projet Contrer la maltraitance envers les aînés, une responsabilité collective, mettra sur pied et tiendra des ateliers axés sur la sensibilisation, le dépistage et l’intervention en lien avec les mauvais traitements envers les aînés. Les ateliers seront offerts à 700 intervenants ainsi qu’à des bénévoles provenant de l’extérieur du réseau de la santé et des services sociaux. Ils permettront de sensibiliser les fournisseurs de soins primaires aux mauvais traitements envers les aînésNote de bas de page 439.

Puisque les rôles d’aidants sont souvent assumés par des membres de la famille et d’autres personnes en relation de confiance, en ciblant ces derniers à l’éducation et à la sensibilisation est une initiative importante pour la prévention. Cette sensibilisation peut les aider à reconnaître des comportements acceptables et inacceptables à l’égard des aînés et aider les membres de la famille et les autres personnes à gérer leur stress, à s’occuper de leur santé et de leur bien-être. La dynamique familiale, notamment les antécédents de violence familiale, la toxicomanie ou l’alcoolisme et la psychopathologie propre au soignant comptent parmi les facteurs à examiner pour déterminer si ce dernier risque d’infliger des mauvais traitements. Considérer les mauvais traitements et la négligence envers les aînés comme un problème de société, et non comme une simple affaire familiale, peut aider à mieux faire saisir l’urgence de ce problème et jeter les bases qui permettent l’amélioration des soins et provoque des changements sociaux. La Families Commission of New Zealand recommande de se servir d’un cadre écologique qui comprend l’individu, la famille, l’établissement, la collectivité et la société en général dans lesquels vivent l’aidant et le bénéficiaire de soinsNote de bas de page 441. Des évaluations générales de l’aidant ont été établies pour servir de pratiques exemplaires. Elles permettent d’éliminer les facteurs qui font obstacle à la promotion et au soutien de la santé de l’aidant. Toutefois, il faudra mener davantage de travaux de recherches afin de mieux répondre aux besoins de ceux qui bénéficient de soins et de mieux appuyer leurs aidantsNote de bas de page 442, Note de bas de page 443.

À l’échelle internationale, on reconnaît de plus en plus que l’éducation et la sensibilisation aux mauvais traitements et à la négligence, ainsi que leur prévention, nécessitera la mise sur pied de réseaux de connaissances et d’information, ce qui permettra de mieux cerner les enjeux actuels et futurs, de mettre en oeuvre des stratégies et des cadres d’intervention et de communiquer l’information et les pratiques exemplaires. Le Canada a réalisé des progrès en ce qui a trait à la création de réseaux pour la prévention des mauvais traitements et de la négligence, en collaboration avec le Réseau canadien pour la prévention des mauvais traitements envers les aînés de même qu’avec les réseaux provinciaux tels que le Réseau ontarien pour la prévention des mauvais traitements envers les personnes âgées, le Manitoba Network for the Prevention of Abuse of Older Adults et les B.C. Community Response NetworksNote de bas de page 444-Note de bas de page 446.

Encadré 4.7 Équipe de lutte à la violence faite aux aînés : savoir pour agir

L’Initiative nationale pour le soin des personnes âgées (INSPA) fait partie d’un réseau international de chercheurs et de praticiens ayant à coeur d’améliorer les soins des aînés. L’INSPA a récemment lancé Équipe de lutte à la violence faite aux aînés : savoir pour agir, un projet financé par le programme Nouveaux Horizons pour les aînés de RHDCC, qui s’échelonnera sur trois ans. Ce projet permet principalement d’aborder les questions de sensibilisation aux mauvais traitements à l’égard des aînés et celles de dépistage, de gestion et de prévention, en se servant davantage des études fondées sur des données probantes. Il vise également à préparer et à diffuser des outils d’information et à sensibiliser la collectivitéNote de bas de page 392, Note de bas de page 447.

Le projet comprend trois volets principaux : conception des outils; diffusion de ces outils; leadership et défense des droits des aînés. Le premier volet consiste à choisir des outils et à les produire en vue de créer une trousse bilingue destinée à un éventail d’intervenants, notamment les travailleurs sociaux, les fournisseurs de soins de santé, les aidants et les policiers. La trousse facilite le dépistage, l’intervention et la prévention des mauvais traitements à l’égard des aînésNote de bas de page 447, Note de bas de page 448.

Une fois conçus, les outils seront distribués partout au Canada à l’occasion des formations qui seront offertes à Vancouver, à Regina, à Toronto, à Sherbrooke et à Halifax. L’équipe examinera la meilleure façon de mettre ces outils et cette formation à la disposition d’autres collectivités par le truchement de diverses technologies Web abordablesNote de bas de page 447, Note de bas de page 449.

Le troisième volet du projet sert à soutenir le leadership et la sensibilisation de la collectivité; il fait appel à la participation des aînés à chaque étape et au cours de chaque activité du projet en les incitant, entre autres, à une participation active au moment de la conception et de la diffusion de la trousse dans les collectivités. De plus, les cinq coordonnateurs régionaux du projet sensibilisent les aînés, les travailleurs sociaux, les professionnels de la santé, les aidants et les policiers au dépistage, à la gestion et à la prévention des mauvais traitements envers les aînésNote de bas de page 447, Note de bas de page 448.

Le projet Équipe de lutte à la violence faite aux aînés : savoir pour agir est actuellement évalué dans le cadre de l’entente de financement du programme Nouveaux Horizons pour les aînés. L’initiative d’éducation et de prévention des mauvais traitements envers les aînés est un projet prometteur qui mérite de faire l’objet d’autres recherches et analyses.

De nombreux professionnels de la santé travaillant en établissement (par example, des établissements de soins de longue durée) signalent qu’ils ont été témoins, à un moment ou à un autre de leur carrière, d’une forme quelconque de mauvais traitements et de négligence; toutefois, il existe peu de renseignements sur les pratiques exemplaires servant à prévenir les mauvais traitementsNote de bas de page 450. Ces mauvais traitements peuvent être expliqués par le degré de déficience cognitive du patient qui parfois dépasse ou met à l’épreuve les compétences du soignant ainsi que sa capacité à composer avec la situation. Ils peuvent aussi résulter du manque de respect envers les personnes invalides ou inaptes ou envers leurs droits; ils peuvent également s’expliquer par l’absence de lien entre les établissements et la communauté externe en général ou encore par des problèmes systémiques (par example, insuffisance des effectifs, mauvaise compréhension des tâches, contraintes financières, crainte de représailles pour les résidants qui signalent les mauvais traitements)Note de bas de page 450. Pour régler les questions des mauvais traitements et de la négligence envers les aînés, il faut reconnaître les problèmes systémiques de plus vaste portée, comme la formation et les compétences du personnel, l’âgisme et l’affectation des ressources consacrées aux soins des aînés dans les établissements, qu’ils soient ou non réglementésNote de bas de page 451. La prévention doit s’attacher à surmonter ces défis.

La formation portant sur les soins adéquats de même que sur la prévention des mauvais traitements et de la négligence contribuerait à mieux protéger les aînés en établissements contre les mauvais traitements et à leur assurer un environnement sécuritaire où règne le respect. Parmi les approches employées pour prévenir les mauvais traitements et la négligence dans les établissements de santé, on compte la conception et la mise en oeuvre d’une gamme d’initiatives d’éducation et de formation qui aident le personnel à reconnaître les mauvais traitements et à accroître les connaissances et les compétences dont il a besoin pour les prévenirNote de bas de page 450, Note de bas de page 451. Or, on ne sait pas vraiment si la formation offerte aux professionnels de la santé travaillant en établissements est efficace. Il faudra davantage se pencher sur cette question afin de mieux comprendre le phénomène des mauvais traitements et de la négligence envers les aînés vivant dans ces établissementsNote de bas de page 431.

Création de collectivités fortes et viables

Pour lutter contre les mauvais traitements et la négligence, il a été démontré qu’il est plus prometteur de déployer des efforts communautaires harmonisés que des efforts sporadiques manquant de coordination. Une approche coordonnée de développement communautaire devrait permettre de recenser les ressources des collectivités, d’en arriver à une compréhension commune de ce que sont les mauvais traitements et de mettre en place des réseaux de communication et de services. Il s’agit d’un processus concerté qui peut mener à la conception de protocoles interorganisationnels et d’approches coordonnées de prévention et d’intervention. Certains secteurs, comme les services juridiques ou sociaux, les services d’éducation et ceux de soins de santé, doivent travailler en partenariat pour prévenir les mauvais traitements et la négligence, et pour protéger et aider les aînés à risqueNote de bas de page 283.

Les aînés eux-mêmes ont un rôle de leader à jouer dans leur collectivité en ce qui concerne la promotion du vieillissement en santé et la prévention des mauvais traitements et de la négligence. À cette fin, ils peuvent s’informer davantage sur leurs droits et sur la manière de s’adresser aux autres aînés à propos des problèmes tels que les mauvais traitements et la négligenceNote de bas de page 452, Note de bas de page 453. Ils peuvent également se protéger en restant actifs, en gardant le contact avec la société, en s’assurant que leurs transactions financières se font automatiquement par l’entremise d’une institution financière (et qu’elles peuvent donc être surveillées) et que les questions de procuration et de propriété sont gérées par des personnes de confiance452, Note de bas de page 454. Il peut toutefois être difficile, voire problématique, de trouver des personnes de confiance, surtout si ces dernières sont celles qui en viennent à infliger de mauvais traitements. Il est possible de prendre des mesures concrètes pour affronter une telle situation, notamment en parler à quelqu’un et comprendre que ce genre de situation peut survenir à n’importe quel âge, qu’il s’agit d’une violation des droits et que la victime n’est pas en causeNote de bas de page 454. Les plans d’intervention doivent permettre aux victimes de jouer un rôle dans leur collectivité. Renforcer les capacités communautaires est crucial pour lutter contre les mauvais traitements et la négligence infligés aux aînés.

Appartenance sociale

Il existe un lien direct entre l’appartenance sociale et le bien-être. Faire partie d’une famille, avoir des amis et ressentir un sentiment d’appartenance à notre communauté contribuent à une bonne santéNote de bas de page 12, Note de bas de page 177. Les paragraphes suivants mettent l’accent sur trois sphères d’intervention principales qui encouragent et améliorent le sentiment d’appartenance sociale :

  • enrayer l’isolement social;
  • faire du bénévolat;
  • enrayer la discrimination fondée sur l’âge.

Certains programmes mis en oeuvre dans ces domaines d’intervention se sont avérés efficaces, et il y aurait lieu d’en généraliser l’application; quant à ceux qui se sont révélés prometteurs, ils devraient faire l’objet de plus amples recherches.

Enrayer l’isolement social

Le fait d’avoir accès aux installations communautaires, aux moyens de transport et à des activités abordables en plus d’avoir un rôle significatif à jouer dans la société peut aider certains aînés à prendre une part active à la société et à être moins marginalisésNote de bas de page 12, Note de bas de page 177. Ceux qui vivent dans les milieux ruraux et éloignés peuvent être à risquent d’isolement. Ceux qui prennent soin d’autres aînés sont également à risque, car leurs responsabilités consument leur énergie et ils n’ont pas la force ou peu de temps à participer à d’autres activités. Les immigrants plus âgés qui viennent au Canada et qui tentent de s’adapter à une nouvelle communauté risquent d’isolement, particulièrement si les barrières linguistiques compliquent l’accès aux services ou leur participation à la sociétéNote de bas de page 7.

Puisque les comportements sociaux sont adoptés et conservés au cours des différentes étapes de la vie, il est primordial de s’attaquer à l’isolement social, peu importe l’âge de la personne qui en souffre. L’impact cumulatif de l’isolement à long terme peut toutefois s’accentuer avec l’âge, lorsque diminuent les occasions de participer à la vie sociale, en raison d’une mauvaise santé, de la perte d’êtres chers, de l’absence de rôle à jouer ou de responsabilités à endosser et de la diminution du revenuNote de bas de page 455-Note de bas de page 458. Pour que les aînés isolés prennent une part plus active à la société, ils doivent bénéficier d’environnements qui leur offrent l’occasion de s’engager, de jouer un rôle significatif et d’être respectés au sein de leur collectivitéNote de bas de page 12. Il faudra mener de plus amples recherches sur la qualité des réseaux de soutien communautaires et se demander comment les aînés les plus à risque perçoivent ces réseaux et s’ils les acceptentNote de bas de page 459.

Il existe tout un éventail de plans d’intervention ciblés servant à enrayer l’isolement social chez les aînés, comme du soutien offert sur une base individuelle et des séances d’apprentissage en groupeNote de bas de page 460. Un examen systématique de l’efficacité de ces plans d’intervention a démontré que les interventions en groupe au cours desquelles on aborde différents sujets et qui encouragent les participants à s’exprimer s’avèrent, au fil du temps, bénéfiquesNote de bas de page 461. En plus d’utiliser des plans d’intervention ciblés, il est possible d’encourager la participation sociale par l’entremise de programmes favorisant l’intégration à la collectivité. Au Canada, le programme Nouveaux Horizons pour les aînés offre du financement aux organismes qui tentent d’améliorer la qualité de vie des aînés en les encourageant à mener une vie active et à participer à des activités socialesNote de bas de page 462.Ce programme permet également de financer les organismes qui suscitent le respect envers les aînés en encourageant ces derniers à transmettre leurs connaissances et leurs expériences tout en sensibilisant la population aux difficultés auxquelles ils se heurtent, comme les mauvais traitements. (voir l’encadré 4.8 Programme Nouveaux Horizons pour les aînés)Note de bas de page 462.

Compte tenu de l’incidence négative possible de l’isolement social sur la santé des aînés, les futurs programmes devraient inclure des initiatives en matière de transport des aînés, augmenter le niveau de prestation des services et soutenir la mise en place de services dans les régions éloignéesNote de bas de page 460. Il est primordial de sensibiliser davantage les collectivités à l’importance des services destinés aux aînés. De plus, au moment de concevoir des stratégies de sensibilisation aux programmes et aux services offerts aux aînés, il faudra dresser la liste des populations qui sous-utilisent les services et les cibler (elles et leurs réseaux) dans les plans de promotion des programmesNote de bas de page 460. Le projet Collectivités amies des aînés (voir la section « Collectivités amies des aînés et conception universelle » plus haut dans ce chapitre) encourage les aînés et leur collectivité à créer un environnement sain et sécuritaire à l’aide de politiques, de structures et de services conçus pour soutenir et favoriser le vieillissement actif et la participation continue à la société.

Des chercheurs se sont penchés sur l’efficacité des plans d’intervention qui aident à réduire l’isolement social chez les aînés. Toutefois, l’incidence de ces plans d’intervention, qui ont des résultats mesurables sur la santé et la vie sociale, est limitée. Des recherches plus détaillées sont nécessaires si l’on veut concevoir et évaluer des plans d’intervention qui seront efficaces.

Encadré 4.8 Programme Nouveaux Horizons pour les aînés

Le programme Nouveaux Horizons pour les aînés (PNHA) offre du financement aux organismes canadiens sans but lucratif qui s’efforcent d’améliorer la qualité de vie des aînésNote de bas de page 463. Doté d’un budget annuel de 28,1 millions de dollars, le programme offre trois volets de financement : la participation communautaire et le leadership; l’aide à l’immobilisation; la sensibilisation aux mauvais traitements envers les aînésNote de bas de page 462, Note de bas de page 463.

Le financement octroyé pour la participation communautaire et le leadership encourage les aînés à participer activement aux activités continues de leur collectivité. Les projets sont mis sur pied et dirigés par les aînés. Ils comprennent une variété d’activités axées sur la transmission des traditions, des compétences, des expériences et de la sagesse; sur l’enseignement de nouvelles compétences aux pairs; et sur le mentorat des jeunesNote de bas de page 462, Note de bas de page 464.

