Chapitre 12 : Actualités en épidémiologie du VIH/sida, Juillet 2010 – Résistance primaire aux antirétroviraux contre le VIH au Canada

Chapitre 12 : Résistance primaire aux antirétroviraux contre le VIH au Canada

Résistance primaire aux antirétroviraux contre le VIH au Canada (Document PDF - 423 ko – 7 pages)

Points saillants

  • Le Programme canadien de surveillance des souches et de la résistance aux médicaments ayant trait au VIH (programme SSR) surveille et évalue les souches de VIH et la transmission de la pharmacorésistance au Canada chez les cas récemment diagnostiqués d'infection à VIH au pays qui n'ont pas encore reçu de traitement.
  • Voici quelques observations préliminaires du programme SSR relativement à la résistance aux médicaments anti-VIH chez les cas nouvellement diagnostiqués et non traités au Canada (pharmacorésistance primaire)
  • La prévalence générale de la pharmacorésistance primaire à au moins un antirétroviral est de 9 %.
  • La prévalence générale de la multirésistance à deux classes d'antirétroviraux ou plus s'élève à environ 1 %.
  • La prévalence de la pharmacorésistance au Canada est similaire à celle observée dans d'autres pays où le traitement antirétroviral hautement actif est répandu.

Introduction

Le traitement antirétroviral hautement actif (TAHA) a contribué à réduire considérablement la mortalité et la morbidité chez les personnes infectées par le VIH de type 1 (HIV-1)Note de bas de page 1 Note de bas de page 2 Note de bas de page 3 Note de bas de page 4 Note de bas de page 5 Note de bas de page 6 est associé à un important rétablissement de la fonction immunitaire chez les sujets immunodéprimésNote de bas de page 7 Note de bas de page 8. L'apparition de formes pharmacorésistantes du virus peut cependant neutraliser ces avantages.

La pharmacorésistance est dite soit primaire, soit secondaire. Elle est qualifiée de secondaire lorsqu'elle se développe chez les personnes qui reçoivent déjà un traitement. La pharmacorésistance est considérée comme primaire si elle est observée dans les cas nouvellement diagnostiqués d'infection à VIH qui n'ont jamais reçu de traitement; on présume qu'elle est alors due à la transmission d'un variant pharmacorésistant du VIH-1. La résistance aux médicaments limite les stratégies de traitement antirétroviral (TAR), a d'importantes répercussions sur la morbidité et la mortalité liées au VIH et peut entraîner une augmentation du coût des soins de santéNote de bas de page 9 Note de bas de page 10 Note de bas de page 11 Note de bas de page 12 Note de bas de page 13 Note de bas de page 14 . L'émergence de la pharmacorésistance dans des populations traitées (patients ayant reçu un traitement antirétroviral) et la transmission de souches pharmacorésistantes à des sujets nouvellement infectés sont d'importants problèmes de santé publique à prendre en compte dans la prévention et la lutte contre l'infection à VIHNote de bas de page 15 .

Le présent chapitre donne un aperçu sommaire de la résistance primaire aux médicaments contre le VIH au Canada et dans d'autres pays industrialisés ainsi que des données du Programme canadien de surveillance des souches et de la résistance aux médicaments ayant trait au VIH (SSR), fruit de la collaboration entre les provinces et l'Agence de la santé publique du Canada (Division de la surveillance et de l'évaluation des risques, et Laboratoires nationaux du VIH et de rétrovirologie). Des renseignements additionnels, plus détaillés, du programme SSR seront présentés dans la prochaine édition du rapport intitulé Souches de VIH-1 et résistance primaire aux médicaments au Canada (qui devrait être publiée à l'automne 2010; la dernière édition de ce rapport est parue en 2006Note de bas de page 16 .

Évolution de la pharmacorésistance

Le TAR vise à bloquer les étapes essentielles dans le cycle de vie du virus. Les médicaments les plus couramment utilisés dans le TAR ciblent deux enzymes, la transcriptase inverse (TI) et la protéase du VIH. La résistance aux médicaments résulte en grande partie de changements (mutations) dans le matériel génétique qui code ces enzymes, réduisant l'efficacité du TAR. Bien qu'on ait accès à de nouvelles classes de médicaments, les médicaments approuvés pour le traitement de l'infection à VIH qui sont le plus couramment employés appartiennent à trois classes : inhibiteurs nucléosidiques de la transcriptase inverse (INTI), inhibiteurs non nucléosidiques de la transcriptase inverse (INNTI) et inhibiteurs de la protéase (IP).