Le financement pour l’aide à l’immobilisation permet aux organismes sans but lucratif qui offrent des programmes et des activités communautaires aux aînés de défrayer les coûts de rénovation de leurs installations et de remplacer l’équipement désuet. Les organismes admissibles font la promotion de la participation continue des aînés au sein de leur collectivitéNote de bas de page 462, Note de bas de page 464.

Le financement pour la sensibilisation aux mauvais traitements envers les aînés aide les organismes à mettre sur pied des campagnes de sensibilisation qui contribuent à prévenir les mauvais traitements envers les aînés. Ce volet a pour but d’augmenter la sécurité et d’améliorer la qualité de vie des aînés au CanadaNote de bas de page 462, Note de bas de page 464.

Depuis 2004, le PNHA a financé plus de 6 000 projets, partout au Canada, dont Bridging the Generations, mis en oeuvre à Melfort, en Saskatchewan. Ce projet a permis aux élèves de l’école primaire Melfort’s Broadway Community School de participer, avec des aînés, à une foule d’activités comme la fabrication de courtepointes et la préparation de collations à l’écoleNote de bas de page 465. Une autre initiative, le projet La violence envers les aînés, parlonsen, mis sur pied à Trois-Rivières, au Québec, a réussi à donner à près de 600 personnes de l’information sur les mauvais traitements infligés aux aînés et sur les ressources offertes aux victimes et aux témoinsNote de bas de page 466.

Au début de 2008, une évaluation formative du PNHA a été menée. Elle comprend l’examen des données et des documents administratifs, l’examen d’un sondage rempli par les candidats (ceux ayant reçu du financement et ceux n’en ayant pas reçu) et des entrevues avec les principaux répondants. Ceux-ci ont indiqué que le programme se distinguait par sa conception fondée sur les subventions ainsi que par ses comités régionaux d’étude des demandes. La souplesse du programme lui permet de répondre aux besoins particuliers des collectivités de différentes régions et remplit un rôle distinct dans la promotion de la participation communautaire des aînésNote de bas de page 467.

L’évaluation a également démontré que les efforts de promotion, par l’entremise de communications régionales, sont efficaces, puisqu’un nombre supérieur de dossiers de demandes étaient conformes aux exigences d’admissibilité. Toutefois, les candidats ont souligné qu’ils étaient insatisfaits du temps requis pour l’examen des demandes, lequel a augmenté avec le nombre accru de demandes admissibles. Les recommandations formulées lors de l’évaluation suggèrent de mettre en place des mesures servant à réduire le temps d’examen et de donner des explications détaillées à ceux qui présentent des projets auxquels le financement a été refuséNote de bas de page 467.

Dans le budget de 2010, 10 millions de dollars supplémentaires seront alloués sur deux ans; ils serviront à appuyer le bénévolat chez les aînés, à encourager la participation intergénérationnelle dans les collectivités et à sensibiliser davantage la population à l’exploitation financière des aînésNote de bas de page 468-Note de bas de page 470.


Faire du bénévolat

Le Note de bas de page chapitre 3 souligne les résultats positifs du bénévolat sur la santé, surtout chez les aînésNote de bas de page 255. Plusieurs d’entre eux comptent sur des réseaux de soins non officiels, souvent gérés par des bénévoles. Cette situation montre que le Canada doit s’assurer de disposer d’une bonne base de bénévoles. En règle générale, les aînés font du bénévolat parce qu’ils en ont le temps et parce qu’ils possèdent l’expérience et les compétences qu’ils offrent ainsi à leur collectivitéNote de bas de page 471, Note de bas de page 472. Selon les dernières tendances, les aînés représentent le groupe d’âge qui fait le moins de bénévolat; par contre, ceux qui en font y consacrent un plus grand nombre d’heuresNote de bas de page 471. Les populations évoluent, tout comme les modèles de bénévolat.

Les aînés d’aujourd’hui ont envie de faire du bénévolat autrement que leurs prédécesseurs le faisaient. Si les générations passées désiraient faire du bénévolat pour le compte d’organismes à vocation religieuse, les aînés d’aujourd’hui n’y tiennent plus. Nombre d’entre eux désirent s’adonner au bénévolat soit pour mettre à profit leur expérience de travail, soit parce qu’ils souhaitent acquérir de nouvelles connaissances ou de nouvelles aptitudes, soit pour vivre une expérience enrichissante et rencontrer de nouvelles personnes. Les gens qui ont fait du bénévolat à un plus jeune âge et ont apprécié l’expérience sont plus susceptibles de continuer à en faire à la fin de l’âge adulteNote de bas de page 472.De plus, des facteurs culturels influencent la pratique du bénévolat chez les aînés. Par exemple, les participants à la table ronde d’Iqaluit (une des neuf tables rondes tenues en 2009 par le Conseil national des aînés sur le bénévolat chez les aînés et le vieillissement positif et actif) ont indiqué que la culture inuite ne connaît pas le terme bénévolat. Elle utilise toutefois un concept similaire, pratique définie par une « personne aidant une autre ». Les aînés inuits ont deux raisons importantes d’aider leur prochain : la communication intergénérationnelle et la formation des jeunes aux traditions inuitesNote de bas de page 471.

Faire appel à la population récemment retraitée fournit l’occasion d’amener les aînés à la pratique du bénévolat, mais les organisations doivent toutefois être souples et donner aux bénévoles l’occasion de s’adonner à d’autres activitésNote de bas de page 253. Les aînés plus jeunes (de 65 à 75 ans) qui participent toujours à des activités liées au travail, post-travail ou externes peuvent être trop occupés pour faire du bénévolatNote de bas de page 472.Par ailleurs, les bénévoles sont intéressés par les activités qui leur donnent la possibilité de contribuer à la société. La surutilisation des bénévoles risque cependant de faire problème, car elle peut restreindre les motivations et les résultats positifs associés au bénévolat. Il faut que les organismes bénévoles se rappellent que les aînés doivent souvent diminuer leurs activités de bénévolat pour des raisons de santéNote de bas de page 253. Les employeurs peuvent mettre en place des pratiques de bénévolat en soutenant le bénévolat préretraite et en offrant des horaires souples en milieu de travailNote de bas de page 472. Les mesures incitatives fiscales permettraient de souligner les contributions de chacun et de rembourser aux bénévoles les coûts cachés associés au bénévolatNote de bas de page 471.

Dans l’ensemble, les aînés sont moins portés à faire du bénévolat que d’autres groupes d’âge. Toutefois, ceux qui en font y consacrent plus d’heures annuellement que tout autre groupe d’âgeNote de bas de page 471. L’aide gratuite qu’ils offrent est d’une valeur inestimable7. Ils peuvent tenir des rôles centraux dans la collectivité, et plusieurs organismes bénévoles ne pourraient fonctionner sans leur aideNote de bas de page 473. La participation à des organismes, ou des associations bénévoles, est fortement associée à un sentiment d’appartenance à la collectivité; si les aînés y sont attachés, il est plus probable qu’à long terme cette dernière sera plus à l’écoute de leurs besoinsNote de bas de page 73.

Le Canada doit s’efforcer de mieux comprendre ses bénévoles aînés, savoir ce qui les motive à faire du bénévolat et comment les recruter, les garder en place et souligner leur travail non payé. Il doit également adopter une stratégie de bénévolat qui reconnaît le dynamique milieu bénévole, qui s’intéresse aux nouveaux défis et qui fait la promotion des avantages que l’on retire aussi bien à recevoir des services de bénévoles qu’à les offrir. La stratégie pourrait comprendre les composantes qui suivent :

  • offrir aux aînés de nouvelles occasions de bénévolat qui nécessitent un niveau plus élevé d’aptitudes et d’expérience;
  • faire connaître les avantages du bénévolat aux individus, aux collectivités et aux organismes d’aînés;
  • adapter les exigences afin de répondre aux changements démographiques survenus chez les bénévoles pour ne pas toujours compter sur les mêmes personnes ni offrir les mêmes résultats;
  • se donner une définition commune du bénévolat;
  • créer des mesures incitatives intéressantes pour les bénévoles, notamment des occasions d’apprendre de nouvelles choses;
  • se préparer à des conditions inattendues et à des situations d’urgence;
  • inclure les bénévoles dans la planification et la conception des postes de bénévoles;
  • faciliter la coordination des bénévoles au sein d’un programme subventionnéNote de bas de page 472.

Enrayer la discrimination fondée sur l’âge

La Commission ontarienne des droits de la personne définit l’âgisme comme : i) une façon de penser définie par la société et fondée sur des attitudes et des stéréotypes négatifs à l’égard du vieillissement; ii) une structure sociale fondée sur l’a priori que tout le monde est jeune et qu’il n’est donc pas nécessaire de répondre aux besoins des aînésNote de bas de page 474. Le Comité sénatorial spécial sur le vieillissement souligne que l’âgisme est une forme de discrimination fondée sur l’âge, qui préjuge de la capacité d’une personne, nie sa capacité à prendre des décisions, ignore ses désirs individuels et la traite comme un enfantNote de bas de page 274.

L’âgisme empêche souvent les aînés de participer et de contribuer à la sociétéNote de bas de page 274, Note de bas de page 475. Cette attitude se caractérise par des préjugés à l’endroit des aînés fondés sur des stéréotypes négatifs et par l’obsession de la société pour la jeunesse et l’apparence de la jeunesseNote de bas de page 80.

Afin d’établir des conditions favorables à la santé et au bien-être des aînés, il est essentiel de changer les perceptions négatives à l’égard du vieillissement. L’objectif du Plan d’action international de Madrid sur le vieillissement (2002) propose des façons positives de présenter et de percevoir le vieillissementNote de bas de page 274. Une composante du plan consiste à donner aux aînés les moyens dont ils ont besoin pour participer pleinement et efficacement à la vie économique, politique et sociale de leur collectivité, par le biais de cotisations volontaires et productrices de revenusNote de bas de page 80. Ce renforcement de l’autonomie des aînés ne se produit pas instantanément et doit être entretenu au fil du temps. Les sociétés gagneraient à viser la reconnaissance et l’appréciation des aînésNote de bas de page 80, Note de bas de page 476. Le fondement de la valorisation du vieillissement devrait être établi tôt et être adapté à la diversité de la populationNote de bas de page 80.

La valorisation du vieillissement débute par un changement de valeurs et d’attitudes. Les initiatives intergénérationnelles auxquelles participent les aînés et les jeunes peuvent aider à promouvoir une meilleure image du vieillissement et être enrichissantes pour toutes les parties concernéesNote de bas de page 274. Les efforts visant à s’attaquer à l’âgisme doivent inclure une composante qui porte sur les questions de prestation de soins, d’exclusion et de discrimination dans un contexte institutionnel. Le soutien à la prestation de soins et la valorisation du vieillissement et du soin des aînés assureront un progrès dans la lutte contre l’âgisme.

Afin de lutter contre l’âgisme, il est important de souligner les importantes contributions que les aînés ont apportées à la société canadienneNote de bas de page 7. Le travail, rémunéré ou non, des aînés contribue à l’épanouissement des familles, des collectivités et de l’économie canadienneNote de bas de page 7, Note de bas de page 274. Plusieurs d’entre eux fournissent des soins à leurs époux, à leurs enfants, à leurs petits-enfants, à leurs amis et voisins, en plus de faire du bénévolatNote de bas de page 7. Nous nous attendons à ce que cette importante contribution augmente en même temps que croîtra le nombre de personnes de 65 ans et plusNote de bas de page 7.

Certains pays ont entrepris des campagnes contre l’âgisme. Ainsi, le gouvernement écossais a mis sur pied, au sein des collectivités et dans la sphère du bénévolat, la campagne See the Person, Not the Age (Voyez la personne, pas son âge). Il espère, de la sorte, renverser les stéréotypes liés à l’âgeNote de bas de page 477. Le Canada n’a pas de stratégie anti-âgisme. Il a toutefois investi dans la création de collectivités amies des aînés, lesquelles font la promotion de la cohésion sociale et du respect des aînés, deux éléments clés dans la lutte contre l’âgisme (voir la section « Collectivités amies des aînés et conception universelle » dans ce chapitre)Note de bas de page 83. Certaines provinces et certains territoires, comme le Québec, la Nouvelle-Écosse et Terre-Neuve-et-Labrador, s’efforcent de remédier à l’âgisme en menant des campagnes positives sur le vieillissementNote de bas de page 478-Note de bas de page 481. En juin 2010, le gouvernement du Canada a présenté une loi visant à mettre en place une journée nationale des aînés, qui soulignerait l’apport des aînés à la société canadienneNote de bas de page 482.

Dans les collectivités inuites, métisses et des Premières nations, le titre d’Ancien est donné aux personnes qui, grâce à leurs connaissances, leur sagesse, leur expérience et leurs compétences, améliorent la qualité de vie de la collectivité et guident ses membres par leurs conseils ou par d’autres activités. La plupart des Anciens sont des aînés ou des membres plus âgés de la collectivité, mais l’âge ne détermine pas l’attribution de ce titre. Pour être un Ancien, il faut acquérir le respect sur la base de ses actions et de ses paroles. À l’instar de nombreux aînés, les Anciens ont surmonté plusieurs obstacles au cours de leur vie et possèdent des connaissances et des aptitudes exceptionnelles dans des domaines tels que les langues, la culture et les traditions; des acquis qu’ils peuvent transférer à d’autres tout en apportant un équilibre à leur collectivitéNote de bas de page 483, Note de bas de page 484. Des initiatives comme le programme Transmission de l’héritage des aînés aux jeunes, du Conseil des arts du Canada, reconnaissent le rôle important que jouent les Anciens dans la culture autochtone. Le programme soutient les Anciens afin qu’ils enseignent aux jeunes de leur collectivité les arts traditionnels. Ainsi, ces jeunes seront en mesure de poursuivre la tradition des pratiques artistiquesNote de bas de page 485. Des initiatives semblables, conçues pour qu’on reconnaisse et valorise la connaissance et l’expertise des aînés dans la population générale, forgeraient une vision plus positive des aînés et du vieillissement dans les collectivités partout au pays et favoriseraient le respect entre générations. Les participants à la table ronde d’Iqaluit ont établi que les Anciens aidant les autres avaient pour principal objectif l’enseignement intergénérationnelNote de bas de page 471.

Pratiques engendrant des modes de vie sains

Un mode de vie sain désigne, pour la population, les pratiques des groupes de populations qui concordent avec l’appui, l’amélioration, le maintien et la qualité de la santé. Chez l’individu, le mode de vie sain consiste à adopter certains comportements personnels améliorant la santé. Cela englobe la capacité physique, mentale et spirituelle de faire des choix santéNote de bas de page 486, Note de bas de page 487.

En mai 2005, les ministres fédéraux, provinciaux et territoriaux responsables des aînés ont appuyé le rapport Vieillissement en santé au Canada : une nouvelle vision, un investissement vital. Celui-ci cible cinq secteurs prioritaires : l’appartenance sociale, l’activité physique, l’alimentation saine, la prévention des chutes et la lutte contre le tabagismeNote de bas de page 7, Note de bas de page 12. Même si deux de ces secteurs (la prévention des chutes et l’appartenance sociale) sont étudiés dans d’autres sections du présent chapitre, tous sont interconnectés, et les programmes et interventions relatifs à chaque secteur prioritaire peuvent influencer les autres. Par exemple, participer régulièrement à une activité physique peut réduire les risques de chute, circonscrit certains problèmes de santé et augmente les interactions sociales.

Qui dit pratiques de vie saines, dit création des conditions nécessaires pour que l’individu puisse exercer son choix et adopter des comportements qui favoriseront le vieillissement en santé, comme demeurer physiquement actif, avoir une alimentation équilibrée et éviter les choix et les comportements qui nuiront à la santé, comme fumer et consommer de l’alcool en quantités excessives. Bien que ces comportements reposent sur des décisions individuelles, il est important de souligner que ces décisions sont influencées par des facteurs physiques, sociaux et économiques vécus à toutes les étapes de la vie.