Le VIH évolue constamment, et des mutations surviennent dans le matériel génétique du virus chaque jour. La plupart des mutations n'entraînent pas de résistance aux médicaments; elles sont létales, réduisent la virulence du VIH ou si elles n'influent pas sur la croissance du virus, surviennent à des sites qui ne sont pas ciblés par le TAR. Dans des conditions où le traitement n'inhibe pas complètement la réplication virale, cependant, un virus porteur de mutations de pharmacorésistance peut commencer à se multiplier, entraînant un échec thérapeutique. Dans le cas de certains médicaments en particulier (p. ex. les INNTI), une mutation unique peut être associée à un niveau élevé de résistance à des médicaments de la même classe.

Méthodes de détection de la pharmacorésistance

Les tests génotypiques permettent de détecter les mutations dans le matériel génétique du virus par séquençage des gènes d'intérêt. En comparant les séquences produites avec des bases de données qui contiennent les mutations conférant une résistance, on peut déterminer si une pharmacorésistance est présente ou absente.

Les tests phénotypiques évaluent la croissance d'un virus en présence d'un certain médicament pour vérifier si le virus est sensible à ce dernier. Ce type de test est similaire du point de vue théorique aux épreuves de sensibilité aux antibiotiques dans des cultures bactériennes.

Pharmacorésistance chez les personnes non traitées (pharmacorésistance primaire)

Les mutations associées à la résistance aux médicaments chez les cas nouvellement diagnostiqués qui n'ont jamais reçu de traitement résulteraient de la transmission d'une souche pharmacorésistante provenant d'un patient traité ou d'autres personnes n'ayant jamais été traitées (transmission en aval)Note de bas de page 17 Note de bas de page 18 Note de bas de page 19. Plusieurs études effectuées en Europe et aux États-Unis ont fait état de taux de mutations associées à une pharmacorésistance variant entre 3,8 % et 20 % ou plus des infections à VIH-1 non traitées, précoces ou aiguësNote de bas de page 20 Note de bas de page 21 Note de bas de page 22 Note de bas de page 23 Note de bas de page 24 Note de bas de page 25 Note de bas de page 26.

Pharmacorésistance primaire au Canada

Selon les résultats cumulatifs obtenus à partir des données du programme SSR, la prévalence générale de la pharmacorésistance primaire à au moins un antirétroviral s'élève à 9 % (voir le tableau 1 pour les résultats sur la pharmacorésistance primaire selon la classe de médicaments).

Tableau 1. Distribution de la pharmacorésistance chez les cas nouvellement diagnostiqués qui n'ont jamais reçu de traitement (1996 à décembre 2008)
  Fréquence Pourcentage
Type sauvageFootnote a 3781 91,0
INTIFootnote b 150 3,6
INNTIFootnote c 108 2,6
IPFootnote d 78 1,9
INNTI/INTI 20 0,5
IP/INNTI 6 0,1
IP/INTI 9 0,2
IP/INNTI/INTI 5 0,1
Total 4157 100,0
Remarque:
  1. Sont incluses dans l'analyse les données provenant des provinces participant au programme SSR : C. B., Alb., Sask., Man., Ont. et N. É.
  2. Les données sur la pharmacorésistance au Québec ne sont pas incluses dans l'analyse, mais le seront dans la nouvelle édition du rap- port intitulé Souches de VIH 1 et résistance primaire aux médicaments au Canada (qui devrait être publié à l'automne 2010).
Source des données : Agence de la santé publique du Canada. Données non publiées allant jusqu'à la fin de 2008 en provenance du Programme canadien de surveillance des souches et de la résistance aux médicaments ayant trait au VIH. Ottawa : Division de la surveillance et de l'évaluation des risques, Centre de prévention et de lutte contre les maladies infectieuses, Agence de la santé publique du Canada.

Pour ce qui est du moment où l'infection a été contractée, les données du programme SSR révèlent que jusqu'à présent, une plus grande proportion de cas nouvellement infectés que de cas atteints d'une infection établie présentent une pharmacorésistance primaireNote de bas de page 16 Note de bas de page 27. Cette observation concorde avec la plupart des conclusionsNote de bas de page 27 Note de bas de page 28 Note de bas de page 29 Note de bas de page 30. mais non de l'ensemble des étudesNote de bas de page 31 Note de bas de page 32.ui signalent une prévalence plus élevée de la pharmacorésistance primaire chez les personnes nouvellement infectées comparativement aux sujets atteints d'une infection chronique par le VIH-1 qui ne sont pas traités.

Des renseignements et une analyse plus détaillés seront présentés dans la prochaine édition du rapport intitulé Souches de VIH-1 et résistance primaire aux médicaments au Canada.