La présente section traite de six secteurs où des programmes et des interventions contribuent à créer des conditions propices à un vieillissement en santé :

  • mettre en place des programmes de soutien et d’infrastructures dans la collectivité;
  • sensibiliser la population à l’importance de l’activité physique;
  • encourager de saines habitudes alimentaires;
  • lutter contre l’usage du tabac, de l’alcool et des drogues;
  • promouvoir la littératie en santé chez les aînés;
  • favoriser l’apprentissage continu.

Certains programmes mis en oeuvre dans ces domaines d’intervention se sont avérés efficaces, et il y aurait lieu d’en généraliser l’application; quant à ceux qui se sont révélés prometteurs, ils devraient faire l’objet de plus amples recherches.

Mettre en place des programmes de soutien et d’infrastructures dans la collectivité

Les aînés qui ont participé activement à la vie de leur collectivité ou qui ont pratiqué des activités physiques pendant toute leur vie modifient rarement ces habitudes en vieillissant. Pour aider les aînés à persister dans leurs bonnes habitudes et les encourager à participer plus activement à la vie de leur collectivité, il faut une collectivité et un environnement sûrs et dynamiquesNote de bas de page 7, Note de bas de page 12. Des traverses piétonnières bien aménagées, des trottoirs bien entretenus, la présence de sentiers récréatifs et l’accès à des programmes de marche intérieure et à des centres communautaires favorisent l’activité physique quotidienne. Par exemple, les programmes de marche dans les centres commerciaux mettent à profit une infrastructure en place pour permettre aux aînés d’avoir des relations sociales et de pratiquer une activité physique dans un environnement gratuit, sûr et facile d’accèsNote de bas de page 488. Des programmes comme Active Living BC aident les aînés physiquement et socialement actifs en leur accordant des rabais sur le prix d’entrée des galeries d’art, des parcs provinciaux, des musées et des cinémas et sur les titres de transport des autobus et des traversiersNote de bas de page 489. De plus, tous les groupes d’âge profitent de l’aménagement d’infrastructures qui facilitent l’activité et encouragent la participation des personnes à mobilité réduiteNote de bas de page 327.

En règle générale, les aînés passent beaucoup plus de temps à la maison et dans leur voisinage immédiat que les autres groupes d’âge. Des problèmes de mobilité peuvent limiter encore plus certains aînés. Par conséquent, la possibilité, pour les aînés, de sortir de la maison et d’avoir accès à des espaces verts et à des aménagements communautaires à proximité représente un atout déterminant en matière de bonne santé. L’aménagement et l’attrait général des lieux extérieurs et des installations communautaires jouent également un rôle important sur les taux de fréquentationNote de bas de page 490.

Un examen d’études internationales sur l’activité des aînés révèle que, dans l’espace de la collectivité, un certain nombre de facteurs, comme l’absence d’éléments attrayants, une impression d’insécurité engendrée par un mauvais éclairage et la présence d’animaux non tenus en laisse, entraînent une réduction générale de l’activité physiqueNote de bas de page 491. Le défi, pour les collectivités et les organisations, consiste à rendre l’activité physique plus accessible et attrayante pour les aînés canadiens, quels que soient leur âge, leurs capacités et leur intérêt. Il importe également, dans les régions du Canada, où les hivers sont rudes et peuvent limiter les activités des aînés, de créer ou d’adapter des environnements propices à l’activité physique. Par exemple, le programme de conditionnement physique Elders in motion, un programme mis en oeuvre de manière concertée par la nation dénée, l’Association nationale des parcs et des loisirs des Territoires du Nord-Ouest et le Canadian Centre for Activity and Aging encourage les aînés à faire de l’activité physique dans les centres récréatifs locaux et les prépare à assumer des responsabilités de leader en conditionnement physique dans leur collectivité. Dans les collectivités où l’on a mis à profit des aménagements qui tiennent compte des aînés et les encouragent à être actifs et à participer à des programmes locaux, on aF réussi à créer des milieux propices à un vieillissement en santéNote de bas de page 492.

Dans les établissements de soins de longue durée, tout comme dans les résidences pour aînés autonomes, il convient de mentionner le Guide d’activité physique canadien pour une vie active saine qui souligne comment les Canadiens peuvent intégrer l’activité physique à leur vie quotidien. Le Guide d’activité physique canadien pour une vie active saine pour les aînés s’adresses en particulier aux loisirs chez les pensionnaires, étant donné la diversité de leurs capacités et de leurs intérêtsNote de bas de page 176. Il faut aussi tenir compte des limites inhérentes à ces établissements, comme l’exiguïté des locaux, l’absence d’équipements spécialisés et le manque de personnel – en particulier de personnel ayant reçu une formation spécialisée dans le domaine. Les médias ont abondamment parlé du recours aux vidéos d’exercices pour faire bouger les aînés, particulièrement ceux qui vivent dans un cadre institutionnel ou que des obstacles empêchent de participer à des activités physiques à l’extérieur de la maison ou dans un centre communautaireNote de bas de page 493. On a observé une amélioration de l’état psychologique chez les résidants déprimés qui s’étaient inscrits à un programme de « jeux » de 12 semaines. Les jeux qui incitaient les utilisateurs (de tous âges) à travailler leur conditionnement physique augmentaient la confiance, l’intérêt et la performance physique. Les aînés qui ont participé à l’étude réagissaient mieux à un entraîneur humain qu’à un personnage simuléNote de bas de page 494, Note de bas de page 495. Par ailleurs, des recherches confirment que les interventions animées ou gérées par un entraîneur, un professionnel de la santé ou un thérapeute retiennent davantage l’intérêt que portent les aînés à de tels programmesNote de bas de page 495.

Sensibiliser la population à l’importance de l’activité physique

Le Comité sénatorial spécial sur le vieillissement mentionne dans un rapport que, malgré les avantages connus de l’activité physique et intellectuelle chez les aînés, un certain nombre de Canadiens ne reconnaissent pas l’importance de demeurer actifs à toutes les étapes de la vie, y compris pendant la retraite. Alors que bon nombre d’aînés tiennent pour acquis qu’en diminuant leurs activités ils se protègent, les observations démontrent qu’un mode de vie actif peut accroître le nombre d’années passées en bonne santé. Une stratégie intégrée sur la santé des aînés contribuerait à créer des conditions favorables à un vieillissement en santé; toutefois, bon nombre des stratégies actuelles sont trop larges et ne répondent pas aux besoins précis des aînésNote de bas de page 274.

Au nombre des efforts prometteurs visant à encourager un bon état de santé à toutes les étapes de la vie, il convient de mentionner le Guide d’activité physique canadien pour une vie active saine qui souligne comment les Canadiens peuvent intégrer l’activité physique à leur vie quotidien. Le Guide d’activité physique canadien pour une vie active saine pour les aînés s’adresses en particulier aux aînés et il encourage l’activité physique par l’utilisation de messages clés comme « il n’est jamais trop tard pour profiter de l’activité physique » et « être actif favorise la santé et l’autonomie et peut atténuer les effets du vieillissement »Note de bas de page 178. On y explique également comment les aînés peuvent choisir des activités physiques qui répondront à leurs intérêts et qui pourront être exécutées dans divers milieux. On y recommande aussi des activités physiques sans risque pour les aînés qui sont aux prises avec des troubles de santé, comme un problème de cardiopathie, d’ostéoporose ou d’arthrite. Cela vaut aussi pour ceux qui, craignant les chutes, ont peur de perdre l’équilibre ou hésitent à faire de l’activité physique dans des conditions météorologiques variablesNote de bas de page 497.

La sensibilisation et l’éducation des aînés sur les avantages d’une vie active peuvent également contribuer à faire tomber certains mythes liés à l’âge et aux limitations fonctionnelles (voir la section intitulée « enrayer la discrimination fondée sur l’âge » plus haut dans ce chapitre). Malgré des programmes nationaux de grande envergure servant à faire la promotion de l’activité physique, le nombre des aînés qui s’adonnent à leur pratique n’a pas augmenté. Cette situation pourrait s’expliquer par la persistance de préjugés à l’égard de l’âge et de ce que les aînés croient pouvoir et devoir faire, et par le fait que nombre d’entre eux ne voient pas la nécessité de pratiquer d’activité physique s’ils se portent bien. D’autres aînés éprouvent peut-être une certaine gêne à s’exécuter dans un lieu public en compagnie de participants plus jeunes dont les performances seront supérieuresNote de bas de page 12. Mentionnons également les obstacles qui nuisent à la modification des comportements dans les collectivités défavorisées où l’on peut exiger des frais de participation à des programmes d’activité physique et où d’autres facteurs sociaux peuvent jouer. Le fait de vivre dans une collectivité défavorisée peut avoir des conséquences qui dépassent les capacités de réponse des services locaux de santé publique et de sécurité sociale. Des facteurs individuels comme la diminution du revenu attribuable, par exemple, au départ à la retraite, et des capacités physiques amoindries peuvent accroître la nécessité de créer des activités nouvelles, moins coûteuses ou moins exigeantes sur le plan physique. Certaines collectivités peuvent offrir des activités gratuites ou peu coûteuses destinées aux aînés à faible revenu, et il est possible d’adopter des mesures qui suscitent la participation. On peut aussi encourager la pratique d’activités abordables, comme la marche et la bicyclette.

Les interventions qui s’accompagnent d’incitatifs, par exemple des crédits d’impôt, et qui offrent la possibilité d’assumer un leadership et d’accroître la visibilité des aînés actifs et en santé connaissent un certain succès. Mentionnons, au nombre de telles interventions, le programme canadien ParticipAction, qui souligne la participation de Canadiens de tous âges qui se sont dépassés et ont défié les normes socialesNote de bas de page 498. Par ailleurs, il n’est pas interdit de croire que des incitatifs financiers destinés à encourager l’activité physique, comme le Crédit d’impôt pour la condition physique des enfants, puissent être appliqués au cas des aînésNote de bas de page 471.

Les aînés n’ont pas tous le même degré d’activité. Certains sont moins actifs. C’est le cas par exemple des femmes, des membres de groupes minoritaires, des personnes peu scolarisées, vivant seules ou dans une collectivité isolée, celles qui ont des troubles de santé chroniques (comme une déficience cognitive) et des aînés qui n’ont pas de famille ou d’amis qui peuvent leur venir en aideNote de bas de page 7, Note de bas de page 176.Ces personnes moins actives devraient faire l’objet d’une approche ciblée. La localisation des services, l’accès offert par les réseaux de transport et les coûts entrent également en ligne de compte. En ce qui concerne les personnes à mobilité réduite ou vivant avec d’autres limitations, on pourrait envisager des initiatives qui encouragent l’activité physique dans le cadre de programmes à domicile, dont on évaluerait le succès en déterminant le degré de progression des participants en fonction de l’accroissement de la force, de la souplesse, de l’intérêt et de la motivation (voir l’encadré 4.9 Programme SMART des Infirmières de l’Ordre de Victoria)Note de bas de page 499.

Encadré 4.9 Programme SMART des Infirmières de l’Ordre de Victoria

Les Infirmières de l’Ordre de Victoria du Canada forment un organisme national de santé communautaire à but non lucratif qui offre, depuis 1897, des soins infirmiers à domicile, plus particulièrement aux aînés et aux malades chroniques. Au nombre de ses multiples programmes, SMART (Seniors Maintaining Active Roles Together®) aide les aînés à faire de l’activité physique. Le but de L’organisme est de promouvoir la santé et permet aux aînés de demeurer autonomes à l’aide de programmes d’exercices accomplis à domicile ou en groupeNote de bas de page 499, Note de bas de page 500. L’initiative SMART agit sur plusieurs déterminants de la santé liés à l’âge grâce à la création de réseaux sociaux d’aide, à la mise au point d’exercices et d’ateliers de formation, à l’amélioration de pratiques d’hygiène personnelle et à un accès facilité aux services de santéNote de bas de page 499.

L’initiative SMART comprend un programme d’exercices supervisés, que les personnes de 55 ans et plus peuvent faire à domicile, et un programme d’exercices accomplis en groupe dans la collectivité. Ces programmes sont offerts par des bénévoles formés, âgés de 31 à 76 ans, dont la majorité sont des pairsNote de bas de page 499, Note de bas de page 500. L’initiative s’adresse aux aînés qui vivent de façon autonome dans leur collectivité, en particulier ceux dont la santé est à risque et qui peuvent également éprouver des difficultés liées aux coûts, au transport ou à leurs capacitésNote de bas de page 499.

Depuis sa création au milieu des années 1990, le programme SMART a permis d’améliorer la santé et l’attitude des participants. Une évaluation effectuée en 2004 révèle que, après avoir adhéré au programme, 34 % des participants ont augmenté leur degré d’activité en dehors du cours régulier. Pendant la période de surveillance de 16 semaines, la mesure de la condition physique a donné des résultats statistiquement significatifs, et les participants ont amélioré leur endurance physique, leur force, leur souplesse, leur équilibre et leur agilitéNote de bas de page 499.

Par ailleurs, une évaluation menée en 2008 indique que la moitié des participants des deux programmes ont amélioré leur santé une fois le programme SMART achevé. Plus de 90 % des aînés qui ont participé au programme d’exercices à domicile ont déclaré avoir été en mesure de maintenir, voire d’améliorer leurs capacités fonctionnelles et leur mobilité, et tous les participants du programme d’exercices en groupe ont indiqué avoir maintenu ou amélioré leurs capacités fonctionnelles et leur mobilité. L’évaluation a également révélé que le volet social des deux programmes stimulait fortement la participation, ce volet figurant d’ailleurs parmi les principaux avantages mentionnés par les répondantsNote de bas de page 500. En septembre 2008, 18 collectivités de partout au Canada avaient mis sur pied au moins un des deux programmes SMARTNote de bas de page 500.

Encourager de saines habitudes alimentaires

Les problèmes d’alimentation et de nutrition chez les aînés sont souvent résolus lorsque l’on incite ces derniers à adopter une attitude positive à l’égard de l’alimentation, que l’on tient compte des difficultés à socialiser, des troubles de santé et que l’on fait de la prévention en matière d’insécurité alimentaire (notamment chez les aînés qui vivent dans des localités nordiques et éloignées). On dispose de peu de documentation sur l’efficacité des interventions nutritionnelles ciblant les aînés. Les interventions de portée générale axées sur l’ensemble de la population et mises en oeuvre en amont, comme l’enrichissement alimentaire, servent à corriger certaines lacunes nutritionnelles. Elles permettent ainsi d’accroître les apports en éléments nutritifs dans l’ensemble de la population. Toutefois, de nombreuses interventions relatives à l’enrichissement alimentaire servent essentiellement à améliorer la santé prénatale et ne s’adressent nullement aux aînésNote de bas de page 501.

Les programmes de portée générale permettent d’assurer la sécurité alimentaire de la population dans son ensemble et de garantir l’accès physique et économique à des approvisionnements alimentaires sains, nutritifs et suffisants pour répondre aux besoins nutritionnels et aux préférences alimentaires propices à une vie active et saine. Le Plan d’action du Canada pour la sécurité alimentaire est un exemple de programme de portée générale. Il vise un large éventail de problèmes liés aux aliments et à leur production, comme le droit d’accès, la réduction de la pauvreté, la salubrité alimentaire, l’accès aux aliments traditionnels et la présence d’un système de surveillance appropriéNote de bas de page 502. Des programmes de portée générale comme Nutrition Nord (qui s’inspire du programme Aliments poste à qui il succède) ont été créés afin de permettre aux collectivités admissibles du Yukon, des Territoires du Nord-Ouest, du Nunavut, de l’Alberta, de la Saskatchewan, du Manitoba, de l’Ontario, du Québec et de Terre-Neuve-et-Labrador d’avoir accès plus facilement, et à moindre coût, à des aliments sains (c’est-à-dire à des aliments nutritifs périssables et à des aliments traditionnels typiques du Nord)Note de bas de page 503. Pendant la projet pilote du programme Aliments poste (2009), les principaux informateurs ont indiqué que les aliments nutritifs périssables étaient plus faciles à obtenir, moins coûteux et de meilleure qualité qu’avant la mise en oeuvre du projet. Toutefois, les taux d’insécurité alimentaire et les progrès dans la modification des comportements variaient d’une collectivité à l’autre et à l’intérieur des sous-groupes de tous âgesNote de bas de page 503. Bien que de tels programmes donnent à toute la population un meilleur accès aux aliments, ils négligent les conditions et les facteurs qui prévalent chez les aînés, comme l’isolement et les troubles de mobilitéNote de bas de page 502. Dans le rapport intitulé Le vieillissement en santé au Canada : une nouvelle vision, un investissement vital, cité au début de cette section, on recommande de mettre en oeuvre davantage d’interventions nutritionnelles ciblant directement les aînés, vu le nombre limité de ces interventions et la rareté des évaluationsNote de bas de page 7, Note de bas de page 12.

Chez les aînés, alimentation peut aller de pair avec relations sociales. Par exemple, les aînés qui disent être solitaires, isolés ou déprimés ont souvent moins tendance à s’alimenter. De même, de nombreux aînés ne voient pas toujours la nécessité de préparer des repas pour une seule personne, estimant que l’effort exigé est supérieur aux avantages. Les programmes qui encouragent les aînés à se mitonner de bons petits plats et à cuisiner pour des amis ou des groupes favorisent de meilleures pratiques alimentaires, tout en contribuant à améliorer la sociabilité et l’état psychologiqueNote de bas de page 7, Note de bas de page 12. Les aînés qui apprennent à cuisiner dans le cadre de collectifs dont les membres se rencontrent régulièrement pour partager un repas qu’ils ont préparé sont encouragés à varier leur ordinaire, alors qu’ils risqueraient, autrement, de mal s’alimenter ou de sauter des repasNote de bas de page 504.

Les aînés dont la santé bucco-dentaire laisse à désirer, notamment les personnes partiellement ou totalement édentées, peuvent avoir à modifier leur alimentation, d’où des répercussions négatives sur l’état de santé nutritionnelNote de bas de page 268, Note de bas de page 505, Note de bas de page 506. Ces facteurs sont plus souvent présents dans les établissements de soins de longue durée où coexistent, chez les pensionnaires d’autres contraintes liées à la prise de médicaments ou à des difficultés fonctionnelles qui font obstacle au brossage des dents ou à l’alimentation autonome, et qui peuvent accélérer les caries dentaires et nuire aux habitudes alimentaires. Bien que de nombreux aînés aient peut-être bénéficié, pendant leur vie, de bons soins dentaires grâce à un régime d’assurance maladie offert par l’employeur et d’un meilleur accès aux services, leur santé bucco-dentaire a pu se détériorer avec l’âge en raison de problèmes d’accès et de coûtNote de bas de page 270, Note de bas de page 506, Note de bas de page 507. Un rapport sur la santé bucco-dentaire des aînés, en Nouvelle-Écosse, signale que cette question devrait être intégrée aux cadres de la santé publique et faire l’objet de rapports courants sur les indicateurs liés à la santé bucco-dentaire des aînés. Le rapport recommande aussi la conception, la mise en oeuvre, la surveillance et l’évaluation d’une stratégie de soins bucco-dentaires pour les aînés, accompagnée de campagnes de sensibilisation axées sur les aînésNote de bas de page 507. La Stratégie canadienne de santé bucco-dentaire recommande le recours à une méthode nationale normalisée qui permettrait de suivre les indicateurs de la santé bucco-dentaire au CanadaNote de bas de page 508. En réponse à cette recommandation, on a ajouté à l’Enquête canadienne sur les mesures de santé de 2007-2009 un volet portant sur la santé bucco-dentaireNote de bas de page 269.

Comme on le mentionne au chapitre 3, une mauvaise alimentation peut nuire à la santéNote de bas de page 7, Note de bas de page 180, Note de bas de page 181, Note de bas de page 190. Les programmes de sensibilisation des aînés à l’alimentation connaissent un certain succès, tout autant que les programmes de dépistage nutritionnel mis en oeuvre auprès des aînés à risque, lesquels permettent de cerner les problèmes et d’évaluer des solutions (voir l’encadré 4.10 Seniors in the Community Risk Evaluation for Eating and Nutrition (Aînés dans la collectivité : évaluation des risques nutritionnels)), mais ces efforts et leur évaluation demeurent limités. Les pratiques qui encouragent de saines habitudes alimentaires chez les aînés doivent intégrer l’éventail des facteurs qui influent sur la nutrition, comme le choix des aliments, la santé bucco-dentaire et l’état de santé général et la vulnérabilité sociale et économiqueNote de bas de page 7, Note de bas de page 509. Des programmes à visée éducative, dans le cadre desquels on distribue de la documentation et on remet en question les idées reçues au sujet du poids santé et de l’alimentation des aînés, s’imposent égalementNote de bas de page 7. De plus, il faudrait effectuer d’autres recherches et améliorer nos connaissances afin de mieux comprendre les facteurs qui influencent les habitudes alimentaires des aînés, sans oublier la nécessité d’évaluer plus fréquemment les interventions.

Encadré 4.10 Seniors in the Community Risk Evaluation for Eating and Nutrition (Aînés dans la collectivité : évaluation des risques nutritionnels)

Seniors in the Community Risk Evaluation for Eating and Nutrition (SCREEN) est un outil de dépistage mis au point au Canada pour déterminer les risques nutritionnels chez les aînés. SCREEN II est un questionnaire en 14 points permettant d’analyser les facteurs qui influent sur la santé nutritionnelle des aînés, comme les variations de poids, les apports en solides et en liquides ainsi que les facteurs de risque connexesNote de bas de page 510. Destiné aux aînés qui vivent dans une collectivité, le questionnaire SCREEN II peut-être rempli par l’intéressé lui-même, ou administré par un interviewer, ce qui le rend très adaptable aux aînés en bonne santé comme aux aînés fragiles, et qui donc en facilite l’utilisation dans divers contextesNote de bas de page 511, Note de bas de page 512.

SCREEN a été abondamment utilisé en recherche et dans la pratique, et il s’est révélé hautement valide et fiable. Dans le cadre du programme Mise en oeuvre du dépistage nutritionnel chez les personnes âgées au Canada, lancé en octobre 2000 en tant que projet de démonstration par Les diététistes du Canada et par la professeure Heather Keller (auteure du questionnaire SCREEN), on a eu recours à l’outil SCREEN pour évaluer les risques nutritionnels susceptibles d’être présents chez plus de 1 200 aînés vivant dans cinq collectivités du Canada (North Shore Vancouver, en Colombie- Britannique; Toronto, en Ontario; Timmins, en Ontario; Interlake, au Manitoba, et Saint John, au Nouveau-Brunswick)Note de bas de page 512-Note de bas de page 514.

L’évaluation et l’analyse des données recueillies sur une période de neuf mois par des bénévoles formés, des fournisseurs de services et des professionnels de la santé révèlent qu’environ 40 % des aînés visés par le projet de démonstration étaient exposés à un risque nutritionnelNote de bas de page 512, Note de bas de page 514, Note de bas de page 515. Tous les aînés à risque ont été orientés vers des services conçus pour répondre à leurs besoins nutritionnels, et ils ont eu la possibilité de participer à un processus de suivi leur offrant un soutien prolongé. Toutefois, seulement 40 % des participants ont accepté de consulter un médecin, un diététiste ou un autre professionnel. Parmi ceux qui ont été orientés vers un diététiste, 17 % seulement se sont prévalus de ses services pendant la période de suivi. Ce chiffre s’explique par le fait que bon nombre des aînés en question figuraient toujours sur la liste d’attente au moment du suivi et que d’autres avaient décidé de se retirer du processus, car on leur demandait des frais d’administration. Néanmoins, plus de la moitié (55 %) des participants au projet de démonstration ont pris des mesures correctrices et ont estimé que leur alimentation s’était améliorée grâce au dépistage, à la documentation qu’on leur avait remise et au fait qu’on les avait orientés vers un spécialisteNote de bas de page 512, Note de bas de page 515.

Le dépistage précoce est essentiel si l’on veut régler la question du risque nutritionnel chez les aînés. Malgré l’absence générale de programmes de nutrition pertinents et de services de diététistes offerts aux aînés dans bon nombre de collectivités au Canada, SCREEN et les outils de dépistage nutritionnel semblables peuvent aider à mieux prendre conscience du problème et à cerner et évaluer des solutions en fonction des aînés qui sont exposés à un risque nutritionnel et qui vivent en milieu rural ou urbain, partout au CanadaNote de bas de page 512, Note de bas de page 514, Note de bas de page 515.


Lutter contre l’usage du tabac, de l’alcool et des drogues

Bien qu’environ 9 % des aînés âgés de 65 ans et plus fument (voir le chapitre 3), les programmes d’abandon du tabagisme destinés aux aînés sont peu nombreux, leur succès est limité, ils sont rarement évalués et les pratiques exemplaires dans ce domaine sont mal connuesNote de bas de page 7, Note de bas de page 192-Note de bas de page 194. En outre, même si l’abandon du tabagisme se traduit par des effets positifs sur la santé des aînés, très peu de recherches se sont penchées sur les motivations qui animent ces derniers et les obstacles auxquels ils se heurtent. Il faudrait intensifier les efforts pour améliorer l’efficacité des programmes d’abandon du tabagisme destinés aux aînés et mieux les faire connaître.

Les interventions en faveur de l’abandon du tabac qui ciblent principalement les jeunes ne sont pas aussi efficaces auprès des aînésNote de bas de page 516, Note de bas de page 517. En matière de consommation de tabac, ces deux groupes ont des attitudes et un vécu diamétralement opposés. Ce sont les campagnes de sensibilisation où l’on évoque une perte possible d’autonomie ou de qualité de vie et où l’on insiste sur les méfaits du tabac sur la santé d’un être cher qui encouragent le plus les aînés à renoncer au tabacNote de bas de page 516-Note de bas de page 518. Les programmes d’entraide entre pairs se révèlent relativement efficaces, en particulier lorsque des aînés devenus non-fumeurs disent avoir réussi à cesser de fumer et avoir vu leur qualité de vie s’améliorer grâce à ces programmes. Les aînés doivent pouvoir compter sur leurs pairs et savoir qu’il n’est jamais trop tard pour abandonner le tabac. Quel que soit le groupe d’âge, il est rare que l’on parvienne à diminuer sensiblement l’usage du tabac en utilisant une approche monovalente ou en ne tablant que sur une seule interventionNote de bas de page 517.

Tout comme en matière de lutte contre le tabagisme, les programmes qui s’attaquent à la consommation d’alcool et de drogues chez les aînés ou aux facteurs de risque connexes sont limités. Diverses approches à visée thérapeutique peuvent être utilisées, seules ou en association, pour aider les aînés aux prises avec un problème de toxicomanie. Les groupes d’entraide, comme les Alcooliques anonymes, connaissent un certain succès auprès des aînés, car ils favorisent la création de relations sociales et de liens d’accompagnement entre personnes du même âgeNote de bas de page 517. Les interventions brèves, de même que les approches thérapeutiques cognitivo-comportementales, s’attardent aux motivations, aux pensées et aux croyances qui sous-tendent les problèmes de toxicomanie. De même, les services d’approche assurent un traitement au domicile de l’aîné et éliminent, de ce fait, les barrières inhérentes à l’obligation pour l’aîné de se déplacer pour recevoir les services. De nombreuses techniques d’intervention, qui font appel à des programmes ciblant les aînés et à l’entraide entre aînés, connaissent aussi un certain succèsNote de bas de page 12.

Il convient également de mentionner que la consommation d’alcool et de drogues peut constituer, pour certains aînés, un moyen d’atténuer momentanément des douleurs chroniques ou un problème d’insomnie. Les interactions de ces substances avec des médicaments, sur ordonnance ou en vente libre, peuvent avoir des conséquences nuisibles sur la santé, comme une diminution de l’efficacité de la médication, une perturbation du sens de l’équilibre pouvant entraîner une chute ou une accentuation des risques de surdosesNote de bas de page 205. Pour être plus efficaces, les programmes d’abandon des drogues et de traitement de l’alcoolisme destinés aux aînés devraient prendre en considération ces facteurs de même que les autres causes de la toxicomanie (solitude, dépression, etc.).

Promouvoir la littératie en santé chez les aînés

Plusieurs facteurs déterminent le degré de littératie en santé, notamment le niveau de scolarisation, le revenu, les capacités cognitives, l’état de santé et les capacités fonctionnellesNote de bas de page 73, Note de bas de page 277, Note de bas de page 279. Chez les aînés, la littératie en santé est influencée de façon particulière par l’âge, qui peut entraîner le déclin de cette compétence, et par le fait que la cohorte actuelle d’aînés est généralement moins scolarisée que les groupes d’âge plus jeunes. S’ajoute à cela le fait que, en vieillissant, on tend à avoir davantage besoin de soins de santé, d’information et de traitements. Le problème concerne surtout les aînés qui ont une faible niveau de littératie en santé pour pouvoir prendre des décisions élémentaires et accéder à l’information pertinente ou savoir la déchiffrerNote de bas de page 276.

La capacité d’obtenir de l’information peut également être compromise par des problèmes de mobilité et d’accès aux services, par des barrières linguistiques, par le niveau des connaissances techniques et par le niveau de vie sociale. Pour améliorer les compétences en santé, il faudra que le problème soit mieux reconnu et que des mesures soient prises à grande échelle afin de convaincre les individus, les collectivités et les décideurs de gérer et d’améliorer la littératie en santé des aînés et d’autres groupes d’âgeNote de bas de page 280.

Qui dit faible niveau de littératie en santé, dit souvent, pour les aînés, problèmes d’accès aux programmes et aux services et difficultés à respecter les directives du médecin ou à suivre les protocoles de prise en charge des maladiesNote de bas de page 280. Ces activités imposent fréquemment à l’individu un long dédale de formulaires et d’information qui retardent ou empêchent souvent l’obtention des soins appropriés. Les campagnes de sensibilisation devraient (dans la mesure du possible) encourager les aînés à se tenir informés des questions qui touchent leur santé et leurs soins. Les aînés eux mêmes peuvent améliorer leurs compétences en santé en lisant quotidiennement, une mesure qui, selon les observations, peut améliorer de 52 % les résultats en littératieNote de bas de page 280. Les campagnes de sensibilisation à la littératie en santé devraient également mettre en relief les avantages que l’on retire à poser des questions à son fournisseur de soins et à son pharmacien, et indiquer à l’aîné des façons de recourir à d’autres sources d’information, notamment en demandant à une personne de confiance d’être son champion en santéNote de bas de page 280.

Il incombe à tous les ordres de gouvernement de prendre des mesures à l’égard des problèmes de littératie en santé. Les pouvoirs publics peuvent adopter des principes de vulgarisation des textes et les appliquer à toute information portant sur la santé et à tous les services connexes (par exemple, ils peuvent prendre des mesures pour que les formulaires d’assurance médicale et les étiquettes des médicaments soient rédigés en langage clair). Les gouvernements pourraient également promouvoir la traduction de toute la documentation médicale en diverses langues dans les régions où vivent des minorités linguistiques. Les collectivités peuvent mettre en oeuvre des techniques d’approche pour les groupes vulnérables, tels les immigrants aînés, les personnes faiblement scolarisées, celles qui ont des troubles de mobilité ou qui vivent dans des régions mal desserviesNote de bas de page 280.

Par ailleurs, la sensibilisation aux problèmes de littératie peut permettre aux professionnels de la santé de mieux servir un groupe diversifié d’aînés qui, autrement, pourraient éprouver de la difficulté à prendre des décisions éclairées sur leur santé et le choix des soins à recevoir. Par exemple, le recours à des interprètes médicaux pourrait aider les professionnels à s’assurer que les aînés à risque reçoivent et comprennent bien l’information qui leur est destinée. Les interprètes peuvent, de leur côté, donner l’assurance aux aînés, incapables de parler la langue du pays, que le fournisseur de soins et le pharmacien sont au fait de leurs préoccupations et de leurs problèmesNote de bas de page 519.