Résumé des principales études sur la prévalence de la pharmacorésistance primaire

La présente section résume les conclusions concernant la prévalence de la pharmacorésistance primaire chez les personnes qui n'ont pas encore reçu de traitement (patients naïfs) en Amérique du Nord et en Europe de l'Ouest.

Pharmacorésistance primaire au Canada

Selon les données recueillies durant les périodes 1996-1998 et 1997-2005 pour différentes cohortes au Canada, la prévalence de la pharmacorésistance primaire variait de 2 % à 8 %Note de bas de page 33 Note de bas de page 34 Note de bas de page 35. Dans une étude sur la résistance aux médicaments chez des cas nouvellement infectés par le VIH-1 à Montréal pour la période 1996-2003, la prévalence de la pharmacorésistance chez les patients récemment infectés est passée de 13 % en 1997-2000 à 4,0 % en 2001-2003Note de bas de page 36.

Les données recueillies dans le cadre du programme SSR ont permis d'évaluer la variation régionale dans la souche de VIH et la pharmacorésistance chez les sujets n'ayant jamais reçu de traitement et dont l'infection a été diagnostiquée en 2004. Les renseignements sur la séquence de la souche ont été obtenus à partir de 537 échantillons de sérum. Dans l'ensemble, la prévalence de la résistance s'établissait à 9,7 %; mais elle variait d'une province à l'autre entre 5,6 % et 18,4 %Note de bas de page 37 . Une analyse antérieure des données de ce programme a montré que la prévalence de la pharmacorésistance primaire était plus élevée chez les hommes de race blanche qui avaient des relations sexuelles avec d'autres hommes et était plus forte dans les cas d'infection récente que dans les cas d'infection établieNote de bas de page 27 .

Une étude récente menée par Tossonian et coll.Note de bas de page 38. évalué à 4,7 % la prévalence de la pharmacorésistance primaire dans une population de sujets naïfs qui s'injectaient des drogues et fréquentaient un centre de santé communautaire à Vancouver. La prévalence de la résistance à diverses classes de médicaments dans cette population s'élevait à 3,1 % pour les INNTI et à 1,6 % pour les INTI, et aucun cas de résistance aux IP ni de cas de multirésistance n'ont été recensésNote de bas de page 38.

Pharmacorésistance primaire aux États-Unis

Différentes estimations de la prévalence de la pharmacorésistance primaire aux États-Unis ont été publiées. Dans l'ensemble, la prévalence chez des sujets naïfs atteints d'une infection récente ou chronique variait de 7 % à 27,3 %, selon les caractéristiques de la population étudiée, le plan d'étude, les stratégies d'échantillonnage, les méthodes et les critères utilisés pour évaluer la transmission d'un virus résistant, la période d'étude et la région géographiqueNote de bas de page 20 Note de bas de page 21 Note de bas de page 22 Note de bas de page 26 Note de bas de page 39 Note de bas de page 40 Note de bas de page 41 Note de bas de page 42 Note de bas de page 43. Par exemple, au cours de la dernière décennie, des études ont signalé des taux élevés de prévalence de la pharmacorésistance primaire à San Diego (25 %)Note de bas de page 44.t à New York (24,1 %)Note de bas de page 45 . D'autres études récentes aux É.-U. portant sur différents groupes de risque ont également mis en évidence une forte prévalence de la pharmacorésistance primaire, qui variait de 11,6 % à 18 %Note de bas de page 29 Note de bas de page 41 Note de bas de page 42 Note de bas de page 46 Note de bas de page 47 Note de bas de page 48. Une étude plus récente effectuée par Hurt et coll.Note de bas de page 49 estimé à 17,8 % la prévalence de la pharmacorésistance primaire chez des patients de la Caroline du Nord dont l'infection aiguë ou récente avait été diagnostiquée entre 1998 et 2007. Parmi les personnes infectées, 9,5 % présentaient une résistance aux INNTI, 7,5 % une résistance aux INTI et 3,2 % étaient résistantes aux IP.

Pharmacorésistance primaire en Europe de l'Ouest

En général, les études menées dans les pays d'Europe de l'Ouest ont signalé une variation de la prévalence de la pharmacorésistance primaire, comme l'avaient fait certains rapports nord-américains. Cette variation traduit l'hétérogénéité du plan d'étude, des caractéristiques démographiques de la population et des méthodes de détection de la résistance.