Lorsque des documents d’information et des services révisés ou ciblés sont offerts, il importe de contrôler l’efficacité de ces mesures et de vérifier qu’elles répondent aux besoins. La collecte de renseignements sur les tendances en matière de littératie en santé s’impose si l’on veut continuer à fournir un soutien efficace à ceux qui en ont besoin.

Favoriser l’apprentissage continu

Les efforts visant à accroître la sociabilité et la participation à la vie en société peuvent être consolidés par des programmes d’éducation ou d’apprentissage continu. Les aînés qui participent à ces activités peuvent se découvrir de nouveaux champs d’intérêt et de connaissance et maintenir ou accroître leur présence dans la société. La participation à une activité d’apprentissage peut améliorer la qualité de vie, prévenir la dégradation des fonctions cérébrales et améliorer les facultés intellectuelles, sans compter les avantages éventuels sur les compétences en littératieNote de bas de page 280.

Il est important que les aînés soient conscients des avantages psychologiques de l’éducation permanente et des possibilités qui leur sont offertes à cet égard. Les collectivités ont besoin d’approches et de lignes directrices étendues pour trouver des façons d’éliminer les obstacles qui nuisent à la participation, de concevoir des programmes d’apprentissage et de mettre en commun les pratiques exemplaires. Un certain nombre d’approches peuvent être utilisées pour améliorer l’accès à l’éducation continue :

  • des efforts de sensibilisation qui encouragent la participation des aînés;
  • un meilleur échange de renseignements sur les activités, les programmes et les possibilités d’apprentissage mis en oeuvre par et pour les aînés ou offerts dans les collectivités;
  • des mesures d’incitation (par exemple, des crédits d’impôt et des tarifs réduits) qui encouragent les aînés à participer à des activités d’apprentissage.

Des programmes éducatifs sont offerts aux aînés dans divers contextes. Des commissions scolaires locales proposent des programmes d’éducation permanente variant du cours secondaire pour adultes au cours d’intérêt général. Bon nombre d’universités et de collèges au Canada encouragent les aînés qui souhaitent décrocher un diplôme, en leur offrant une scolarité gratuite ou en demandant des droits de scolarité réduits. Certains aînés pourraient souhaiter étudier dans un établissement d’études postsecondaires, mais peuvent en être dissuadés par le stress potentiel et la responsabilité supplémentaire que représentent les examens et les travaux scolaires. Ces aînés ont cependant l’option de s’inscrire comme étudiant libre ou suivre des cours adaptés aux aînés (voir l’encadré 4.11 Possibilités d’apprentissage continu : l’Université du troisième âge). Ainsi, le Seniors College de l’Île-du-Prince-Édouard, un établissement affilié au Centre for Life Long Learning de l’Université de l’Île-du-Prince-Édouard, offre aux aînés des programmes d’apprentissage comportant un éventail de cours dans trois régions de la provinceNote de bas de page 520.

Encadré 4.11 Possibilités d’apprentissage continu : l’Université du troisième âge

En 1976, la première université nord-américaine du troisième âge voyait le jour à Sherbrooke, au Québec. L’Université du troisième âge (UTA) s’inscrit dans un mouvement mondial qui existe en Asie, en Europe et dans les AmériquesNote de bas de page 521, Note de bas de page 522. L'UTA offre des programmes destinés aux personnes de 50 ans et plus dans des universités existantes. Les aînés s’inscrivent comme étudiants libres; ils ne sont pas astreints aux examens ni aux travaux scolaires, et aucun diplôme préalable ne leur est demandéNote de bas de page 523.

Les cours offerts se comparent en qualité et en contenu à ceux de tout autre programme universitaire, mais ils sont donnés sous diverses formes : cours magistraux, séminaires, conversations interactives, ateliers et activités. Des sujets tels que l’histoire, la politique, la littérature, la santé, la philosophie, les sciences ou l’écologie font partie des programmes. À l’UTA de Sherbrooke, l’intérêt pour les cours, les séminaires et les ateliers croît d’année en année, au point où on enregistrait, en 2008, environ 8 000 inscriptions dans l’un des 27 établissements de SherbrookeNote de bas de page 523, Note de bas de page 524.

L'UTA offre aux aînés des avantages qui vont au-delà de l’acquisition du savoir. Ce type de programme peut réduire l’isolement des aînés, promouvoir leur intégration à la vie culturelle et sociale et améliorer les échanges de renseignementsNote de bas de page 525. Une étude, effectuée en 2008, montre que le fait de participer à une UTA a des effets bénéfiques sur la santé. Par exemple, les femmes ont déclaré que cette activité atténuait leur sentiment de tristesse, les rendait plus sûres d’elles et plus heureuses et les aidait à donner un nouveau sens à leur vie. L’étude révèle que l'UTA contribue positivement au bien-être des aînés et pourrait agir comme un indice du bien vieillirNote de bas de page 526. Il a également été montré que l'UTA aide les aînés à cultiver une meilleure perception du bien-êtreNote de bas de page 527.

Il y a plusieurs UTA, francophones et anglophones, d’un bout à l’autre du CanadaNote de bas de page 524. En Australie, il existe une UTA virtuelle accessible partout dans le monde, ce qui est particulièrement commode pour les aînés isolés géographiquement, physiquement ou socialementNote de bas de page 528.

Un réseau du savoir regroupant des aînés peut servir de mécanisme de communication, sensibiliser les aînés aux possibilités d’apprentissage offertes parmi diverses collectivités et permettre l’échange de renseignements. Les aînés scolarisés, ou qui ont participé à des activités d’apprentissage à différents moments de leur vie, sont plus enclins à poursuivre ces activitésNote de bas de page 274. Il faudrait engager d’autres efforts pour encourager expressément les aînés moins susceptibles de participer à des programmes d’apprentissage.

Soins et services

Depuis des générations, les Canadiens prennent soin d’un membre de leur famille ou d’un proche malade ou vieillissant, à l’intérieur ou à l’extérieur de la maison. La plupart des soins prodigués aux aînés (72 %) ont un caractère non officiel – ils sont donnés par des membres de la famille et des amisNote de bas de page 73. Toutefois, bien que le profil démographique ait changé et que la population active ait augmenté (particulièrement en raison de l’arrivée des femmes sur le marché du travail), la prestation de soins entre souvent en concurrence avec d’autres obligations, comme celles liées au travail et à la responsabilité des enfantsNote de bas de page 529, Note de bas de page 530. Les soignants professionnels peuvent aider certains aînés à conserver leur autonomie à la maison en leur offrant du soutien, pendant un épisode de maladie aiguë ou chronique, et en les aidant à la préparation des repas et à l’accomplissement des tâches quotidiennes.

Les divers niveaux de services et de soins offerts aux aînés peuvent être complexes. De plus, la transition entre les niveaux de soins ne se fait pas toujours en douceurNote de bas de page 274. Les aînés peuvent avoir de la difficulté à décider du niveau de soins qui leur convient, avoir du mal à y accéder ou à en assumer les coûts. En outre, les décisions concernant les soins peuvent avoir des répercussions sur la personne soignée, les membres de sa famille, les aidants naturels ainsi que sur les fournisseurs de soins de santé. La question à laquelle doivent répondre les responsables de la santé publique, des soins de santé et des services sociaux est de savoir comment répondre au mieux aux besoins des aînés canadiens, maintenant et à l’avenir. Que peut-on faire pour aider les aînés et leurs aidants naturels à assurer la meilleure prestation de soins à l’endroit de leur choix?

De nombreuses recherches portent sur les diverses possibilités de soins qui existent actuellement ou qui pourraient être offertes aux aînés canadiens. Examinons cinq secteurs qui, au point des soins, jouent un rôle important dans le vieillissement :

  • les soins à domicile et les soins de proximité;
  • les services d’aide à l’autonomie;
  • les soins de longue durée;
  • les soins palliatifs et les soins en fin de vie;
  • les soins intégrés.

Bien que chacun de ces domaines réponde à certains besoins des aînés, il est clair que le Canada peut faire mieux pour combler un plus large éventail de besoins et créer un continuum de soins dans l’avenir.

Soins à domicile et soins de proximité

Les soins à domicile et les soins de proximité sont reçus principalement au domicile ou dans la collectivité, plutôt que dans un établissement hospitalier, une résidence pour aînés dotée de services de soutien ou un établissement de soins de longue duréeNote de bas de page 531. Les soins à domicile peuvent faire toute la différence entre mener une vie autonome et vivre dans une résidence spécialisée; ils offrent aussi aux aînés la possibilité de demeurer plus longtemps à la maison, si tel est leur souhaitNote de bas de page 531. Divers soins sont prodigués par autant de personnes issues de professions réglementées dans le domaine de la santé (par exemple, des infirmières et des ergothérapeutes), par des travailleurs aux emplois non réglementés, des bénévoles, des amis et des membres de la familleNote de bas de page 531, Note de bas de page 532. Divers services sociaux peuvent être offerts, comme une aide ménagère ou une aide pour l’hygiène corporelle, pour la préparation des repas et pour les activités de loisir. Pour de nombreuses personnes, l’aide à la vie au domicile peut retarder le moment du transfert dans un hôpital ou un établissement de soins de longue duréeNote de bas de page 531, Note de bas de page 533. Il apparaît clairement que, pour des types et des niveaux de soins semblables, les soins à domicile représentent une solution moins coûteuse que l’hébergement en établissement (même lorsqu’on convertit le temps consacré par les aidants naturels en équivalent salarial)Note de bas de page 534, Note de bas de page 535. Les différences entre types et niveaux de soins entraînent des coûts différents, d’où la nécessité d’adopter une approche méthodique et ciblée, qui assurera l’efficacité des soins à domicileNote de bas de page 534, Note de bas de page 535.

Il peut être difficile d’offrir des soins à domicile à divers groupes et dans une multiplicité de collectivités. S’il est vrai que de nombreux aînés ayant besoin de soins préfèrent vivre de façon autonome, leur donner la capacité d’accéder, dans la collectivité, à des services adaptés à leur culture et aux soins dont ils ont besoin peut poser de multiples problèmes (pensons, par exemple, aux aînés vivant en milieu rural ou à ceux qui sont vulnérables). Certains programmes, comme le Programme de soins à domicile et en milieu communautaire des Premières nations et des Inuits (PSDMCPNI) offert par Santé Canada, visent à donner aux Premières nations et aux Inuit des services intégrés, culturellement adaptés, accessibles, efficaces, équitables, et qui répondent à leurs besoins en santé et à leurs besoins sociauxNote de bas de page 536, Note de bas de page 537. Le PSDMCPNI finance des services essentiels, comme l’évaluation et la gestion des soins, des services d’infirmières visiteuses, des services de relève à domicile, des soins d’hygiène et la mise en relation avec d’autres professionnels ou des organismes d’aide sociale. Les évaluations montrent que, depuis sa création, il y a 10 ans, le programme a aidé les collectivités à assurer la santé de ses résidants en créant des services de soins à domicile et des services communautaires là où il n’y en avait pas auparavant. De plus, la participation des membres des Premières nations et des Inuit, à toutes les étapes de la mise en place des services, a directement contribué à créer un puissant sentiment de responsabilité à l’égard du programmeNote de bas de page 537. Le PSDMCPNI permet de fournir des services de proximité à des personnes qui, autrement, se verraient dans l’obligation de se tourner vers d’autres ressourcesNote de bas de page 537, Note de bas de page 538. Le PSDMCPNI est complété par le Programme d’aide à la vie autonome, d’Affaires indiennes et du Nord Canada, qui permet d’offrir des services aux aînés des Premières nations ayant des limitations fonctionnelles et susceptibles d’avoir besoin d’aide pour préserver leur autonomieNote de bas de page 539. Des programmes comme le PSDMCPNI répondent de façon efficace aux besoins des membres des Premières nations établis dans les réserves ainsi qu’à ceux des collectivités inuites. Toutefois, il y aurait lieu de créer des programmes semblables dans les collectivités autochtones ailleurs au pays.

Le Programme canadien pour l’autonomie des anciens combattants (PAAC) est un programme national de soins à domicile qui permet aux anciens combattants admissibles de demeurer à la maison ou dans leur collectivité aussi longtemps que possibleNote de bas de page 60, Note de bas de page 540. En 2005-2006, le PAAC a aidé environ 97 000 anciens combattantsNote de bas de page 541. Le personnel attaché au programme collabore avec les employés des services et des programmes communautaires afin de répondre aux besoins uniques des anciens combattantsNote de bas de page 60. Les personnes admissibles au PAAC peuvent bénéficier d’une variété de soins de santé, de soins personnels et de services d’aide ménagère. D’autres services sont également offerts aux anciens combattants admissibles, comme les soins ambulatoires, le transport pour participer à une activité favorisant l’autonomie, les services d’infirmières visiteuses et l’aide à la rénovation du domicile permettant au bénéficiaire d’être davantage en mesure de se faire à manger, de faire sa toilette et de bien dormir. Le PAAC a également élargi son mandat afin d’inclure des services destinés aux survivants à faible revenu, aux anciens combattants handicapés et à des civils ayant servi pendant la première guerre mondiale, la deuxième guerre mondiale ou pendant la guerre de Corée. Le PAAC offre des soins qui non seulement permettent de vivre à domicile mais qui sont grandement appréciés par les bénéficiairesNote de bas de page 60, Note de bas de page 540, Note de bas de page 541. Un autre projet efficace destiné aux anciens combattants canadiens, celui des soins à domicile offerts aux anciens combattants ayant servi outre-mer, témoigne des bienfaits qu’apporte le maintien à domicile d’anciens combattants en attente d’une place dans une résidence pour aînés (voir l’encadré 4.12 Projet de soins à domicile pour les anciens combattants ayant servi outre-mer). Le PAAC est considéré comme un modèle pouvant convenir à des programmes de portée plus générale de soins à domicile, et il est actuellement adopté à plus grande échelleNote de bas de page 542.

Les succès que connaissent les programmes comme le PAAC reposent sur une politique provisoire d’un continuum de services ou sur un modèle de soins gradués qui souligne la nécessité de procéder à un dépistage, à une évaluation et à une intervention précoce afin de prévenir une trop grande dépendance à l’égard du système de santé. Il est également important de prévoir un large éventail de services afin de s’adapter aux besoins divers et changeants des individus et des collectivités qui leur viennent en aide. De plus, lorsque des initiatives sont mises en place, il y aurait lieu d’y intégrer des dispositions favorisant des actions concertées entre les programmes provinciaux, territoriaux et locaux (comme cela se fait dans le cas du PAAC) afin que ces initiatives servent à enrichir, plutôt qu’à reproduire, les services déjà offertsNote de bas de page 274.

Encadré 4.12 Projet de soins à domicile pour les anciens combattants ayant servi outre-mer

Le projet de soins à domicile pour les anciens combattants ayant servi outre-mer a été mis en oeuvre en 1999 par Anciens Combattants Canada pour offrir des services au nombre croissant d’anciens combattants en attente d’une place dans un établissement de soins de longue durée. Ce projet permet aux anciens combattants d’obtenir, lorsque possible, des services de maintien à domicile, comme l’entretien du terrain, l’aide ménagère, la livraison de repas, les soins personnels, le transport et le financement de certains aménagements du domicileNote de bas de page 274, Note de bas de page 543.

Un examen du projet effectué en 2002 a révélé que 90 % des anciens combattants contactés avaient choisi de demeurer dans leur propre logement et de recevoir de services permanents de maintien à domicile, plutôt que d’être transférés dans un établissement, même si une place se libérait. De plus, les participants se sont déclarés très satisfaits des services reçus dans le cadre du projetNote de bas de page 274, Note de bas de page 543.

Ce genre d’initiative rend possible le choix de vieillir en sécurité dans son logement, tout en permettant des économies de plusieurs milliers de dollars. Selon Anciens Combattants Canada, la prestation de services de soins à domicile coûte, en moyenne, de 5 000 à 6 000 dollars par bénéficiaire par année, alors que le placement en résidence pour aînés exige des débours annuels de 45 000 à 60 000 dollars par bénéficiaireNote de bas de page 543.

En Alberta, le Continuing Care Strategy permet d’aider les aînés de la province à demeurer dans leur domicile et dans leur collectivité aussi longtemps que possible. Cette stratégie, axée sur le bénéficiaire, privilégie les soins de santé et les soins d’hygiène nécessaires pour que la personne puisse « vieillir à l’endroit de son choix ». La province effectue actuellement une évaluation de la stratégie afin de déterminer si le niveau de service est adapté à chaque situationNote de bas de page 544. À l’échelle internationale, dans le cadre du projet Home and Community Care mis sur pied en Australie, la prestation de soins à domicile, de soins de santé et de soins personnels vise à combler les besoins des personnes (y compris les aînés) qui nécessitent une aide quotidienne afin de conserver leur autonomie et d’éviter le placement inutile en résidence pour aînésNote de bas de page 545.

Il y a plus de 10 ans, le Forum national sur la santé (1997) formulait un certain nombre de recommandations, dont une sur les soins à domicile, et qui allaient être à l’origine d’un grand débat sur l’offre de soins à domicile au Canada. Ces recommandations mettaient également l’accent sur trois champs d’action où des mesures devraient être prises afin d’en arriver à un système de soins de santé plus intégré : offrir des options qui garantissent une qualité de vie et réduisent le risque d’institutionnalisation; fournir des soins peu coûteux adaptés aux besoins des patients tout en appuyant les aidants naturels; et prévoir un système à guichet unique, où les besoins sont évalués cas par casNote de bas de page 546. Depuis la publication des conclusions du Forum national sur la santé, d’autres débats ont eu lieu sur l’intégration des services de soins à domicile; toutefois, des questions demeurent, et le sujet mérite qu’on y consacre de plus amples recherches.

Appuyer les aidants naturels

Les aidants naturels jouent un rôle essentiel au maintien des aînés à domicile. Leurs efforts peuvent alléger la demande qui pèse sur les hôpitaux et les établissements de soins de longue durée en plus d’aider les aînés à préserver leur autonomie et à continuer de vivre dans leur domicile et leur collectivitéNote de bas de page 274, Note de bas de page 532.

Bien que la plupart des aidants naturels disent s’acquitter généralement bien ou très bien de leurs responsabilités en matière de prestation de soins, la santé et l’état psychologique de certains d’entre eux se détériorent parfoisNote de bas de page 260. Les aidants naturels – en particulier s’il s’agit d’un membre de la famille – ne peuvent parfois plus travailler à l’extérieur de la maison. Ils sont ainsi contraints de réduire ou de modifier leurs heures de travail, ils sont obligés d’engager des débours personnels qui ne leur sont pas remboursés et ils vivent des périodes d’isolement social ou traversent des épisodes de lassitude mentale ou physique pouvant compromettre à long terme leur santéNote de bas de page 73. Dans certains cas, le bénéficiaire, la famille, les collègues de travail et la collectivité ne reconnaissent pas ce travail non rémunéréNote de bas de page 547. Le Canada, en tant que société, attache de l’importance à ses aidants naturels, et tous les Canadiens devraient les appuyer dans leurs activités quotidiennes.

Il est pourtant difficile de soutenir les aidants naturels, car les besoins varient en fonction de l’individu et du contexte. De nombreux intervenants ont voix au chapitre, notamment les pouvoirs publics, les employeurs, les parties intéressées, les collectivités et les individuelles. Le Canada offre plusieurs programmes de soutien aux aidants naturels, allant d’incitatifs financiers (mesures salariales, allégements fiscaux et code du travail) à des programmes de soutien et à des services communautairesNote de bas de page 530.

Le gouvernement fédéral offre un éventail de programmes de soutien, dont le Crédit d’impôt pour aidants naturels, le Crédit d’impôt pour personne à charge admissible, le Crédit d’impôt pour personnes à charge et ayant une déficience et le transfert du montant inutilisé du Crédit d’impôt pour personnes handicapées. Par ces mesures, il reconnaît la capacité moindre des aidants naturels de gagner des revenus et de payer des impôts, puisqu’ils doivent s’occuper d’une personne à chargeNote de bas de page 305, Note de bas de page 548-Note de bas de page 552. Le Crédit d’impôt pour conjoint est également une mesure fiscale qui reconnaît le conjoint à chargeNote de bas de page 553. En vertu du Crédit d’impôt pour dépenses médicales, les aidants naturels peuvent déduire jusqu’à 10 000 dollars de dépenses médicales au nom d’un membre de la famille à chargeNote de bas de page 554, Note de bas de page 555. Le gouvernement fédéral offre également des programmes pour les aidants naturels des personnes sous responsabilité fédérale. La clause d’exclusion générale prévue dans le Régime de pensions du Canada permet d’exclure du calcul de la pension d’un cotisant jusqu’à 15 % des années à revenu faible ou nul, et ce, pour diverses raisons, notamment pour s’occuper d’une personne à chargeNote de bas de page 556.On considère également que certaines politiques du travail, comme le congé rémunéré élargi et flexible qui permet de prendre soin d’une personne à charge, jouent un rôle utile dans la conciliation entre le travail et les responsabilités des aidants naturels. L’Assurance-emploi et prestations de compassion de Canada garantit un soutien financier aux aidants naturels qui doivent quitter temporairement leur travail pour prendre soin d’un membre de la famille ou d’un ami gravement maladeNote de bas de page 305, Note de bas de page 557. Par ailleurs, le gouvernement du Canada investira dans la recherche, au cours des trois prochaines années, afin de combler les lacunes dans les connaissances des principaux problèmes auxquels se heurtent les aidants naturelsNote de bas de page 305.

Bien que chaque province et chaque territoire organisent les services de santé à sa façon, la plupart prévoient des crédits d’impôt pour les aidants naturels ainsi que des programmes et des services de soins à domicile et de soins continus. Ils consacrent également des ressources importantes aux aidants naturels, comme des programmes de relève, du counseling et de l’entraide. Au Canada, certains employeurs offrent à leurs salariés la possibilité d’aménager leurs heures de travail pour pouvoir s’occuper d’un membre de la famille (par exemple, télétravail, horaires flexibles, établissements de soins de jour pour adultes sur le lieu de travail), ce qui facilite la conciliation entre le travail et les responsabilités en matière de prestation de soins. Ces initiatives peuvent se révéler avantageuses pour l’employeur lorsqu’elles réduisent les coûts liés à l’absentéisme ou qu’elles diminuent le nombre d’aidants naturels travaillant qui tombent malades. Elles peuvent même prévenir le départ d’employés compétents incapables de concilier leur horaire de travail avec leurs responsabilités d’aidant naturel.

Pendant les consultations nationales sur les aidants naturels tenues pour le Comité sénatorial spécial sur le vieillissement, de nombreux participants ont fait remarquer que les mesures de soutien destinées aux aidants naturels et aux bénéficiaires étaient interdépendantes et que les enjeux dans ce domaine transcendaient les sphères de compétenceNote de bas de page 274. Lorsqu’on a demandé à des aînés qui s’occupaient d’autres aînés de préciser les mesures qui les aideraient à continuer de jouer ce rôle, 40 % ont indiqué un répit occasionnel ou un partage des responsabilités, 30 % ont indiqué une mesure d’aide financière, 25 % ont dit avoir besoin de plus de renseignements sur la nature des maladies de longue durée et la façon d’améliorer l’efficacité de leur prestation de soins et, enfin, 16 % ont déclaré avoir besoin de counselingNote de bas de page 214, Note de bas de page 262. Bien que l’accès aux soins à domicile et aux programmes de soutien connexes puisse avoir des effets bénéfiques, il est difficile d’évaluer les avantages qu’ils rapportent et de mesurer les défis qu’ils représentent. Pour mieux soutenir les prestations de soins non officiels, nous gagnerions à améliorer nos connaissances à l’égard des aidants naturels (par exemple, quelles sont les conséquences à court et à long terme de la prestation de soins sur leur santé et leur état psychologique).

Avec le vieillissement de la population, la prévalence des invalidités, la présence plus forte des femmes sur le marché du travail et l’apparition de familles moins nombreuses, moins traditionnelles et plus éclatées, on peut penser que le nombre d’aidants naturels qui seront nécessaires s’accroîtra. Au Canada, et ailleurs dans le monde, on discute beaucoup de l’appui qu’il convient de leur apporter. Le débat est centré sur ce qui est approprié et éthique de faire et qui peut répondre à la fois aux besoins des aidants naturels et des bénéficiaires en fonction du cadre stratégique. La nécessité de mettre en place des programmes de soutien s’accentue alors que l’accroissement de la demande d’aidants naturels s’accompagne d’une diminution de l’offre en raison des changements démographiques, de la hausse de la population active et des problèmes de santé des patientsNote de bas de page 530. Compte tenu des besoins futurs du Canada en matière de soins, il faudrait s’efforcer d’améliorer les conditions de vie des aidants naturels.

Des programmes d’allégements fiscaux, de congés rémunérés, de mesures salariales et de soutien de proximité ont également été mis en place à l’intention des aidants naturels dans d’autres pays. En Australie, le National Respite for Carers Program fournit des services de relève adaptables à divers contextes (domicile, résidence pour aînés ou milieu extérieur) et permet l’accès à un réseau d’aidants naturels qui peuvent fournir du counseling, de l’information et des conseils. L’Australie verse également une Carer Payment (montant bimensuel versé à ceux qui prodiguent des soins admissibles) et une Carer Allowance (supplément non imposable offert aux aidants naturels qui prodiguent des soins quotidiens à une personne ayant un handicap ou une maladie grave)Note de bas de page 558, Note de bas de page 559. En Norvège, les politiques en matière de services de santé et de services sociaux prévoient un large éventail de programmes à l’intention des aidants naturels, notamment la Social Services Act et le Action Plan for the Elderly, en vertu desquels les aidants naturels peuvent bénéficier de services de relève et de mesures salarialesNote de bas de page 560. En Suède, les personnes qui prennent soin d’un membre de leur famille peuvent compter sur des mesures nationales, comme la Care Leave Act qui permet aux aidants naturels de prendre des congés rémunérés pour s’occuper d’un membre de la famille gravement malade, et la Social Service Act, qui encourage les collectivités à soutenir les aidants naturels locauxNote de bas de page 561.

Le secteur privé peut également contribuer à soutenir les aidants naturels au moyen de mesures à l’intention des employés qui doivent prendre soin d’une personne à charge. Des entreprises comme BT Global Service (une société de télécommunications du Royaume-Uni) aident leurs employés qui sont aussi des aidants naturels en leur offrant la possibilité d’aménager leur horaire de travail et de travailler à distance ou à partir du domicileNote de bas de page 562-Note de bas de page 565. Grâce à ces ententes, BT a amélioré la productivité et le taux de satisfaction au travail des employés bénéficiairesNote de bas de page 566-Note de bas de page 569. Le fait de permettre à une personne de s’occuper d’un membre de sa famille contribue à accroître la capacité des aidants naturels, permet aux aînés de vieillir à l’endroit de leur choix et réduit le nombre de personnes à la charge des établissements de soins.

Stratégies générale de soins à domicile

Le Canada ne s’est pas doté d’une stratégie de soins à domicile qui vise à résoudre les problèmes touchant à la fois les aidants naturels et les bénéficiaires. Une stratégie nationale devrait comporter plusieurs volets clés :

  • des mesures de sensibilisation et de formation à l’intention des aidants naturels en vue de déterminer les meilleures pratiques de soins;
  • des efforts visant à appuyer les provinces, les territoires et les collectivités au Canada et à favoriser les échanges de renseignements entre ces diverses instances;
  • des mesures de sensibilisation publique au rôle important que jouent les aidants naturels dans la vie de nombreux Canadiens;
  • des options en matière de conciliation travail-familleNote de bas de page 570.

Une meilleure compréhension des soins à domicile et de la fonction qu’ils remplissent auprès des individuelles, des familles et des collectivités s’impose. Il y aurait lieu, également, d’améliorer les connaissances sur le rôle des soins à domicile dans le cadre plus général des soins de santé publique et des services de santé. Par ailleurs, il faudrait s’efforcer de sensibiliser la population à la pratique des soins à domicile et à son importance dans la prestation de services, en plus de mieux faire connaître les pratiques exemplaires, d’appuyer les aidants naturels et de cerner les éléments qui font obstacle à l’amélioration de la situationNote de bas de page 570.

Services d’aide à l’autonomie

Les services d’aide à l’autonomie peuvent être offerts pendant les périodes de transition alors que les soins que nécessite le bénéficiaire excèdent ce qu’il peut obtenir chez lui, sans pour autant exiger la prise en charge par un établissement de soins de longue duréeNote de bas de page 571. Pour combler ce manque, on peut alors recourir à diverses options de logements privés ou publics, allant de services d’entretien ménager et de préparation de repas à des services de transport et d’activités sociales.

En règle générale, au Canada, des efforts plus importants devraient être consentis afin de permettre aux aînés d’avoir accès à des logements supervisés à prix abordable et qui offrent des services appropriés dans l’environnement souhaité par l’aîné. La réglementation des services d’aide à l’autonomie varie d’une province à une autre – dans certaines provinces, ces services sont assujettis à la relation propriétaire locataire, alors que, dans d’autres, ils sont classés comme services de santéNote de bas de page 274. Il importe donc de réglementer ces services afin que les normes soient respectées, les coûts gérés et les problèmes en matière de santé et de sécurité résolus.

Il est important de répondre aux besoins de tous les aînés en évitant que les différences de revenu n’entraînent de disparité dans les services de baseNote de bas de page 274. En général, les personnes dont le revenu est élevé ont accès à un large éventail de logements supervisés, alors que ceux à un faible revenu sont susceptibles de se heurter à une pénurie de logements pour des raisons liées à l’accès, à la disponibilité et au coûtNote de bas de page 572. Les établissements qui offrent des services particuliers ou adaptés aux besoins peuvent être coûteux et ne pas être couverts par les assurances. En outre, le coût des services offerts aux personnes qui ont des besoins importants ou qui sont très vulnérables est souvent plus élevé. Théoriquement, les logements supervisés permettent de répondre aux besoins liés aux périodes de transition et de réduire les effets de certains facteurs sur la santé, comme l’isolement et l’inconfort lorsque la personne passe d’un niveau de soins à un autre. Certaines provinces et certains territoires commencent à gérer l’accès aux services de soutien et d’aide à la vie autonome en établissant un guichet unique, de manière à fournir les soins adéquats en temps opportuns. Cette façon de faire donne de bons résultats dans certaines régions, mais la mise sur pied de tels systèmes pose des difficultés, et leur complexité les rend difficiles à utiliser.

Dans les petites collectivités rurales et éloignées, les aînés peuvent se heurter à des obstacles lorsqu’ils tentent d’obtenir des services de soutien et d’aide à l’autonomie, ce qui peut les conduire à déménager dans un centre urbain plus important, à se contenter de soins inadéquats ou à faire des compromis quant à la satisfaction de leurs besoins et de leurs préférences en matière de logementNote de bas de page 82. Le fait qu’une personne se satisfasse de moins de services que ceux dont elle a réellement besoin, simplement parce qu’ils ne sont pas offerts dans sa collectivité, peut se traduire par des séjours prolongés à l’hôpital, le recours à un établissement de soins de longue durée avant que cela ne soit vraiment justifié ou encore par le maintien à domicile sans soutien, avec les risques que cela comporte.