Les résultats de deux vastes études multicentriques semblent indiquer que la prévalence de la pharmacorésistance primaire en Europe de l'Ouest entre 1996 et 2003 s'élevait à environ 10 % chez les personnes atteintes d'une infection récente ou chronique et que la prévalence de la résistance variait selon la classe de médicaments. En outre, une plus forte prévalence de la pharmacorésistance primaire a été signalée chez les personnes infectées par le sous-type B du virus que chez celles qui étaient infectées par d'autres sous-typesNote de bas de page 28 Note de bas de page 50 Note de bas de page 51.

Un certain nombre d'études ont obtenu des taux de prévalence inférieurs à 10 %. Entre 2002 et 2005, le programme SPREAD (Strategy to Control SPREAD of HIV Drug Resistance)Note de bas de page 52. examiné 2 793 cas nouvellement diagnostiqués d'infection à VIH-1 dans 20 pays européens et a obtenu un taux général de prévalence de la pharmacorésistance primaire de 8,4 %. Une résistance aux INTI a été détectée chez 5 % des patients, alors que 2 % des sujets affichaient une résistance aux INNTI et 3 % étaient résistants aux IP. Une étude d'une durée de 10 ans (1996-2005) effectuée en Suisse a enregistré des taux de résistance de 7,7 % pour tout médicament, de 5,5 % pour les INTI, de 1,9 % pour les INNTI et de 2,7 % pour les IPNote de bas de page 53. Une multirésistance a été observée chez 2 % des patients. Un certain nombre d'autres études menées en Europe de l'Ouest, notamment au Royaume-Uni, en Allemagne, au Portugal, en Belgique, en Italie, en France et au Luxembourg, ont recensé des taux de prévalence de pharmacorésistance primaire allant de 5 % à 10 %Note de bas de page 31 Note de bas de page 54 Note de bas de page 55 Note de bas de page 56 Note de bas de page 57 Note de bas de page 58 Note de bas de page 59. alors que dans d'autres études, le taux de prévalence était inférieur à 5 %Note de bas de page 25 Note de bas de page 60.

Plusieurs études ont cependant obtenu des taux plus élevés de prévalence de la pharmacorésistance primaire dans les pays d'Europe de l'Ouest. Une étude britannique menée en 2003 a enregistré un taux de 19,2 % pour toute mutation de résistance à un médicament, de 12,4 % pour la résistance aux INTI, de 8,1 % pour la résistance aux INNTI et 6,6 % pour la résistance aux IPNote de bas de page 61. De même, dans une vaste cohorte italienne pour la période 1996-2007 qui regroupait 1 690 patients jamais traités, la prévalence de la pharmacorésistance primaire s'élevait à 15 %, la prévalence des sous-types non B étant de 7 % et celle des sous-types B de 17,3 %Note de bas de page 62. Plusieurs autres études dans différents pays d'Europe de l'Ouest ont également signalé des taux de prévalence supérieurs à 10 % chez les personnes atteintes d'une infection aiguë, récente ou chronique et dans les cas d'infection nouvellement diagnostiquésNote de bas de page 62 Note de bas de page 63.

Commentaires

Une résistance primaire aux médicaments contre le VIH a été observée dans la plupart des pays où l'on a recours au TAHA. Bien que l'interprétation des résultats soit difficile et continue d'évoluer, les personnes infectées par des variants du VIH qui sont résistants aux médicaments peuvent courir un plus grand risque d'échec thérapeutique même si elles n'ont jamais reçu de traitement. Il est essentiel de continuer à surveiller la pharmacorésistance primaire non seulement afin d'élaborer des lignes directrices pour le traitement initial, mais également afin de mieux comprendre et de prévenir la transmission de souches résistantes du VIH.

Remerciements

Il est possible d'exercer une surveillance du VIH et du sida à l'échelle nationale grâce à la participation de toutes les provinces et de tous les territoires aux activités de surveillance et à l'élaboration des grandes orientations en la matière. L'Agence de la santé publique du Canada remercie les coordonnateurs provinciaux et territoriaux de la lutte contre le VIH/sida, les unités de santé publique, les laboratoires, les dispensateurs de soins de santé et les médecins déclarants d'avoir communiqué des données confidentielles non nominales, aux fins de la surveillance nationale.

Pour de plus amples renseignements, veuillez communiquer avec :

Division de la surveillance et de l'évaluation des risques

Centre de la lutte contre les maladies transmissibles
et les infections
Agence de la santé publique du Canada
Pré Tunney
Indice de l'adresse : 0602B
Ottawa (Ont.) K1A 0K9
Tél. : 613-954-5169
Fax : 613-957-2842
www.phac-aspc.gc.ca

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