Parce que ses intervenants connaissent les possibilités du marché, le secteur du logement pourrait jouer un rôle de premier plan en répondant aux besoins des personnes et des collectivités. Par exemple, Independent Living BC appuie les aînés à faible revenu qui ont besoin de soins de courte durée pour demeurer autonomes, et ce, à l’aide d’un programme mené en collaboration avec l’organisme BC Housing, la Société canadienne d’hypothèques et de logement, les fournisseurs de logements et les autorités sanitairesNote de bas de page 573. Dans les régions éloignées où l’accès aux soins est limité, l’investissement fédéral dans le logement destiné aux aînés à faible revenu permet de réaliser certains progrès; dans des collectivités des Premières nations du Nord canadien ou dans des réserves, il permet de rénover et d’adapter des installations existantes. Par exemple, le Programme de logement sans but lucratif dans les réserves (article 95) aide les membres des collectivités des Premières nations, dont les aînés, à acquérir des logements locatifs adaptés, adéquats et abordables dans les réserves. Il aide les Premières nations à construire, à acheter, à remettre en état et à administrer des logements abordables dans des collectivités comme Michipicoten, en Ontario, où une grande proportion de la population est âgée et où les besoins en logements abordables pour les aînés sont croissantsNote de bas de page 574, Note de bas de page 575.

Soins de longue durée

Les services de soins de longue durée permettent de fournir des soins supervisés en établissement, comprenant des soins de santé professionnels, des soins personnels et des services tels que la préparation des repas et la lessiveNote de bas de page 576. La gamme des services offerts dans les établissements de soins de longue durée varie; les provinces et les territoires sont responsables de la surveillance de la plupart de ces établissements (à l’exception des services destinés aux collectivités des Premières nations vivant dans des réserves, aux anciens combattants et aux détenus, qui sont fournis par le gouvernement fédéral)Note de bas de page 576. De plus, les soins de longue durée sont complexes, et l’ensemble du pays n’a pas recours à une terminologie uniformisée pour décrire ce type de soins et les services qu’ils comprennentNote de bas de page 576.

Les services complémentaires de santé sont soumis à la Loi canadienne sur la santé, mais les soins de longue durée ne sont pas assurés et l’usager doit en assumer les frais. Si elle ne fait pas la distinction entre soins assurés et soins non assurés, une personne peut éprouver des difficultés lorsqu’elle doit chercher un établissement offrant des soins de longue durée ou lorsqu’elle doit choisir entre payer ou attendre pour y avoir accèsNote de bas de page 274. Au Canada, les coûts et les soins varient d’une région à l’autre, tout comme les niveaux de soins et les sources de financement. Les différences entre les places financées par le secteur privé et celles financées par le secteur public (ainsi que les soins qui y sont associés) expliquent en partie ces variations. La majorité des établissements de soins de longue durée sont de propriété privée, et les soins y sont souvent coûteux. Pour ce qui est des établissements publics, il arrive souvent que la période d’attente pour obtenir une place soit longue, ce qui peut entraîner des interruptions de soins ou nécessiter un déplacement. De plus, les soins de longue durée ne sont pas transférables d’une province ou d’un territoire à l’autre; les subventions, les périodes d’attente et les honoraires varient et peuvent constituer des obstacles pour les aînés qui souhaitent s’installer dans une autre province ou un autre territoireNote de bas de page 274. Cette situation pose souvent des problèmes aux aînés qui souhaitent déménager pour se rapprocher de membres de leur famille ou se faire accepter dans un établissement où vit leur conjoint, un parent ou un ami.

De nos jours, les personnes admises dans des établissements de soins de longue durée sont généralement plus âgées et ont des besoins de soins plus grands que les générations précédentes. Notamment, le nombre de personnes de santé fragile, atteintes d’une démence grave ou ayant des troubles de santé multiples a augmenté. Des unités de soins spécialisés et de soins particuliers doivent être établies dans les établissements de soins de longue durée afin que cette population vulnérable reçoive les soins dont elle a besoin. Cela nécessitera un accroissement du personnel et une amélioration de la formation dans les principaux secteurs de la gériatrieNote de bas de page 8, Note de bas de page 274. Les pénuries de personnel formé et d’installations adéquates dans les établissements contribuent à augmenter les problèmes d’accessibilité. Il est important que les gouvernements et les collectivités se mettent dès maintenant au travail pour s’assurer que des établissements et des services nécessaires sont en place pour répondre aux besoins actuels et futurs des aînés du Canada en matière de soins de longue durée.

Soins palliatifs et soins en fin de vie

Au cours des dernières décennies, les fournisseurs de soins de santé, les formateurs, les gouvernements et le grand public ont davantage reconnu l’importance et l’utilité des soins palliatifs et des soins en fin de vie. Il s’agit notamment d’offrir un soutien adéquat et compatissant aux patients et à leurs proches, ce qui se traduit par des services tels que le soulagement de la douleur et des symptômes, le soutien psychologique, social, affectif et spirituel ainsi que le soutien aux soignants et à la famille en cas de deuilNote de bas de page 577. Ces soins peuvent être offerts dans différents lieux, notamment les hôpitaux, les établissements de soins de longue durée, les établissements de soins palliatifs et les résidences privées. Leur financement peut provenir de sources diverses, dont les différents ordres de gouvernement, le secteur privé et les dons de bienfaisanceNote de bas de page 577, Note de bas de page 578. Dans l’idéal, ces soins sont fournis par une équipe interdisciplinaire qui comprend des infirmières, des médecins, des travailleurs sociaux, des thérapeutes, des conseillers spirituels, des spécialistes du soutien en cas de deuil, des bénévoles et des aidants naturelsNote de bas de page 577. Chaque année, les soins palliatifs et les soins en fin de vie ont une incidence sur le bien-être de nombreux Canadiens. Selon l’Association canadienne de soins palliatifs, en moyenne cinq autres personnes sont touchées lors d’un décèsNote de bas de page 578, Note de bas de page 579.

L’accès aux soins palliatifs au Canada constitue un sujet de préoccupation. On estime que seulement de 16 à 30 % des Canadiens qui décèdent ont bénéficié de soins palliatifs et des soins en fin de vie dont ils avaient besoin, ou y ont eu accès, et qu’un pourcentage encore plus faible a obtenu des services de soutien liés au deuilNote de bas de page 578. Bon nombre de personnes meurent dans des hôpitaux, mais peu s’y voient offrir les soins dont elles pourraient avoir besoin, ce que l’on appelle soins palliatifs en milieu hospitalier. Bien que selon les données, environ 70 % des gens préfèrent mourir à la maison, la plupart meurent dans des hôpitaux, et peu d’établissements offrent des soins palliatifsNote de bas de page 578-Note de bas de page 580.

Si pouvoir choisir son lieu de vie est essentiel pour vieillir en santé, pouvoir mourir à l’endroit de son choix est tout aussi important. La réduction de l’écart entre les préférences personnelles et les options disponibles doit être examinée plus à fond au moment de la planification des soins palliatifs et des soins en fin de vie. En ce qui concerne les soins en fin de vie, les options qu’on peut établir dépendent de la capacité des professionnels de la santé, des familles, des soignants et des bénévoles, et repose ultimement sur la possibilité de fournir des soins adéquats qui répondent aux souhaits des personnes concernées. En plus d’assurer la sensibilisation du public et d’adopter des pratiques plus efficaces, il faudra probablement offrir une formation plus poussée aux professionnels de la santé et appuyer la recherche sur les soins palliatifs et les soins en fin de vie afin de pouvoir mieux évaluer et satisfaire les besoins des personnes et de leur familleNote de bas de page 577. Il faut aussi établir un système intégré permettant de coordonner efficacement les transitions entre les soins à domicile, les soins palliatifs, les soins de longue durée et les soins en milieu hospitalier de manière à offrir des soins de la plus grande qualité au meilleur coût-efficacité possible.

Il n’existe pas suffisamment de données concernant la demande, l’offre, la qualité et les coûts des soins palliatifs et des soins en fin de vie au Canada. Il est difficile d’évaluer, à l’échelle de la population, dans quelle mesure les besoins des personnes et des familles sont satisfaitsNote de bas de page 580. Les données provenant des systèmes de santé, la qualité des services offerts et la satisfaction des besoins varient d’une région à l’autre. Il faudrait obtenir plus d’information sur le type, la quantité et la pertinence des soins offerts afin de pouvoir soulager la douleur et fournir des services d’accompagnement ou de soutien en cas de deuilNote de bas de page 580. Enfin, d’autres données sur l’efficacité des programmes de soins en fin de vie doivent être recueillies. Et comme le Canada établit des prévisions quant aux besoins futurs en matière de soins palliatifs et de soins en fin de vie, il faudra améliorer à cet égard la prise de données et les systèmes d’information.

Le Canada a fait des progrès en matière des soins palliatifs et des soins en fin de vie. De 2004 à 2009, les Instituts de recherche en santé du Canada ont consacré 16,5 millions de dollars à la recherche sur ces soins, principalement octroyés aux équipes travaillant dans des secteurs tels que la transition entre les types de soins, la prestation des soins, le soulagement de la douleur, les soins donnés aux populations vulnérables et l’évaluation des programmesNote de bas de page 579, Note de bas de page 581.De plus, grâce au Plan décennal pour consolider les soins de santé, le gouvernement du Canada a fourni du soutien aux provinces et aux territoires afin qu’ils améliorent la qualité et l’accessibilité des soins palliatifs à domicileNote de bas de page 305.Récemment le Canada a apporté des changements à l’Assurance-emploi et prestations de compassion destinées aux personnes qui doivent s’absenter temporairement de leur travail pour prendre soin d’un membre de leur famille gravement touché par la maladie. Ces prestations ont été élargies aux travailleurs autonomes canadiens qui souhaitent s’en prévaloirNote de bas de page 305, Note de bas de page 582.

De 2002 à 2008, Santé Canada a appuyé les travaux de la Stratégie canadienne sur les soins palliatifs et de fin de vieNote de bas de page 577.Dans le cadre de cette stratégie, cinq groupes de travail ont été formés pour examiner les questions suivantes : les pratiques exemplaires et les soins de qualité, la formation des professionnels soignants, la sensibilisation du public, la recherche et la surveillance. Parmi leurs principales réalisations, mentionnons l’établissement de mesures de rendement aux fins de reconnaissance, qui respectent les principes directeurs en soins palliatifs et en soins en fin de vie; la définition d’un cadre servant à sensibiliser le public aux soins palliatifs et aux soins en fin de vie et qui favorise le dialogue; l’élaboration des outils d’application des connaissances afin de passer de la recherche à l’adoption de politiques; la mise sur pied des réseaux virtuels facilitant l’échange d’information, de résultats de recherche et de pratiques exemplairesNote de bas de page 577. Même si la stratégie a pris fin, le gouvernement du Canada continue d’appuyer diverses initiatives.

D’autres organisations examinent aussi les questions liées aux soins palliatifs et aux soins en fin de vie. Par exemple, la Coalition canadienne pour la santé mentale des personnes âgées a coproduit des Lignes directrices nationales sur la santé mentale chez les aînés, qui portent entre autres sur l’évaluation et la prise en charge du deliriumNote de bas de page 583. L’Association canadienne de soins palliatifs et la Coalition pour des soins de fin de vie de qualité du Canada ont également pour objectif d’améliorer l’accès à des soins en fin de vie de qualité, de promouvoir la recherche, de sensibiliser le public et d’appuyer les soignants et les famillesNote de bas de page 581.

Étant donné que la population canadienne est vieillissante et que les Canadiens vivent de plus en plus longtemps (souvent avec une maladie chronique ou des limitations fonctionnelles), il faudra coordonner les soins palliatifs et les soins en fin de vie afin de gérer les questions complexes relatives à ces servicesNote de bas de page 580. Les soins palliatifs et les soins en fin de vie doivent correspondre le plus possible au type de soins requis et être offerts au bon moment et au bon endroit. Le besoin croissant de soins palliatifs et de soins en fin de vie est un appel à l’action et à la collaboration afin que les Canadiens reçoivent les meilleurs soins possibles.

Soins intégrés

Il n’existe pas de définition précise et unanime des soins intégrés. Ceux-ci sont également nommés soins gérés, continuité des soins, soins axés sur le patient, soins partagés ainsi que soins de transition. Dans ce rapport, les soins intégrés désignent une approche qui comprend la prestation, la gestion et l’organisation des services de santé. L’expression renvoie aussi à l’approche qui permet d’améliorer l’accès, la qualité et l’efficacité des soins et de mieux satisfaire les besoins. Cette approche vise l’établissement de liens, l’harmonisation et la collaboration entre les différents secteurs de traitement et de soins, mais aussi au sein de chacun d’euxNote de bas de page 584, Note de bas de page 585.

Bien vieillir signifie notamment avoir le choix de son lieu de vie, avoir accès à des soins de santé et à des services sociaux et vivre dans une collectivité qui offre du soutien. Toutefois, de nombreux aînés affirment que certains de leurs besoins sociaux ou de leurs besoins en matière de santé et des soins ne sont pas satisfaitsNote de bas de page 73. Cette situation, souvent contre-productive et coûteuse pour les systèmes de santé, entraîne de surcroît des écarts sur le plan des soins. Le Canada a connu de belles réussites en matière de soins de longue durée, de soins aigues et de soins d’urgence, mais la prestation d’un continuum des soins qui répond à un éventail de besoins – depuis les soins à domicile jusqu’aux soins palliatifs – accuse certaines faiblesses. De plus, dans les collectivités mal desservies, l’intégration insuffisante des services ne répond peutêtre pas suffisamment aux besoins des aînés atteints de troubles chroniques ou autresNote de bas de page 586, Note de bas de page 587. Les aînés qui doivent chercher différents services de santé, se débrouiller et payer pour en obtenir éprouvent des difficultés. Des problèmes surviennent également lorsque les fournisseurs de soins changent, par exemple lorsqu’une personne passe des soins à domicile à des services d’aide à la vie autonome ou à des soins de longue durée.

Les soins offerts aux aînés devraient donc faire partie des soins de santé généraux. Il faudrait, pour cela, instaurer un régime de services complets et intégrés, adaptés à tous les besoins, puis uniformiser l’accessibilité et les coûts liés à ces soinsNote de bas de page 587. Des soins intégrés permettraient entre autres d’offrir de soins de meilleure qualité et à moindre coûtNote de bas de page 586, Note de bas de page 587. Il faudra toutefois mettre au point une vaste stratégie portant sur les soins à domicile et reconnaître l’importance de ces soins pour répondre aux besoins des aînés. Certains estiment que le fait d’aider les aînés de préserver leur autonomie le plus longtemps possible permet en réalité d’épargner des sommes qui, autrement, seraient utilisées pour des admissions prématurées dans des établissements de soins de longue duréeNote de bas de page 586, Note de bas de page 587.

Les soins intégrés, leur efficacité et leur mise en application sont le sujet de bien des débatsNote de bas de page 274. Le Canada a adopté plusieurs approches de soins intégrés. Par exemple, le modèle de soins continus de Hollander et Prince repose sur la solidité des services offerts à domicile ou dans la collectivité et sur la transition entre les différents niveaux de soinsNote de bas de page 533, Note de bas de page 587. Le modèle comprend dix éléments de soins continus : cinq relevant des pratiques exemplaires administratives et cinq issus des pratiques exemplaires liées à la prestation de services. Ce modèle est fondé sur une analyse empirique du problème et s’appuie sur les traditions du Canada et ses réussites en matière de services de soins continusNote de bas de page 533.

D’autres projets portant sur les services communautaires intégrés destinés aux populations vulnérables, notamment l’étude intitulée Système intégré pour personnes âgées fragiles et le Programme de recherche sur l’intégration des services pour le maintien de l’autonomie au Québec, ont aussi suscité beaucoup d’intérêt au Canada et à l’étranger, parce qu’ils traitent des systèmes de prestation en soins de santé primaires (voir l’encadré 4.13 Modèles de soins intégrés destinés aux aînés fragiles)Note de bas de page 587. Pour qu’un système intégré fonctionne, il faut un guichet unique, un leadership solide et des intervenants qui pilotent les clients au sein du système. Compte tenu de la complexité des questions que soulèvent les soins de santé, le Canada doit s’employer à pallier la discontinuité entre les niveaux de soins. Cependant, il faut aussi reconnaître que la coordination d’une stratégie intégrée pourrait s’avérer difficile dans un pays comme le Canada, où l’environnement administratif se partage entre les champs de compétences fédérales, provinciales et territoriales.

Certains pays ont intégré les soins communautaires et les soins continus à leur programme de soins de santé universels. Au Japon, par exemple, les évaluations servant à déterminer les besoins et les soins requis proviennent d’un seul point de service d’où l’on gère la transition entre les niveaux et des types de soinsNote de bas de page 588.Le système de soins de santé universels du Japon étant relativement récent, comparativement à celui du Canada, les responsables de ce pays ont pu anticiper la croissance de la population des aînés ainsi que le besoin d’intégrer les différents soins offerts par leur système de santé (voir l’encadré 4.14 Prestation de soins de longue durée : l’expérience japonaise).

Encadré 4.13 Modèles de soins intégrés destinés aux aînés fragiles

Les deux principaux modèles de prestation de soins intégrés destinés aux aînés fragiles, mis au point au Québec dans le cadre de projets pilotes et de projets de démonstration, sont le modèle du Système de services intégrés pour personnes âgées fragiles (SIPA) et celui du Programme de recherche sur l’intégration des services de maintien de l’autonomie (PRISMA)Note de bas de page 587. Ces modèles ont été mis en place pour qu’on en évalue les effets sur l’utilisation et les coûts des services sociaux et des services de santé dans le cadre du système de soins de santé en vigueur au Québec. Ils permettent également d’évaluer la satisfaction et les gains en autonomie des aînés fragiles et de mesurer le fardeau que doivent porter les aidantsNote de bas de page 589-Note de bas de page 593.

Le modèle du SIPA a été mis de l’avant par le groupe de recherche Solidage de l’Université de Montréal et de l’Université McGill. De vastes consultations ont été menées auprès des décideurs, du ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec, de l’Agence de la santé et des services sociaux de Montréal ainsi que d’agences et d’organismes locaux chargés de la prestation de soins. Le SIPA constitue un exemple d’intégration complète de la prestation des services où les interventions dans la collectivité occupent une place de choixNote de bas de page 590. Dans le cadre de ce modèle de prestation de services, une organisation locale est responsable des aspects clinique et financier de la prestation des services de santé et des services sociaux. La responsabilité des soins incombe à un gestionnaire de cas et à une équipe multidisciplinaire formée d’un médecin de famille, d’infirmières, de travailleurs sociaux, d’ergothérapeutes, de physiothérapeutes, de nutritionnistes, d’auxiliaires familiaux et d’organisateurs communautairesNote de bas de page 589. L’équipe fournit des soins de santé primaires et des services sociaux. Certains des services offerts dans des établissements de soins sont externalisés. Généralement, ce modèle est appliqué au sein de la structure de soins de santé et de services sociaux déjà en place. L’étude SIPA a été réalisée sur une période de 22 mois (du 1er juin 1999 au 31 mars 2001) auprès d’un groupe de 1 230 aînés fragiles âgés de 65 ans et plus, qui sont aux prises avec des incapacités fonctionnellesNote de bas de page 589.

Les résultats de l’étude SIPA ont démontré que, pour le groupe participant au projet, les coûts des services communautaires étaient en moyenne plus élevés, mais que les coûts institutionnels l’étaient moins. Par conséquent, les coûts globaux par personne n’accusaient pas de grande différence entre les deux formes de soins. La capacité du gestionnaire de cas à favoriser la sortie de l’hôpital des patients et à faciliter les soins et les services à domicile, en utilisant les ressources communautaires, explique la réduction des coûts institutionnels, notamment ceux liés aux urgences, à l’hospitalisation et au logement permanent. Des analyses secondaires ont révélé que les coûts associés aux patients externes étaient réduits de 5 000 dollars en moyenne pour la période de 22 mois, chez les participants au SIPA ayant des incapacités modérées à importantes. Les coûts relatifs aux résidences pour aînés ont été réduits de 14 500 dollars pour les participants vivant seuls et souffrant d’au moins cinq affections chroniquesNote de bas de page 594. La satisfaction des soignants était également plus grande chez ceux participant à l’étude SIPA, sans que ces derniers aient subi une augmentation de leur fardeau ou de leurs fraisNote de bas de page 589.

Le modèle PRISMA a été conçu par le groupe de recherche PRISMA de l’Université de Sherbrooke. Il constitue un exemple d’approche coordonnée des soins de santé intégrés. Dans le cadre de ce modèle, qui s’intègre au système de soins de santé en vigueur, les organisations utilisent leurs propres structures, mais elles acceptent de faire partie d’un regroupement et d’adapter leurs opérations et leurs ressources pour établir des processus communsNote de bas de page 591, Note de bas de page 592. L’étude PRISMA a été réalisée sur une période de quatre ans; elle a permis de concevoir et d’évaluer des outils qui facilitent et appuient l’intégration de services destinés à maintenir l’autonomie des aînés fragiles de 75 ans et plusNote de bas de page 591-Note de bas de page 593.

Une évaluation de l’étude montre que la perte d’autonomie fonctionnelle et le nombre des besoins non satisfaits sont moindres chez les participants à l’étude comparativement au groupe témoin et que leur degré de satisfaction et les gains en autonomie sont plus élevés. De plus, le fardeau des soignants est inférieur au sein du groupe à l’étudeNote de bas de page 591, Note de bas de page 592. Les résultats de l’étude PRISMA ont permis de conclure que ce modèle de soins intégrés contribue à maintenir l’autonomie des aînés et à mieux utiliser les services de soins de santé, sans augmenter les coûts assumés par le système de santéNote de bas de page 593. En raison des résultats encourageants de l’étude PRISMA, le ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec a décidé d’étendre le modèle à l’ensemble de la provinceNote de bas de page 591, Note de bas de page 592.

Ces deux études semblent indiquer que les modèles de services intégrés, qu’il s’agisse d’intégration complète ou de coordination des services destinés aux aînés fragiles, semblent réalisables et permettent de réduire l’utilisation des services offerts en établissement, sans augmenter les coûts globaux ni le fardeau assumé par les aînés et leur famille ni réduire la qualité des soins de santéNote de bas de page 589, Note de bas de page 591, Note de bas de page 593. De plus, les deux modèles ont aidé à maintenir et à favoriser l’autonomie des aînés fragiles.

En 2007, les Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC) ont accordé aux groupes Solidage et PRISMA une subvention de recherche conjointe de 3,7 millions de dollars. Les objectifs de l’équipe du projet des IRSC sur la fragilité et le vieillissement sont les suivants : comprendre les composantes, les processus et les conséquences de la fragilité chez les aînés; promouvoir les soins intégrés destinés aux aînés fragiles en modifiant les pratiques professionnelles et en mettant au point des outils d’évaluation des patients; créer des programmes et des stratégies permettant d’accroître l’utilisation des données probantes sur la santé de la population ainsi que des outils cliniques et des outils de gestion dans les établissements offrant des services sociaux et des soins de santé intégrésNote de bas de page 595.

Encadré 4.14 Prestation de soins de longue durée : l’expérience japonaise

Pour qui analyse les soins de santé prodigués aux aînés ailleurs dans le monde, il est intéressant de s’attarder à l’expérience du Japon. Dans ce pays où l’espérance de vie est la plus élevée au monde (82,6 ans en 2007), les aînés représentaient environ 20 % de la population en 2005. Ce pourcentage devrait atteindre près de 30 % en 2025Note de bas de page 596, Note de bas de page 597. Le système de santé national a donc dû évoluer pour relever le défi que présente le vieillissement rapide de la population. Au moment d’établir ce système, le Japon a pu s’appuyer sur l’expérience d’autres pays et prévoir le vieillissement de sa population et ses besoins en santé.

Le système de santé universel du Japon est organisé de telle sorte que chaque citoyen est assuré. Les services de santé offerts aux aînés sont financés en partie par les régimes d’assurance maladie des salariés, l’assurance maladie nationale ainsi que par le gouvernement. S’ils ont besoin de soins de santé de base, tous les aînés ont accès à des traitements de qualité à peu de frais. C’est pourquoi ils consultent souvent leur médecin (environ 14 fois par année), ce qui allonge les temps d’attente et limite le temps que chaque médecin peut consacrer à un patientNote de bas de page 598.

En 2000, un système d’assurance de soins de longue durée a été mis sur pied à l’intention des aînés ayant besoin de soins ou d’aide sur une base régulière. Mais pour s’en prévaloir, ceux-ci doivent obtenir de la municipalité où se trouve leur assureur une attestation prouvant que ces services sont requis. Les spécialistes des services médicaux, des services d’hygiène et des services d’aide sociale évaluent l’état de santé de la personne pour déterminer le niveau de soins ou d’aide dont elle a besoin et les services à domicile ou en centre d’hébergement qui lui conviendraientNote de bas de page 588.

Les résidences privées pour aînés sont de plus en plus nombreuses. Semblables aux résidences services de l’Amérique du Nord, elles doivent toutefois satisfaire à des exigences gouvernementales relatives à la taille du centre et aux services offerts. Dans 75 % des cas, c’est une entité à but lucratif, y compris une grande entreprise, qui les possède ou les exploite. La récente croissance de ce secteur (350 centres en 2000 contre 1 144 en 2005) est en grande partie attribuable à la loi de 2000 sur l’assurance des soins de longue durée, qui a permis aux occupants de ces résidences de bénéficier d’une telle protection. La demande d’hébergement dans les résidences privées serait en augmentation, car les aînés nantis veulent obtenir des soins de meilleure qualité et éviter les longues listes d’attente des établissements publics. Mais selon des données récentes, ces résidences ne seraient peut-être pas financièrement viables comme entreprises à but lucratif. Étant donnée la marge bénéficiaire brute déclarée de 4,9 %, les coûts augmenteront pour les résidants, ce qui limitera le nombre de personnes capables de s’offrir de tels servicesNote de bas de page 599.

Lorsqu’on compare une option à une autre, on doit tenir compte de la qualité des soins offerts. Le système de santé universel est accessible à tous, mais le nombre élevé de patients et les capacités limitées diminuent la qualité du service offert à chaque patient. Par ailleurs, l’hébergement en centre privé n’est pas aussi largement accessible ou abordable. Des études ont également révélé que la qualité des soins dans les centres d’hébergement et les établissements de soins de longue durée exploités par des entreprises à but lucratif est parfois moindre que dans ceux exploités par des entités sans but lucratifNote de bas de page 600. Dans ce contexte, une meilleure accessibilité aux centres d’hébergement publics nécessite la présence de personnel de qualité et la capacité de gérer une demande accrue de services.

Résumé

Les sujets traités dans ce chapitre (la satisfaction des besoins fondamentaux, le choix de l’endroit où vieillir, la prévention des chutes, la santé mentale, les mauvais traitements et la négligence envers les aînés, l’appartenance sociale, les modes de vie sains ainsi que les soins et les services) sont autant d’aspects essentiels dont doit tenir compte la société canadienne pour créer des conditions propices à un vieillissement en santé. Bien que certaines interventions aient fait leurs preuves ou s’avèrent prometteuses, il subsiste de nombreuses lacunes en ce qui a trait aux connaissances, à l’information et aux pratiques exemplaires. Ainsi, nous devons en apprendre et en faire davantage.

Les chutes chez les aînés sont souvent évitables et, par conséquent, les initiatives visant leur prévention peuvent considérablement améliorer la santé et le bien-être des aînés au Canada. Les lignes directrices sur le sujet définissent et favorisent des pratiques sécuritaires et des conceptions universelles. Créer des environnements sécuritaires et faciles d’accès en plus d’établir des conditions qui encouragent l’activité physique de façon à accroître la force, la souplesse et l’équilibre contribuent à réduire les chutes. Les risques de chute seront également réduits si la population et les professionnels de la santé sont sensibilisés aux mesures de prévention.

Les connaissances concernant la santé mentale des aînés au Canada sont insuffisantes. Les programmes de formation et de sensibilisation sont efficaces pour dissiper les mythes sur le vieillissement et la maladie mentale et pour combattre la stigmatisation qui les accompagne. Il est important de mettre en oeuvre des initiatives et des stratégies portant précisément sur la santé mentale et la maladie mentale à l’intention des aînés, de leurs familles et des aidants. De vastes stratégies d’information sur la santé mentale destinées à l’ensemble des Canadiens sont également nécessaires.

La lutte contre les mauvais traitements et la négligence envers les aînés se fait par divers moyens, dont l’application de la loi et la sensibilisation aux droits qu’elle garantit. Les programmes généraux de sensibilisation visent à faire comprendre aux prestataires de soins et aux aînés ce qui définit les mauvais traitements, et ce, dans un but préventif. On pourrait également aider les professionnels et les autres personnes à détecter les cas de mauvais traitements lorsqu’ils se produisent et à agir en conséquence. Cependant, beaucoup ne disposent pas encore de toute l’information requise, et il faudrait à cet égard mettre sur pied et alimenter des réseaux de connaissances afin de combattre la stigmatisation et la honte qui font perdurer le problème. Les collectivités peuvent jouer un rôle important dans la prévention des mauvais traitements et de la négligence envers les aînés.

Les aînés socialement actifs au sein de leur collectivité présentent un meilleur état de santé. Les interventions qui favorisent leur participation à des activités collectives peuvent avoir des effets positifs. Des projets comme celui des villes et des collectivités amies des aînés, la conception universelle et l’éradication de l’âgisme favorisent l’inclusion sociale. Quant au bénévolat, il aide les aînés à être en meilleure santé parce qu’il leur permet de conserver des liens sociaux et de bénéficier d’une reconnaissance en raison des avantages (économiques, sociaux, etc.) que leur contribution apporte à la société. Il faudrait continuer d’encourager les aînés à faire ou à continuer de faire du bénévolat au Canada et investir davantage dans leur participation à l’action bénévole.

Pour que les personnes adoptent de saines habitudes de vie, elles doivent connaître les avantages que leur procurent ces pratiques. Mais les recommandations concernant l’activité physique ou les programmes d’abandon du tabagisme doivent être adaptés aux besoins particuliers des aînés. Adopter de saines habitudes nécessite un environnement sécuritaire, facile d’accès et attrayant. Il est important non seulement de comprendre les avantages des saines habitudes de vie, mais aussi d’être informé en matière de santé.

Les divers niveaux de services offerts aux aînés et la transition d’un niveau à l’autre sont complexes, et il peut être difficile pour un aîné d’obtenir, de payer ou de choisir des soins. Il existe plusieurs niveaux de soins, sans compter qu’il faut planifier et gérer la transition à un autre niveau lorsque les besoins changent. La situation s’est améliorée dans certaines provinces et dans certains territoires, dont les stratégies générales aident les aînés et appuient les prestataires de soins, mais des efforts en ce sens restent à faire. Les aînés gagneraient à mieux connaître et comprendre les niveaux de soins et les options disponibles au sein de la collectivité. Cela permettrait aussi de mieux répondre aux besoins des prestataires de soins et d’alléger le fardeau des responsabilités qu’ils assument. Il serait également avantageux de soutenir davantage la recherche, par exemple en soins palliatifs, et de s’inspirer des pratiques exemplaires adoptées par les diverses provinces et territoires.

Les interventions et initiatives prometteuses décrites dans ce chapitre montrent que plusieurs secteurs de la société contribuent utilement à la conception et à la mise en oeuvre de programmes efficaces assortis de résultats mesurables. On peut s’inspirer de ces mesures et en faire la base d’un travail de réflexion, de planification et d’intervention. Mais ces efforts ne suffisent pas, notamment au chapitre de l’inclusion active des aînés qui, par l’intime connaissance de leurs besoins, de leurs expériences, de leurs compétences et de leurs capacités de tous ordres, contribueront grandement à la conception de stratégies et d’interventions hautement efficaces pour favoriser le vieillissement en santé au Canada. Le chapitre 5 expose les domaines prioritaires dans lesquels nous devons collectivement travailler pour que les aînés du Canada puissent vieillir en santé.

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